FOOTBALLLe cas Marquinhos, ou l'épineuse question de la paternité dans le foot pro

PSG: Congé pat, « devoir » de jouer... Le Marquinhos-gate ou l'épineuse question de la paternité dans le foot pro

FOOTBALLDes propos déplacés de Guy Roux sur La chaîne L'Equipe posent la question de la paternité dans le football
William Pereira

William Pereira

L'essentiel

  • Marquinhos a manqué le match du PSG contre Montpellier; samedi, pour assister à la naissance de son second enfant
  • Une décision qui a fait l'objet de commentaires déplacés de la part de Guy Roux
  • La polémique pose la question de la paternité des footballeurs professionnels

Petite devinette comme on les aime balancée par une utilisatrice sur Twitter : « ça donne quoi cinq hommes sur un plateau qui commentent le choix de Marquinhos d’être auprès de sa femme pour l’accouchement [plutôt que de jouer contre Montpellier, samedi dernier] ? » Réponse : Guy Roux qui se donne en spectacle, se demande si « les joueurs accouchent » et rend hommage à ces mères gauloises qui donnaient héroïquement la vie seules dans leurs huttes. Conquise, l’assistance envoie ses plus beaux rires gras, tape sur la table en guise d’approbation et en rajoute une caisse pour se faire remarquer : « Guy, il va donner le sein après, Marquinhos. Maintenant c’est comme ça ! ».

Sans surprise, la séquence, largement partagée, provoque l’ire des Twittos et du PSG, qui n’y va pas de main morte. « Venant de personnes qui nous donnent à longueur d’année des leçons sur les valeurs du sport et de la vie, nous nous étonnons de la médiocrité de ces propos. Sa femme étant à l’hôpital depuis deux jours dans l’attente d’accoucher, le club a décidé que Marqui reste avec elle. » Le Brésilien a répondu sobrement à la polémique (il parle de « jugements et critiques déplacées ») et la chaîne a fini par présenter ses excuses : « L’Équipe du Soir, Olivier Ménard et ses chroniqueurs présentent leurs plus sincères excuses suite aux propos déplacés tenus sur le forfait de Marquinhos pour le match du PSG. »

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Fin de l’histoire ? Pas tout à fait. Cette bouillie machiste a fait resurgir sur les réseaux la saillie du coach de basket Sarunas Jasikevicius, lequel n’avait pas manqué de tailler en pièces un journaliste étonné du forfait d’un de ses joueurs pour assister à l’accouchement de sa femme, au détour d’une conférence de presse en 2017. Et mis sur la table un dossier que pas grand monde n’avait daigné ouvrir jusqu’ici, celui de la paternité des joueurs professionnels.

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Contacté par 20 Minutes, l'ancien joueur de Guy Roux, Lilian Laslandes, explique que « c’est une question à la rigueur, mais pas un sujet ». Soit. Une grande question, alors. Pourquoi ce qui apparaît évident dans n’importe quel métier depuis le 1er janvier 2002 et l’application du congé paternité en France, devient discutable quand il s’agit d’un footballeur ? Le sociologue Frédéric Rasera, auteur de Des Footballeurs au travail théorise : « on peut émettre l’hypothèse selon laquelle les footballeurs ont la double chance de vivre de leur passion et être bien payé et qu’on est en droit de tout leur réclamer. » Idée que semble partager Vikash Dhorasoo :

« « On est des salariés, des travailleurs riches, un peu privilégiés, ça joue sans doute. Moi en tant que joueur, j’étais dispo 24h/24 pour mon club. On s’entraîne deux fois par jour, tous les jours. On est salariés. On se sent appartenir au club qu’on représente. » »

C’est vrai que le football professionnel est un peu particulier. Si les footeux bénéficient de congés payés comme vous et nous, ils peuvent plus difficilement poser une RTT pour se coller une mine en toute sérénité. Quant au congé pat' – nullement mentionné dans la charte du football professionnel de la LFP - pour peu que vous soyez sous les ordres d’un entraîneur chafouin comme Guy Roux, ça devient vite compliqué. L’ancien Auxerrois Johan Radet, cité par So Foot : « Il nous disait : "vous avez le droit à 11 jours, vous prendrez 11 lundis." Mais le lundi, c’était le jour de repos… »

