PSG - Bayern : Pour l'ancien parisien Valdo, « Paris doit gagner la C1 pour être respecté »
INTERVIEW•Le Brésilien a parlé à « 20 Minutes » avant la finale PSG-BayernPropos recueillis par William Pereira
De notre envoyé spécial à Lisbonne,
« J’ai fait un petit footing tôt ce matin. J’aime bien courir vers la cité universitaire. » Valdo porte bien ses 56 ans, question d’hygiène de vie. C’est pourtant dans le restaurant dit musée de la bière, sur la place du Commerce à Lisbonne, que l’ancien joueur du Paris Saint-Germain nous a donné rendez-vous pour parler de la finale de la Ligue des champions, qu’il attend avec impatience, et de ce groupe de joueurs qu’il a pu approcher au centre d’entraînement du Sporting après la victoire contre l'Atalanta Bergame. S’il a un bon pressentiment pour son ancien club, il s’interdit de fanfaronner. Parce qu’il est brésilien, et qu’en face, c’est une équipe allemande. Entretien avec un homme qui ne fait jamais deux fois la même erreur.
Le PSG est en finale, est-ce que vous trouvez cette performance justifiée et comment vous voyez leur progression depuis quelques années ?
Moi je pense que les deux équipes méritent d’être en finale. Paris mérite parce que c’est pas que le Paris d’aujourd’hui, c’est celui qui a commencé dans le passé. Avant moi-même, Susic et compagnie. Petit à petit, on grimpait, on grimpait. L’arrivée des Brésiliens, puis de Ginola, Weah. Et après on fait venir Rai, et ça commençait à grimper, petit à petit. On va en Coupe des coupes, on fait des bonnes prestations et on est éliminé contre Arsenal. Après il y a le célèbre match contre le Real. Puis on élimine le Barça, mais on se fait sortir par Milan. Je crois que tout ça c’était pour préparer le Paris Saint-Germain à la suite. Tout ça fait qu’aujourd’hui Paris est vraiment devenu costaud. Paris arrive dans un bon moment en finale de Ligue des champions. Tu enlèves Kylian Mbappé et Kimpembe, les autres ont tous 26, 27, 28 Neymar, 30, 32 ans… Navas, trois fois vainqueur de la Ligue des champions. C’est un groupe expérimenté. Ils ont tout ce qu’il faut. Tous les atouts sont là.
Mais de l’autre côté, il y a le Bayern…
Le Bayern, tu arrives pas à les déchiffrer. Ils sont froids comme des glaçons. Tu sais pas s’ils sont en train de souffrir, en train de rigoler, si c’est une blague. C’est ça le danger avec les équipes allemandes. Lyon attaque, Gnabry prend le ballon, marque. Allez hop, on rentre à la maison. Ça, c’est la force des Allemands.
Vous qui avez vu de près la vie de ce groupe, qu’est-ce qui fait que le PSG, ça marche là ?
Les autres années ça marchait aussi mais on n’allait pas au bout. Même à notre époque on peut pas dire que ça n’a pas marché. Ça a marché, sauf que tu payes le prix d’être jeune. On parle de l’Europe, là. Il n’y a que des requins ! Juventus, Inter, Milan AC, Bayern, Real, Barça, Liverpool. City qui est parmi eux aussi. Ces joueurs sont ensemble depuis un certain temps. Ça, c’est le prix pour être vraiment un grand. Je pense que Paris arrive au moment où il faut en finale, avec beaucoup d’expérience. Moi quand j’étais dans le centre d’entraînement du Sporting avec les joueurs du PSG, ce que j’ai senti c’est l’amour entre eux, l’amitié, la complicité entre les joueurs et l’entraîneur. Quand c’est comme ça, c’est parfait.
« Keylor Navas, quand lui il parle, qui va oser dire non ? Personne. Parce que lui il peut dire : « j’ai trois Ligues des champions, petit, donc tu fermes ta bouche et on va faire comme je dis. » »
Comment vous traduisez cet amour dans le comportement des joueurs ?
