Marathon de Paris 2024 : « Pour éviter la triche, on ne fait plus de récompenses pour les vétérans »
interview•Le directeur du marathon de Paris détaille pour « 20 Minutes » les précautions prises par l’organisation pour débusquer les coureurs malintentionnésPropos recueillis par Nicolas Camus
L'essentiel
- Le Schneider Electric Marathon de Paris a lieu ce dimanche. Près de 54.000 coureurs sont attendus sur la ligne de départ, située comme d’habitude sur les Champs-Elysées.
- Après la mésaventure survenue en septembre dernier à Mexico, où près de 11.000 des 30.000 participants ont dû être disqualifiés pour tricherie, 20 Minutes s’interroge sur les mesures prises par les organisateurs pour faire la chasse à ceux qui seraient tentés de filouter.
- Cette question reste assez secondaire dans l’esprit de l’organisation, assure le directeur du marathon Thomas Delpeuch, l’immense majorité des coureuses et des coureurs s’inscrivant par goût du défi, quel que soit le niveau.
Dimanche, un peu plus de 54.000 courageux vont s’élancer depuis l’avenue des Champs-Elysées pour une folle aventure de 42,195 km, avec l’objectif de battre leur record personnel ou simplement d’en venir à bout. Un défi à relever contre soi-même, dans tous les cas. Le désir de voir la ligne d’arrivée peut toutefois en pousser certains à chercher des stratagèmes pour s’épargner un peu de souffrance, ou s’enorgueillir d’un temps qu’ils sont en réalité incapables de réaliser.
Il y a quelques mois, on apprenait la disqualification d’environ 11.000 des 30.000 participants du marathon de Mexico, après avoir utilisé des véhicules et des transports en commun pendant la course. Un exemple de triche massive évidemment rarissime mais qui fait partie des sujets à prendre en compte pour les organisateurs. A quelques jours du marathon de Paris, son directeur Thomas Delpeuch détaille pour 20 Minutes les précautions prises pour débusquer les coureurs malintentionnés.
Est-ce que la triche est un élément important dans la préparation du marathon ?
Ce n’est pas un gros sujet. La plupart des participants se lancent un grand défi quand ils s’inscrivent sur un marathon, ils le font sérieusement. Tricher n’est pas dans cet esprit-là. Quel intérêt de terminer si on ne peut pas se regarder dans la glace les jours d’après ? Bien sûr, des choses sont mises en place pour s’assurer que tout le monde fait bien le parcours, mais c’est mineur, quelque chose d’assez isolé quand ça arrive.
Qu’avez-vous pensé de ce qui s’est passé à Mexico ?
Je ne sais pas bien ce qui est arrivé là-bas. C’est vraiment un cas à part, je pense, une non-maîtrise du parcours, par l’organisateur et les chronométreurs, un problème de plan de route ou d’orientation des coureurs, qui ont fait qu’ils sont passés n’importe où. C’est ma théorie en tout cas, plus que celle d’y voir une réelle volonté des participants. Pour que ce soit aussi massif, ça ne peut être que ça.
Qu’est-ce qui est mis en place à Paris concrètement ?
Les coureurs sont équipés de puces de détection. On passe sur des tapis, un peu comme à la sortie d’un magasin quand la puce antivol sur les vêtements est détectée par le portique. Là c’est pareil, les chronométrages se font comme ça, tous les 5 km. Ensuite, c’est la fédération [d’athlétisme] qui est chargée de tout vérifier et de valider les classements à la fin. Il faut contrôler que les temps réalisés tous les 5 km sont bien enregistrés et crédibles. Si ce n’est pas le cas, une étude plus poussée est réalisée. Avec l’informatique, on vérifie les allures également. Si on fait une portion à pied et une autre en métro, le chrono devient dingue entre deux secteurs. Des officiels de la fédération peuvent décider de disqualifier quelqu’un soit pour non-détection sur certains points, soit à cause de chronos totalement incohérents.
Il y a des cas de triche tous les ans ?
Sur un marathon comme le nôtre, qui représentait l’année dernière 52.000 arrivants, on parle de 100 à 200 personnes. Et d’ailleurs, ce n’est souvent pas de la triche. Ça peut être quelqu’un qui a plus ou moins abandonné, qui est passé sur un trottoir et du coup n’a plus été détecté sur les points de chronométrage, avant de revenir à l’arrivée pour aller chercher ses affaires, se disant que ce serait plus simple de réintégrer le flux pour passer avec tout le monde. Donc il est chronométré à l’arrivée mais il n’est pas passé aux intermédiaires précédents, et il est disqualifié, mais on ne peut pas dire qu’il ait réellement tenté de tricher. La triche pure et dure est plus que marginale.
Y a-t-il un brief pour les coureurs avant le départ ?
Bien sûr, tout le monde est mis au courant. On rappelle qu’il faut bien veiller à passer sur les tapis tous les 5 km – ça fait d’ailleurs un petit bip quand on passe. Les disqualifications sont ensuite publiées par la fédération, et on a très rarement des réclamations parce que les gens savent très bien, en général, qu’ils n’ont pas fait la course en entier.
Depuis quand les puces sont-elles utilisées ? Les exemples les plus célèbres de triche remontent aux années 1980-1990 surtout…
Depuis 1999. Nous avons eu nous aussi des cas de triche, plus ou moins volontaires mais certains l’étaient un peu plus, dirons-nous. Ça nous a obligés à prendre des décisions, par exemple ne plus faire de récompenses pour les vétérans. Ces coureurs n’arrivent pas dans les premiers de la course, forcément, donc on était obligés de se fier à des chronométrages un peu plus lointains, et en vérifiant les temps, les photos des participants, les vidéos prises sur la ligne d’arrivée, etc., on était souvent contraints de déclasser les quinze-vingt premiers. Soit un homme avait couru avec le dossard d’une femme, soit un autre avait été vu dans une rame métro, ce genre de choses. Ça nous a un peu écœurés. Et on s’est dit que si on mettait des cadeaux en récompense, on incitait quelque part certains à faire ça.
Quand avez-vous pris cette décision ?
Il y a une quinzaine d’années. Vraiment, on trouvait des choses hallucinantes. Les premières fois où on a fait des vidéos, on voyait la personne sortir, repasser, passer la ligne d’arrivée en un peu plus de 3 heures mais avec la foulée de quelqu’un qui courrait en quatre heures et demie. Certains aussi nous disaient qu’ils s’étaient trompés dans leur année de naissance. On était obligés de réclamer des pièces d’identité, des justificatifs, de faire des enquêtes… On s’est dit qu’il fallait arrêter.
Cela s’est donc calmé aujourd’hui ?
Oui, vraiment. On sait que certaines personnes se disent encore « allez je fais la blague aux collègues du bureau, je vais courir le marathon en moins de trois heures ». Et peut-être qu’ils arriveront à se débrouiller pour ne pas se faire prendre. Ça n’a pas d’intérêt, on est sur un défi que chacun se pose à soi-même, il n’y a pas de récompense si ce n’est celle de terminer. On ne peut pas mettre une énergie folle à courir après les quelques personnes qui font ça pour se rendre intéressant sur les réseaux sociaux. On préfère la mettre au service de ceux qui se lancent ce défi, qui en bavent, qui ont parfois besoin d’aide sur le parcours.
Une disqualification empêche-t-elle de s’inscrire l’année suivante ?
Non du tout, il n’y a pas de conséquence. La plupart du temps ce n’est pas de la triche, donc il n’y a pas de raison d’empêcher les gens de revenir.
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