PSG-Manchester City: «Le spoil vient toujours de là où ne l’attend pas», raconte Patrick Chesnais
LIGUE DES CHAMPIONS•Le comédien, supporter du PSG mais sur scène ce mercredi soir, raconte sa méthode pour ne pas se faire spoiler le résultat du match de Ligue des champions qu'il aura enregistré...Antoine Maes
Que font les gens qui n’aiment pas le foot quand arrive un quart de finale de Ligue des champions comme PSG - Manchester City? En vrai, on n’en sait trop rien, mais on se dit que peut-être, ils vont au théâtre. Mais que fait le comédien qui joue dans la pièce choisie si - justement - c’est un grand fan du PSG ? Il fait comme Patrick Chesnais. Au coup d’envoi du quart de finale des Parisiens, le comédien de 70 ans sera à l’affiche de Une famille modèle, au théâtre du Montparnasse. Le choc, il le verra chez lui, plus tard dans la nuit, sans connaître le résultat. Si tout va bien.
Vous allez vous débrouiller comment ?
Les ordres sont donnés au théâtre, personne ne parle. Après j’appelle un Uber en disant qu’il ferme la radio, qu’il ne dise rien sur le match. On me dit : « bien sûr Monsieur ». Il me dépose chez moi, je monte vite, là il n’y aura pas de prolongations donc ça va. Je m’installe, et voilà.
Attendez, ne pas se faire mettre au courant du score, ce n’est pas aussi simple que ça…
Oui, c’est le gros problème : ne pas connaître le résultat avant. Par exemple, pour France-Russie, c’était un match amical, mais j’avais enregistré, pareil. Et je suis monté dans le Uber, il y avait la radio. J’ai dit « hop, fermez la radio s’il vous plaît ». Il ferme. Et puis le type était très sympa et d’humeur causante. Il me dit « il fait pas très beau aujourd’hui, enfin je suis content parce que la France a gagné ». Bon. Je lui dis que je ne veux pas le résultat, que j’ai enregistré. Il me dit « Ok je vous donne pas le score ». Ah nan il manquerait plus que ça ! Je ne me rappelle plus quel match, mais il y a deux ou trois ans, je monte dans le taxi, je lui demande d’arrêter la radio. Il se tourne vers moi et il me dit « ah bah de toute façon ils ont fait match nul 0-0 ».
Comment vous gérez les pushs sur votre portable ? Les appels éventuels ?
Non mais personne ne m’appelle pour me donner le résultat ! Ils savent trop que j’enregistre. Ça n’arrive pas ça. Le seul truc qui peut être dangereux quand on joue au théâtre, ce sont les manifestations extérieures. Les coups de klaxons, les « on a gagné », des trucs comme ça. Là ça pourrait arriver au match retour. Mais c’est un peu tôt les quarts. Il faut attendre les demis avec un match d’enfer et évidemment la finale.
Du coup, vous devez scruter le calendrier de près…
Ah oui. Mais pas au point de décaler ce qui concerne le travail.
Même en cas de finale ?
Non ! S’ils arrivent en demi-finale, ou même si le quart de finale retour est ric-rac c’est pareil : j’enregistre et je file directement. Il y a un petit suspense, un petit coincement. Mais par exemple pour la Coupe du monde 2010, je me suis fait opérer de la hanche le 2 juin, j’avais trois ou quatre semaines d’arrêt, j’ai regardé tous les matchs, et en direct ! Là, pour l’Euro c’est déjà un souci, je commence à tourner un film le 15. Mais les films se tournent la journée, donc pour l’équipe de France ce sera bon, et pour les autres j’enregistrerai.
Vous avez déjà surpris des spectateurs au théâtre en train de se renseigner sur le score ?
Non. Enfin ça m’est arrivé une fois. Mais c’était pas les portables, c’était en 1976, la demi-finale de Saint-Etienne contre Eindhoven. On avait créé un spectacle à Saint-Etienne, c’était la première pour nous… On entendait des manifestations diverses dans la salle qui n’avaient rien à voir avec notre jeu. On s’est rendu compte qu’il y avait toute une partie du public dans la salle qui avait des transistors collés à l’oreille et qui écoutait le match. Ils réagissaient aux péripéties du match et pas du tout à celles de la pièce qu’ils avaient devant eux. C’était pas simple mais c’est rigolo, la preuve je m’en souviens quarante ans après. Rooh la vache, quarante ans après…
La personne qui vous spoile le résultat, il lui arrive quoi ?
Elle passe un mauvais quart d’heure. Il faut se méfier de toutes les indications. Il ne faut pas parler de foot. Une fois, en Coupe d’Europe, match aller-retour. J’avais fait vraiment la police au théâtre. Même à la directrice du théâtre, j’avais dit : « Surtout pas un mot, pas une allusion au match ». A l’époque j’avais enregistré en VHS. Je la croise dans les couloirs, elle me dit : « Ah non, non, Patrick, je ne vous dis rien ! ». Et puis là-dessus, « double-take » comme Colombo, elle revient et me dit, « Ah au fait Patrick, vous avez mis une cassette de combien ? ». Aïe, aïe, aïe… Je savais que dans la question, la réponse c’était : il y a prolongations, peut être tir au but. Par déduction j’ai compris.
Franchement, on ne s’attendait pas à ce que vous soyez à ce point à fond…
Ah oui… Le pire qui me soit arrivé, c’est pour un match extrêmement important. J’étais au théâtre, et toute la France était suspendue à ce match. J’avais des producteurs dans la salle avec qui je devais dîner, j’avais déjà reporté deux ou trois fois ce rendez-vous. Je ne pouvais pas décommander, c’était la fois de trop, sinon le projet risquait de capoter. Je vais avec les producteurs au restaurant, tout le monde ne parlait que du match, je me bouchais les oreilles et je chantais ! Ensuite, un des producteurs dit « on va boire un dernier verre », on part dans un bistrot. Tout ça était à haut risque… J’arrive à ne pas savoir DU TOUT le résultat, mais à quel prix ! J’arrive à 4h du matin chez moi à la campagne, en vallée de Chevreuse. J’accueillais chez moi une grand-mère de ma femme, une Bruxelloise, qui avait 94 ans à l’époque, qui venait à Paris voir le Bourgeois Gentilhomme à la Comédie Française. Je regarde si la bande n’a pas bourrée dans le magnétoscope, tout va bien, tac, je prends ma petite bière. Enfin, j’étais très content. Et j’entends un petit pas mutin dans l’escalier… C’était mamy : « Ah vous êtes-là Patrick ? Ah vous regardez le match ? Oui la France a perdu 2 à 1 »… Elle me fait la totale, nom de Dieu. C’était le monde qui s’écroule, j’avais pris tellement de risques, dans les restaurants, les bistrots, en roulant… J’arrive chez moi tranquille… Et bam. Comme quoi le danger vient toujours de là où ne l’attend pas.