Jeux paralympiques 2024 : Les frères Portal s’offrent un doublé historique à Paris
BAND OF BROTHERS•Alex et Kylian Portal ont terminé respectivement deuxième et troisième de la finale du 400 m nage libre, samedi, dans une salle pleine à craquer et en lévitationAymeric Le Gall
L'essentiel
- Les frères Portal, Alex et Kylian, ont terminé sur le podium samedi, après leur deuxième et troisième place en finale du 400 m nage libre.
- Si ce fut une joie incroyable pour Kylian, le cadet, qu’on n’attendait pas forcément à ce niveau, pour Alex ce ne fut pas la même mayonnaise.
- Déjà battu par le monstre biélorusse, Ihar Boki, en finale du 100 m papillon, le champion tricolore a eu du mal à avaler la pilule.
De notre envoyé spécial à la Léon Marchand Arena,
Le câlin qui réconforte. Ça restera l’une des images de cette finale du 400 m nage libre, qui aura accouché d’un fraternel doublé tricolore avec les médailles d’argent et de bronze pour les deux frangins Alex et Kylian Portal. Alors que l’aîné ne s’est pas arrêté en zone mixte, dégoûté d’avoir manqué l’or, la seule médaille qu’il était venu chercher samedi, son petit frère l’a rejoint pour le prendre longuement dans ses bras. Pas simple comme mission, lui qui avait le sourire jusqu’à l’Helix (on vous laisse chercher) depuis la fin de sa course.
« J’ai essayé de le consoler mais, dans ces moments-là, on ne sait pas bien ce qu’il faut faire ou dire, confiera le médaillé de bronze après la cérémonie des médailles. C’est ça aussi notre force d’être deux, on peut se consoler, se soutenir, et là j’ai juste envie de lui donner plein de bonnes ondes. Je suis tellement fier de lui, de ce qu’il fait, il fait trois courses et trois médailles, c’est exceptionnel, face à Boki qui est 19 fois champion paralympique. Je suis tellement fier d’être son frère. » La famille vit bien.
« Bien sûr qu’Alex venait pour l’or, mais c’est comme au 100 m pap, il a une personne (Boki, double champion olympique à Paris et grand vainqueur du jour) dans sa catégorie qui trust les premières places depuis plusieurs paralympiades et il a encore fait une très belle course aujourd’hui, il n’a pas laissé sa part aux autres, analyse Guillaume Domingo, le manager des Bleus. Mais ça reste une nouvelle très belle journée pour nous et ce que je souhaite qu’on retienne aujourd’hui, c’est leur complicité à tous les deux, c’est ce qui fait leur force. »
Alex Portal, l’inconsolable
Près d’une heure après la fin de cette finale qui fera date pour la para natation tricolore, Alex Portal ne parvenait toujours pas à masquer sa déception, sa tristesse même, bougeant la tête de droite à gauche, les yeux fixés sur sa Phryge mais les pensées dans le vague. Il est fier de la troisième place de son petit frère, il n’a cessé de le répéter, « il est trop fort », mais on sait que ça ne l’empêchera pas de tourner et retourner cette course dans sa tête cette nuit.
« J’aurais tellement aimé nous offrir une Marseillaise, on l’aurait vécu à deux, mais c’est le sport, c’est comme ça. Je n’ai pas fait la course qu’il fallait ce soir, analyse-t-il finalement. J’aurais pu faire mieux, je me suis laissé un peu embarquer par le rythme de Boki, j’aurais dû accélérer plus tôt. Mais trois médailles en trois courses, je ne vais pas m’en plaindre, ça reste de beaux Jeux pour le moment. » Ah, tout de même.
Il lui faudra un moment pour digérer mais, avec le recul, sûr que ce souvenir d’un podium partagé avec celui avec lequel il a fait les 400 coups finira doucement par se transformer en une belle chose. Tout comme l’a été leur entrée dans la salle de Paris La Défense Arena, pleine à craquer et assourdissante - comme toujours dès qu’un Français, ou plusieurs, arrivent dans le bassin.
Pour l’occasion, les deux compères, qui n’ont pas l’habitude de concourir ensemble puisque l’un joue dans la catégorie S12, l’autre avec les S13*, avaient décidé de marquer le coup et d’entrer avec un bob rouge sur la tête, à la cool, rasta. « On voulait un truc qui nous rassemble. Au départ, on avait prévu de mettre le bonnet Phryge mais Alex l’a oublié au village ce matin, du coup on s’est rabattu sur les bobs et je crois que tout le monde a aimé », se marre Kylian.
Une médaille de bronze pas forcément attendue
On ne saura pas si le petit a dû convaincre le grand de faire ce happening improvisé. Ce qui est sûr, c’est qu’on est face à deux garçons diamétralement opposés en termes de tempérament. « Kylian est un expansif, on sait quand il est là, on le remarque tout de suite, alors qu’Alex est plus réservé », nous détaille Guillaume Benoist, le coach de l’équipe de France de para natation.
On l’avait deviné avant même qu’il nous tire le portrait du bonhomme, en voyant Kylian Portal bondir au pied des tribunes et faire de grands gestes après sa sortie du bassin. Il faut dire que cette médaille d’argent n’était pas forcément attendue. Mais un dernier 50 mètres de folie lui a permis de déjouer les pronostics et de déposer son adversaire ukrainien, Kyrylo Garashchenko, sur le bord du bassin.
« C’était fou, pendant toute la course je me répétais “j’espère que je suis à côté de lui, j’espère que je suis à côté de lui” et dans le dernier 50m, je vois une ombre au loin, je me suis dit que ça devait être Garashchenko, et là je me suis dit “c’est mon moment, devant la foule de Paris, je suis obligé de faire le 50 de ma vie”, et c’est ce que j’ai fait. Je suis trop fier. »
Place maintenant à du repos bien mérité pour les deux frères, surtout pour Alex, qui a enchaîné trois finales en trois jours. « Ça va faire du bien car enchaîner comme ça trois jours de rang, rentrer au village à 23h30 et repartir à 8 heures du matin, ce n’est pas simple, concède Guillaume Benoist. Ils vont pouvoir recharger les batteries et revenir en pleine forme pour la suite. » C’est tout le mal qu’on leur souhaite en tous les cas.
*Comme il y a un moins de concurrents et donc d’épreuves chez les S12, catégorie à laquelle appartient Kylian Portal, les athlètes sont autorisés à concourir avec les S13 de temps en temps.
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