Ça fait déjà beaucoup d’années qu’ils sont ensemble, alors en plus, là, ils sont ensemble tous les jours en ce moment. Là ils sont dans le même hôtel depuis 15 jours à peu près. T’imagines, sans femmes ni enfants, rien. Si tu as pas l’amour dans le groupe au bout de trois jours c’est la pagaille (rires) ! Je connais pas Tuchel personnellement, mais je trouve que sur l’image qu’il transmet il est cool, il est sûr de lui. Il est ferme mais il est cool. Et il est jeune. Il blague aussi avec les joueurs. Et quand tu regardes l’effectif du PSG tu vois que la plupart des joueurs sont mariés. Il y a très peu de célibataires, et les jeunes qui le sont pas sont très cools. Kylian Mbappé c’est pas un gars polémique. Le problème ça aurait été que Kylian Mbappé s’entende pas avec Neymar. Mais ils sont toujours ensemble, ils aiment bien blaguer ensemble et tout ça, ça aide. Sans l’amour, laisse tomber.
Il y a un joueur dont l’arrivée semble avoir fait la différence dans ce groupe plein d’amour que vous décrivez, c’est Keylor Navas. Au-delà du fait d’avoir enfin un grand gardien, ça change quoi d’avoir un mec aussi titré dans le vestiaire ?
Sur le terrain quand tu regardes les compos d’équipes avant le match et que le premier nom qui sort, c’est Keylor Navas, trois fois vainqueur de la Ligue des champions. Putain, y a rien à dire. Tu n’as pas besoin d’avoir le brassard pour être un leader. Navas c’est un des capitaines. Il ne parle pas trop, c’est le geste, le positionnement, le regard. Il y a beaucoup de choses qui comptent. Et quand lui il parle, qui va oser dire non ? Parce que lui il peut dire (il tape trois fois dans ses mains) : « j’ai trois Ligues des champions, petit, donc tu fermes ta bouche et on va faire comme je dis. » Je pense que Navas il est autant capitaine que Thiago Silva. Quand il parle, tout le monde l’écoute.
Il y a évidemment Neymar, aussi. On dirait qu’avec toutes les difficultés qu’il a traversées, c’est devenu un homme. Avant, c’était encore un enfant protégé et là c’est devenu un homme…
Oui. Le processus Neymar, il est complexe. Est-ce que Neymar voulait partir à Paris ? Paris arrive avec le chèque et fait tomber la clause. Après il règle avec Neymar. C’est différent de si Neymar avait demandé à partir de Barcelone. Quand il arrive au PSG, ça c’est mon avis, il voit que le championnat de France n’a pas le même parfum que la Liga. Et quand même à l’époque Paris n’était pas encore costaud, costaud, costaud. Lui il arrive, tout le monde l’attend, la France s’arrête, la Tour Eiffel s’allume pour lui, il y a tout ce décor… Il fait des matchs bons, des moins bons. Tu sentais qu’il était pas encore à l’aise dans sa tête. Parce qu’il était jeune.
Là ça fait trois ans qu’il est à Paris. Après il y a eu des blessures, il a aussi vécu beaucoup de choses dans sa vie privée. Tout ça fait que Neymar évolue. A 28 ans, il regarde et il se dit « moi si je veux vraiment gagner le Ballon d’or » il faut vraiment je sois Neymar. Et là, il est vraiment Neymar, celui qui nous a enchantés à Santos, en équipe nationale et au Barça. On retrouve enfin le Ney qui a quitté le Barça. Neymar il prend le ballon, il rentre dedans. Avant, il venait au milieu, il touchait le ballon, on aurait dit qu’il boudait. Aujourd’hui quand il prend le ballon tu sais qu’il va faire quelque chose et puis après il va trop vite. Il est pas rapide en vitesse pure, mais avec le ballon pff. C’est différent de Kylian. Kylian il pourrait faire du 100 mètres facile. Lui il va vite avec le ballon, sans ballon. Les deux ensembles, espérons qu’ils vont être dans la bonne soirée. Et là les Allemands vont avoir des problèmes.