Quand Ancelotti pousse ses joueurs au congé paternité

Mais l’inverse arrive aussi. A lire certains récits, c’est à se demander si l’idée même de louper un match de football pour fêter l’arrivée d’un nouveau-né traverse l’esprit des joueurs ne serait-ce qu’une seule seconde. « Ça peut être une question de socialisation sportive. Les footballeurs sont passionnés depuis leur enfance. » Cas d’école avec Mathieu Bodmer, qui racontait sur RMC Sport comment Carlo Ancelotti l’avait poussé à prendre du bon temps en famille après l’heureux événement :

« « Ma femme avait eu un accouchement difficile en début de semaine, et par-dessus j’apprends que le coach ne me convoque pas dans le groupe pour le match du week-end. Je suis furieux, je croise Leonardo qui me dit d’aller demander des explications au coach. Je monte, et il me dit : "Tu viens d’avoir un enfant, c’est bien ça ? Reste chez toi, profites-en trois/quatre jours, c’est un peu plus important que le foot non ?". Voilà, c’était Carlo. » »

C’est d’autant plus Carlo que Dhorasoo nous raconte à peu près la même histoire du temps où il jouait au Milan AC. « Lors de la naissance de mon deuxième enfant, j’étais à Milanello pour préparer un match. J’étais prêt à aller jouer et pareil, Carlo m’a appelé pour me dire de profiter de ce moment. Mais il y en a d’autres qui ratent l’accouchement de leur enfant. Il faut pas oublier que pendant ce temps, il y a un autre joueur à ta place, c’est difficile. »

Joies d’un secteur concurrentiel, on va même jusqu’à se demander si le joueur ne peut pas tirer profit de l’arrivée d’un mouflet dans la famille. Lilian Laslandes : « Quand tu as une naissance et que tu joues avec l’adrénaline, ça ne peut être que positif sur le plan physique. Par contre s’il y a des complications, c’est une source d’anxiété, donc c’est peut-être mieux de ne pas aller sur le terrain ». Ce qu’a précisément choisi de faire Marquinhos le week-end dernier, marqué par la naissance prématurée de sa première fille.

« Rater une naissance ? Qui peut vous imposer ça ? »

Contrairement à ce que laissent entendre les mots de Guy Roux, la paternité est très bien vue au sein du vestiaire. Frédéric Rasera : « C’est même très valorisé par le football professionnel, c’est symboliquement important de devenir père. Ça responsabilise, contribue à établir un cadre stable. C’est bien vu dans le vestiaire. » Précisément parce que l’arrivée d’un bébé cristallise cette notion de paternité – alors que dans les faits, le footballeur est bien moins présent dans l’éducation que la mère. De la théorie à la pratique, avec Lilian Laslandes : « Dans le vestiaire, on te félicitait, le lendemain c’est toi qui devais arriver avec une bouteille de champagne, des petits fours. Ça se faisait toujours dans une bonne ambiance », se marre-t-il.

L’ancien blond peroxydé n’avait pas eu de match à sécher, juste un entraînement rattrapé le lendemain avec le préparateur physique, mais ne voit pas pourquoi un footballeur devrait se priver de ce bonheur plus qu’un autre, match ou pas. Le Jasikevicius français : « c’est pas parce qu’on est footballeurs que ça devrait être différent. On prend du plaisir dans notre métier, mais est des hommes avant tout. Je ne m’en suis pas voulu vis-à-vis de mon club d’avoir assisté à la naissance de mon enfant. si j’étais coach, je laisserais libre cours à l’appréciation du joueur. Qui peut se permettre d’interdire à une personne d’assister à la naissance de son enfant. Pour n’importe qui c’est un moment unique. Rater une naissance pour ensuite le regretter toute sa vie ? Qui peut vous imposer ça ? » Bah, heu, au hasard… Guy Roux ?