Jeux paralympiques 2024 : Les Bleus du cécifoot, bourreaux de l’Argentine et vengeurs de la nation
VENGEANCE•Deux ans après la claque de Doha, les Bleus du cécifoot ont vengé l’équipe de France de Mbappé en tapant l’Argentine, samedi, en finale des Jeux paralympiquesAymeric Le Gall
L'essentiel
- Les Bleus du cécifoot ont remporté la médaille d’or, samedi, après leur victoire aux tirs au but contre l’Argentine, au stade de la tour Eiffel.
- Cette victoire intervient presque deux ans après la défaite des Bleus de Deschamps, au Qatar, face à l’Albicleste, là aussi aux tirs au but.
- Menés par un Frédéric Villeroux au sommet de son art, les Bleus ont réalisé un parcours formidable pour décrocher le premier titre paralympique de leur histoire.
Au stade tour Eiffel,
La vengeance est un plat qui se mange aux Paras. Oh et puis merde, disons-le, ah, quel plaisir ! Deux ans après la descente d’organes de Doha, les Bleus du cécifoot ont lavé l’affront qatari en nettoyant l’Albiceleste de la même manière, à la loterie des tirs au but chère à Didier Deschamps, pour remporter la toute première médaille d’or tricolore de cette discipline aux Jeux paralympiques.
A la maison, aux pieds de la tour Eiffel, dans le stade que le monde nous envie, et dans une ambiance totalement dingue, non, franchement c’est trop. Quand on a vu ça, on peut mourir tranquille comme disait l’autre. Car le scénario offert par les joueurs a quand même de quoi nous interroger sur le sens de cette mascarade que l’on appelle la vie. Est-ce vraiment arrivé où sommes-nous dans une simulation virtuelle géante pilotée par des petits hommes verts aux idées débordantes ?
Dans un monde normal, le Brésil, qui avait jusqu’ici remporté toutes les médailles d’or en cécifoot, n’aurait fait qu’une bouchée des Argentins avant de nous concasser version marteau-pilon, comme ce fut le cas en match de poule (défaite 3-0 des Bleus). Mais c’eut été trop facile et, disons-le, pas vraiment drôle. Il fallait de la nouveauté, et quoi de mieux qu’un remake du France-Argentine chez les valides pour ambiancer les cœurs et aiguiser les appétits des 12.000 supporters français présents samedi soir.
C’est à peu de chose près ce que se disait l’attaquant Gaël Rivière, en zone mixte, après la remise des médailles. « Si quelqu’un avait voulu écrire un scénario parfait, il n’aurait pas fait mieux. C’est tellement improbable, peut-être qu’on rêve. On était tellement triste après la défaite de l’équipe de France contre l’Argentine en 2022, on l’avait tellement mauvaise… Ça nous fait plaisir de les taper chez nous. On a remis les pendules à l’heure. »
Si l’on n’oubliera pas les pitreries d’Emiliano Martinez, et encore moins les chants racistes des champions du monde argentins contre une équipe de France trop colorée à leurs goûts, au moins dormira-t-on plus serein désormais en se disant que le karma – et le talent incroyable de cette équipe – se sont chargés de remettre l’église au milieu du barrio.
Villeroux, la nouvelle idole des Français
Cela n’aurait pas été possible sans un immense Frédéric Villeroux, à nouveau gigantesque samedi. Auteur du seul but tricolore – et quel but, les enfants ! – dans le jeu, d’un plat du pied gauche à ras du poteau après une course ponctuée de dribbles chaloupés, le nouveau héros du foot français s’est ensuite chargé de frapper le tir au but de la victoire. Même s’il a fallu le pousser aux fesses pour qu’il y aille.
« « J’ai décidé de partir sur une valeur sûre, un plat du pied, mais sans être franchement serein, nous confie-t-il après la victoire. Je ne voulais pas aller tirer mais le coach me l’a demandé, ce que j’ai fait à contrecœur mais ça s’est bien passé. En tant que capitaine, je me devais d’y aller. » »
On remerciera aussi le gardien, Alessandro Bartolomucci, auteur à la fois d’un grand match, avec trois parades décisives, et de l’arrêt qui change tout sur le deuxième péno argentin. Un exercice qu’il avait travaillé à l’entraînement – contrairement à d’autres – et qui lui a permis d’anticiper le tir de Fernandez sur sa gauche. Et de libérer tout un stade qui n’était pas prêt à revivre un « Doha bis » contre nos nouveaux meilleurs ennemis.
Encore une fois à la hauteur du rendez-vous – comme durant l’intégralité ces Jeux paralympiques, du reste – le public français a enfin pu laisser exploser sa joie, après avoir (plutôt) réussi à garder le silence durant les phases de jeu. On l’a d’ailleurs trouvé bien magnanime à l’égard des Argentins, ce public.
Même si ce n’était pas toujours facile de garder son calme devant les sales coups et les provocations du numéro 7 Maximiliano Espinillo, sorte de Maradona engoncé, aussi sublime balle aux pieds qu’insupportable dans son attitude sur le terrain. Un soutien que n’a pas manqué de saluer Zizou… Villeroux, pardon : « Je ne sais même pas si on serait sortis de la poule sans l’appui de ce public fabuleux. Car il ne faut pas oublier qu’on est des amateurs et qu’en face on avait des professionnels. »
Des amateurs sur le toit du monde
Il fait bien de le rappeler car sur le terrain, cela ne s’est pas vu. « On est totalement amateur, on pose des jours pour s’entraîner ou aller en stage, ça rend ce qui s’est passé ce soir encore plus incroyable. La probabilité qu’on soit champion paralympique était proche de zéro, c’est la magie du sport », jubile Rivière, lequel avait justement oublié de poser son lundi post-Jeux en début de compétition. « Finalement c’est deux ou trois semaines qu’il va falloir poser ! », se marre l’avocat en droit des affaires.
Qu’ils soient avocat, prof ou jardinier, tous sont désormais entrés dans l’histoire des Jeux en devenant (à jamais) les premiers à détrôner les gloutons brésiliens. Ce n’est pourtant pas ça que voulait retenir leur coach, Toussaint Akpweh, qui n’a jamais douté de la capacité de ses gars sûrs à renverser des montagnes.
« On vient de semer une belle graine sportive et sociétale, a-t-il déclaré avant de monter dans le bus direction le Club France pour une soirée certainement bien arrosée. Notre défi était de changer le regard que les gens portent sur les joueurs. Et je pense que la mission est accomplie. Il n’y a plus de regard compassionnel, mes joueurs sont désormais perçus pour ce qu’ils sont, des champions. »
Des champions qui nous ont offerts la plus belle fin possible à des Jeux paralympiques déjà riche en émotions. Les voir ainsi bras dessus, bras dessous, des larmes dans les yeux au moment de chanter la Marseillaise, avec la tour Eiffel illuminée en toile de fond et, tout autour, un public gaga en lévitation, voilà une image qui n’est pas près de nous quitter. « On a écrit l’histoire », se félicitait Villeroux avant de monter dans le bus. Et conquis 67 millions de petits cœurs tout mous, deux mois après l’immonde purge de l’Euro.
À lire aussi