Mercato : Des chauffeurs de taxi aux faits divers, la folie Edinson Cavani s'est emparée de Lisbonne
FOOTBALL•La telenovela qu'est la probable arrivée de Cavani à Benfica agite Lisbonne par ces temps de Final 8William Pereira
De notre envoyé spécial à Lisbonne,
Le trajet entre notre camp de base et le stade de la Luz est bref, mais le chauffeur de taxi, João, entame la discussion. « Pour nous c’est plus facile de briser la glace avec les clients par les temps qui courent. Avant, on parlait de la météo et de la circulation. Maintenant, il y a aussi le Covid et Cavani ! » Quel est le rapport entre Lisbonne et Edinson Cavani, direz-vous. L’Uruguayen n’a pas prolongé avec le Paris Saint-Germain pour le rab de saison restant et n’est donc pas dans la capitale portugaise.
Pas encore. L’attaquant uruguayen attend sagement que son avenir s’éclaircisse avec sa famille à Ibiza, pendant que son demi-frère, Walter Guglielmone, lui négocie un contrat en platine avec les dirigeants de Benfica, où il est annoncé pour trois ans. Les dernières nouvelles parlent de 10 millions d’euros annuels. Pas mal. Mais le clan Cavani essaye de gratter ce qu’il peut et les pourparlers traînent.
« Le processus est en cours, mais rien n’est bouclé », résumait jeudi Guglielmone. Promise mercredi, la signature du Matador devrait plutôt se faire après la finale de la Ligue des champions, car le club veut attendre de « récupérer » son stade pour bricoler une présentation « épique » pour sa nouvelle star, a-t-on cru entendre à la télévision portugaise entre deux gorgées de Sumol, au plus grand désespoir de supporteurs au bord de l’implosion.
Maillot moulant et grandeur perdue
« Ça fait un mois que ça dure. Un coup c’est oui, un coup c’est non. Il y a deux semaines, ils disaient même que c’était fini, que l’accord était impossible [le club avait démenti via communiqué être en train de négocier l’arrivée de l’Uruguayen] », râle Nelson, chopé à la volée dans un parc de street-workout où son maillot de Benfica, résolument plus à sa taille, manquait de craquer à chaque traction. Dans l’effectif professionnel, c’est plutôt l’inverse : la tunique écarlate était trop grande pour beaucoup de joueurs en totale perdition avant et après le confinement, laissant au rival de Porto la Coupe du Portugal, le championnat et la qualif en Ligue des champions. Parce qu’elle intervient dans le néant total, la possible arrivée de Cavani est porteuse d’espoir.
a« Les gens ici sont dans l’extase en envisageant l’arrivée de Cavani parce que c’est un grand joueur, croit savoir Jorge Sampaio, aux manettes en salle du restaurant Tia Matilde, ou feu Eusébio avait ses habitudes. On l’associe au retour des titres. Mais pas seulement du championnat, ça c’est la routine. Avec Cavani et les autres joueurs achetés [Vertonghen, Waldschmidt et Everton] on se dit qu’on peut faire un truc en Europe. ». De quoi flatter l’ego de socios en quête de grandeur à quelques mois des prochaines élections, où le président Luis Filipe Vieira remettra en jeu son mandat. Car Cavani est, au même titre que le retour de Jorge Jesus sur le banc benfiquista, ce qu’on appelle un effort de campagne. Il est là pour garantir la continuité du boss actuel.
« « Cet investissement a effectivement un objectif électoral, confirme Luis Cristovão, commentateur pour le diffuseur de la C1 au Portugal, Eleven Sports. Je pense que c’est pas un hasard s’il va chercher Cavani mais aussi Jorge Jesus parce que c’est le référent des dernières épopées européennes. Même si dans les faits il va falloir beaucoup plus que ça pour aller loin en Ligue des champions. Il faut un bon tirage, déjà, et être capable de faire ce que Lyon a fait contre les grosses cylindrées. Mais dans ces moments les gens mettent le bouton analyse sur pause et appuient sur celui de l’émotion. » »
Cavani est partout, même dans la rubrique faits divers
A l’instar de ce qu’a pu vivre la France l’année du feuilleton Neymar à Paris, on frôle l’hystérie collective à Lisbonne et même dans tout le pays. « Quand tu rentres dans un café et on te demande "alors il est où Cavani ?", se marre le journaliste. C’est devenu une manière de se saluer. » C’est peu ou prou par la même formule qu’un passant hors champ est venu interrompre le témoignage télévisé du voisin d’une personne coupable d’avoir tiré trois fois sur sa femme. Complètement lunaire.
aDans la rubrique lol, on peut ajouter ces petits clubs qui surfent sur la vague en s’inventant des rumeurs bidon pour percer sur les réseaux. Ainsi, l’Eléctrico – équipe de district – a proposé à Cavani « un kit de chasse et pêche, la possibilité de se mouiller les pieds dans la rivière, l’accès à la buvette et un sandwich au torresmos [un plat à base de porc] » quand l’União de Lamas regrettait que l’attaquant ne signe pas chez eux car « il a senti que sa place de titulaire était menacée à cause de la forte concurrence au sein de l’effectif ». Ouais, c’est sûrement ça.
Cristovão : « Tout ça, a fini par se transformer en blague chez les suiveurs du foot. L’histoire de Cavani par sa longueur est une allégorie de cette folie qu’on vit. S’il ne vient pas après un mois de telenovela ça sera encore plus marquant en termes de communication. » Et s’il vient, c’est en bonne voie, il faudra vite couper court à ce cirque médiatique. L’Uruguayen et son futur nouveau club auront un mois pour préparer le troisième tour préliminaire de Ligue des champions et qui sait, retrouver le PSG dès la phase de poules.