PSG-Manchester : « Il a tout gâché »… Comment le départ de Cavani a-t-il pu autant diviser les ultras du PSG ?
FOOTBALL•Le départ d'Edinson Cavani a créé des divisions au sein du Collectif Ultras Paris ces derniers moisAymeric Le Gall
L'essentiel
- Idole du Parc pendant de nombreuses années, Edinson Cavani a quitté le club dans un contexte particulier et sans pouvoir faire ses adieux aux supporters.
- S'il ne sera pas là mardi avec Manchester, l'Uruguayen a tout de même laissé des séquelles internes chez les ultras du PSG, divisés sur l'attitude à adopter vis-à-vis du Matador.
La nouvelle est tombée lundi en fin de journée et elle a bien failli chambouler tous nos plans avant le premier match de Ligue des champions entre le PSG et Manchester United mardi. L’ancienne idole du Parc des Princes Edinson Cavani n’a pas fait le voyage avec ses nouveaux coéquipiers et ne retrouvera donc pas l’enceinte qui l’a érigé au rang de demi-dieu ces dernières années. Pourquoi alors parler du Matador si celui-ci est resté dans le Nord de l’Angleterre pour déballer ses cartons ? Et puis finalement, réflexion faite, la présence ou non de l’Uruguayen à Paris mardi soir ne change rien à l’affaire. Il s’agit d’abord et surtout d’une affaire de supporters.
Adulé par les ultras parisiens autant pour sa grinta et son côté proche du peuple que pour ses golazos en pagaille, le cow-boy de Salto a vu sa cote de popularité chuter en un claquement de doigt après sa décision de ne pas prolonger de deux mois son bail dans la capitale afin de jouer le Final 8 avec ses futurs-ex coéquipiers. Sans parler du silence radio instauré par Edinson Cavani et son entourage qui, de mai à octobre, n’ont pas eu un mot en direction de ceux qui l’avaient tant aimé. Forcément ça agace.
Romain Mabille, l’ancien leader du Collectif Ultras Paris (CUP) dans les colonnes du Parisien : « Est-ce qu’on aimerait lui rendre hommage ? Pour pouvoir lui rendre hommage, il faudrait que lui soit ok déjà, qu’il vienne au Parc, et qu’on ait un contact avec lui. Mais là, il a fermé les portes, il s’est isolé et ne communique pas. Difficile de rendre hommage à quelqu’un qui n’est pas là et qui ne veut pas… »
Nous nous sommes tant aimés
Un proverbe arabe dit que c’est de la confiance que naît la trahison. Et de la confiance, les Ultras lui en ont donné énormément si l’on veut bien oublier les premiers mois difficiles entre les deux parties, quand Cavani, exilé sur un côté pour faire place nette en pointe à Zlatan Ibrahimovic, vendangeait occasion sur occasion et peinait à justifier le prix de son transfert (63 millions d’euros en provenance du Napoli). Mais au fil du temps, à force de patience, une relation particulière s’est tissée entre le Virage Auteuil et l’Uruguayen, au point de faire de Cavani l’idole absolue des ultras, chanson attitrée et drapeau à son effigie à l’appui. Alors forcément, « Le départ de Cavani, on le vit mal parce qu’on a une vraie relation avec lui », confirmait récemment Romain Mabille chez nos confrères de RMC.
Tellement mal que les membres du CUP n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur l’attitude à adopter vis-à-vis du joueur. Et la question de l’hommage a cristallisé les positions et fait naître quelques tensions. Romain Mabille, toujours : « L’association est divisée en deux : la moitié des gens passent outre son départ précipité, qui pour moi est un manque de respect, et veulent lui rendre hommage. L’autre partie a mal pris les raisons de son départ et son manque de communication. Tout dépend de lui, s’il dit au revoir, les choses seront certainement différentes. » Une banderole sera finalement déployée aux Invalides pour remercier Edi (« El Matador, de soldat à légende, un buteur qui a marqué l’histoire de notre club », en espagnol dans le texte) sans que l’initiative ait été validée par l’ensemble des composantes du CUP, notamment par la K-Soce Team, l’un des principaux groupes d’ultras parisiens.
La banderole de la discorde
Un choix qui a fait tiquer au-delà du cercle restreint des ultras. « Pourquoi lui rendre hommage ? Il a tout gâché avec sa façon de partir sans rien communiquer, lâche, amer, Christophe, alias @lhistoriquepsg sur Twitter. Il faut arrêter d’en faire autant, certes, c’est le meilleur buteur du club, mais ça lui donne tous les droits ? Non, il a abandonné le club en pleine Ligue des champions. C’est comme ça qu’il tourne la page ? Et bien moi aussi, je la tourne très rapidement ». « Il sort par la toute petite porte alors qu’il aurait dû sortir en seigneur. J’étais contre cette banderole car je lui en veux », embraye Alex, lui aussi supporter parisien depuis toujours. A l’inverse, pour Alexandre, membre du CUP, cet hommage était le moins que les ultras pouvaient faire.
