INTERVIEWShakhtar - PSG : «Ne pas organiser de déplacement pour les supporters est une fuite en avant»

Shakhtar - PSG : «Ne pas organiser de déplacement pour les supporters est une fuite en avant»

INTERVIEWRonan Evain, spécialiste du « supportérisme » dans les pays de l’ex-URSS, revient sur la décision du PSG de ne pas vouloir que ses supporters se déplacent en Ukraine mercredi…
Nicolas Camus

Propos recueillis par Nicolas Camus

De notre envoyé spécial à Lviv (Ukraine),

L’annonce n’a pas vraiment surpris. Après les violences dont ont été victimes la saison dernière les supporters de Saint-Etienne et de Guingamp et « compte tenu de la situation politique en Ukraine », le PSG a décidé de ne pas organiser de déplacement pour ses fans, mercredi, pour la rencontre face au Shakthar Donetsk à Lviv. Le club « déconseille également vivement à ses supporters de se rendre par leurs propres moyens en Ukraine ».

Mais fallait-il nécessairement en arriver là ? L’entraîneur des Ukrainiens, Mircea Lucescu, a dit très clairement qu’il ne comprenait pas, mardi. « Pourquoi faire ça ? Le foot apporte aussi la paix. Si on fait ça, personne ne va plus vouloir venir. Ce n’est pas possible. Il faut laisser les supporters venir, voir à quoi ça ressemble ici », a-t-il estimé. Ronan Evain, doctorant à l’institut de français de géopolitique et spécialiste du « supportérisme » dans l’espace post-soviétique, pense la même chose.

Cela vous paraît-il être une bonne idée de ne pas organiser de déplacement pour les supporters ?

Certains matchs à Kiev ont été un peu compliqués. Mais ne pas organiser de déplacement me semble être une fuite en avant. Trouver une solution sécurisée aurait été mieux. D’autant que de toute façon, des supporters seront là. Du coup ils seront sur place dans organisation ni protection particulière. Ça ne me semble pas être une bonne idée.

Comprenez-vous les craintes du PSG ?

Je trouve juste contradictoire qu’on estime que c’est assez sécurisé pour que les équipes aillent y jouer, et que de l’autre côté les clubs ne pensent pas la même chose pour les supporters. Si on est capable de sécuriser un déplacement pour les joueurs, on devrait pouvoir le faire aussi pour les supporters.

Existe-t-il un antagonisme particulier entre les supporters français et ceux des équipes ukrainiennes ?

Non, il n’y a rien de préexistant. Les problèmes qu’il y a pu avoir avec ceux de Saint-Etienne et Guingamp auraient pu arriver contre n’importe qui.

Y a-t-il beaucoup de problèmes de violence chez les supporters ukrainiens ?

Les problèmes des tribunes ukrainiennes sont liés à l’absence de leadership, à des structures en recomposition et à des pratiques anarchiques. C’est ce qui peut expliquer que lors de Kiev - Guingamp des supporters français se sont fait attaquer. Mais il ne faut pas oublier que ce pays est en état de guerre civile. Les mouvements de supporters sont en pleine recomposition, en grande partie en raison de la situation politique. Beaucoup s’engagent de manière très active dans l’armée ou des groupes paramilitaires. Les clubs de l’est et de Crimée ont pris fait et cause pour l’unité ukrainienne et se battent pour ça.

Comment se caractérisent les violences autour des matchs de foot ?

En fait, il y a deux types de violences. Il y a les free fight, des bagarres organisées dans les bois à nombre égal. Et quelque chose de plus spectaculaire mais moins violent, que sont les bagarres aux abords des stades.

Y a-t-il une division chez les supporters du Shakhtar par rapport au conflit ?

Non, l’immense majorité veut l’unité ukrainienne et est engagée contre les mouvements séparatistes qui sévissent dans le Donbass. Après, il est parfois difficile pour eux de suivre les matchs. Ce n’est pas leur préoccupation principale. Avec la chute de leur monnaie et les salaires très bas, c’est presque impossible de se déplacer à l’étranger. A l’intérieur de l’Ukraine, c’est encore possible. Beaucoup de supporters du Shakhtar, par exemple, habitent à Kiev car ils ne peuvent pas retourner chez eux.