« Il faut se méfier des équipes allemandes. En plus ils ont des sacrés joueurs de ballon. Quand tu vois le milieu… Thiago Alcântara, tu lui donnes un ballon carré il te le rend rond, propre. Mais nous avons Kylian et Neymar. C’est de la bombe atomique. »
On a l’impression qu’ils ont compris tous les deux qu’ils étaient complémentaires, qu’ils ont besoin l’un de l’autre. C’est le meilleur duo d’attaquants possible ?
Je suis sûr et certain. Neymar et Kylian ? Pff. Moi si je suis un défenseur adverse, je dors pas la veille si je sais que le lendemain il y a Neymar et Mbappé en face. Tu as vu quand Kylian était sur la touche contre Bergame quand il est rentré, la différence que ça a fait. Neymar, Kylian, c’est pareil que Messi. Tu crois que les Allemands ils vont dormir tranquille ? Ils disent rien, mais Boateng, là il est en train de penser à Messi qui le fait tomber, pouf, comme ça sur les fesses…
Pour revenir au match, on a la sensation que Lisbonne est plus Paris que Bayern…
(Il coupe) Ici, c’est Paris (rires) ! Tu es dans mon jardin, tout ça ici c’est Paris. On va mettre le feu dimanche, tu vas voir. Dimanche il y aura des drapeaux de Paris partout là. Moi j’aime les ambiances de fête comme ça. En 2014, pour le match catastrophique Brésil-Allemagne, j’avais amené tous les Brésiliens au restaurant. Il y avait presque 400 personnes, bordel général, il y avait que des Brésiliens. Et d’un seul coup il y a un mec qui arrive avec le maillot allemand. Et les mecs voulaient le choper. Moi je me suis opposé, en disant « la démocratie quand même ». Je parle avec lui, fier de mon Brésil, en lui disant « bienvenue pas de soucis. Mais tu sais qu’ici c’est une maison brésilienne. Si par hasard vous marquez un but il faut pas commémorer. » Et ils en ont mis sept… Putain sept. Sept. C’est ça le problème avec les Allemands, tu sais jamais ce qu’ils ont en tête.
Vous faites le rapprochement entre le 7-1 et le match de Paris à venir contre le Bayern ?
Non je dis juste qu’il faut se méfier des équipes allemandes. En plus ils ont des sacrés joueurs de ballon. Quand tu vois le milieu. Thiago Alcantara, tu lui donnes un ballon carré il te le rend rond, propre. Mais nous avons Kylian et Neymar. C’est de la bombe atomique. Après pour moi le seul qui peut faire tout seul des actions comme Neymar et Kylian c’est Gnabry. Il a une de ces explosivités dans les jambes… Après les autres se fondent dans un collectif. L’équipe qui va commettre le moins d’erreurs sera championne.
Il y a un truc que Paris n’a pas en dépit d’avoir des grands joueurs, c’est la reconnaissance d’une appartenance à la classe des grands clubs. Comme Manchester City. Pourquoi ?
Le Paris Saint-Germain aujourd’hui est un club connu. Mais il n’est pas respecté. Pour être respecté, Paris doit gagner des titres comme la Ligue des champions. C’est là que tu commences à planter ton drapeau pour dire, « nous sommes là ». Avec tous les moyens qu’ils ont, s’ils ne gagnent pas la Ligue des champions, ils sont morts. Si le PSG bat le Bayern Munich, ça commence là. Aujourd’hui s’il gagne, et que l’année suivante il confirme… Je dis pas forcément qu’il la gagne encore mais qu’il est là parmi les demi-finalistes, ça y est ça sera lancé, et il fera partie des requins. Ça sera le temps qui fera les choses. L’important c’est la confirmation. Tout le monde peut gagner. Rester au top, c’est une autre affaire.