« « Le groupe qui lui a rendu hommage est un groupe d’anciens qui connaît les valeurs du foot, qui a une vraie culture foot. Ils ont voulu quoi qu’il arrive remercier Cavani pour ce qu’il avait fait pour nous. Ils sont allés un peu plus loin que certains groupes, ils savent ce que ça représente tout ce qu’il a fait. Je fais partie de ces gens-là. » »
« Cet hommage c’est mieux que rien », embraye Vad, autre habitué du Parc mais qui n’a pas sa carte chez les ultras. « Pour le CUP ça en revient au côté respect du maillot, du blason. Je peux comprendre que certains n’apprécient pas la façon donc Edinson est parti et surtout le flou qu’il y a autour de ce départ. Je peux même comprendre la trahison que certains ressentent. Mais je n’oublie pas tout ce qu’il a fait pour nous. Et j’espère que mardi un véritable hommage lui sera rendu », ajoute un supporter exilé du côté de Lyon.
Le leader historique du CUP jette l’éponge
Tout ce bazar pour une simple banderole, diront certains ? Ce serait mal comprendre l’importance capitale de ce moyen d’expression pour le milieu ultra. Pour preuve, selon Le Parisien, c’est en partie pour cette raison que le leader historique du CUP Romain Mabille a décidé de passer la main après des années de travail acharné pour remettre la mouvance ultra du PSG au centre de l’échiquier des tribunes françaises. Ça et les banderoles polémiques déployées un peu partout dans Paris avant le Classique contre l’OM en septembre dernier, sans que la décision n’ait là non plus été validée à l’unanimité.
« Je mets fin à ma présidence du CUP et à mes activités au sein de l’association, explique Romain Mabille dans son message annonçant son départ. Depuis quelques semaines, j’avais déjà pris du recul. Je communiquerai plus tard sur les raisons de mon choix ainsi que sur ses conséquences. […] Il y a beaucoup de choses que je ne partage plus au sein du CUP et du PSG. Ma franchise et mes valeurs me poussent à faire ce choix. […] Je quitte la présidence la tête haute, en pouvant me regarder dans la glace, fier de mon bilan. »
Selon nos informations, l’histoire n’est pas aussi binaire que ça. « L’hommage à Cavani n’est pas l’élément déclencheur du départ de Romain, c’est beaucoup plus complexe que cela, nous confie un proche du CUP. Ça a pu jouer, c’est vrai, mais je crois que ça a aussi à voir avec le contexte Covid, les huis clos dans les stades. Après c’est vrai que sur le fond il y a eu pas mal de désaccords au sein du CUP ces derniers temps, notamment au sujet de Cavani. Tout le monde est partagé, même au sein de différents groupes tout le monde n’était pas d’accord. »
Le CUP doit retrouver son unité
Il faut dire aussi que la composition même du Collectif Ultras Paris – une seule entité officielle mais plusieurs sous-groupes à l’intérieur –, voulue par les autorités après les années de violence au Parc et l’instauration du Plan Leproux n’aide pas à l’unité en toutes circonstances. « Il faut réussir à faire la synthèse de tout ça et des fois t’en arrives à devoir faire le grand écart », poursuit ce fin connaisseur du mouvement ultra parisien. « Au sein du CUP il y a beaucoup de groupes aux profils très hétérogènes et chacun va s’identifier à l’un ou l’autre en fonction de son âge, des valeurs véhiculées par le groupe, valide un membre du CUP. Forcément à l’arrivée il peut parfois y avoir des dissensions. Mais ça fait partie de la vie d’un groupe ultra. »
Ce n’est finalement qu’après des mois de silence et une fois son contrat avec Manchester signé que l’Uruguayen a redonné signe de vie aux supporters Parisiens. « Bonjour Paris, bonjour à tout le monde. Voilà, je suis ici pour remercier. Après un peu de temps, oui c’est vrai […] mais parfois c’est bien de laisser passer un peu de temps. Ça rend les choses plus tranquilles et la tête plus tranquille. Et moins de risque pour créer une situation et une ambiance plus négative (sic). Je suis ici pour remercier tout le monde. Aux supporters qui m’ont donné leur cœur, doucement avec le temps. C’est un amour qui a grandi avec le temps mais c’est quelque chose qui est très important pour moi. »
Un peu court diront certain, mieux que rien avanceront les autres. Mais la question n’est (déjà) plus là. Edinson Cavani est parti, la vie continue et le principal objectif du nouveau président du CUP, Nicolas Boffredo, sera de maintenir l’unité du groupe d’ici à leur retour en tribune à la fin de la crise sanitaire. Il sera alors temps de se trouver une nouvelle idole à vénérer.