JO 2024 : Elle arrive quand cette première médaille d’or en judo, bon sang de bonsoir ?
Jeux olympiques•Si le judo français est loin de faire de mauvais JO de Paris, le manque de titre suprême (pour le moment) se fait cruellement sentir, que ce soit chez les dirigeants ou les supporteurs
Jean-Loup Delmas
L'essentiel
- Le judo français est sur une belle moisson de médailles – déjà 7 obtenues – mais ne parvient pas à concrétiser la dernière marche.
- Et attention, il ne reste « plus » que trois jours pour aller chercher le graal. Chez les supporteurs, on s’inquiète. Chez les dirigeants, plus sereins au même devant les micros, on s’agace quand même un peu de ce manque de titre suprême.
- Alors, l’or, c’est pour bientôt ?
De notre envoyé spécial dans les métaux moins scintillants,
La médaille de bronze inespéré de Maxime-Gaël Ngayap Hambou a dessiné un sourire de gamin sur le visage de son entraîneur, Guillaume Fort. Pourtant, devant les micros, ce dernier ne peut s’empêcher d’être tatillon : « C’est une belle histoire, mais au niveau du bilan, ce n’est toujours pas ça. »
La différence entre cette bouille de minot savourant sa première glace et la sévérité soudaine de sa voix illustre le statut bâtard dans lequel se situe le judo français actuellement. Une sorte de « oui mais » géant. L’aventure est belle, avec de sacrées performances et des frissons bien dignes des JO, mais reste un goût d’inachevé, voire de rendez-vous manqué avec l’Histoire. Pour le moment, espère-t-on.
L’or ou rien
Ce serait cependant bien trop sévère de dire que les judokas passent à côté de leur sujet lors de ces Jeux olympiques 2024, eux qui ont conquis sept médailles sur le tatami. C’est déjà plus que le total de Rio (cinq), autant qu’à Londres, et à peine une de moins que sur toute la quinzaine japonaise, alors qu’on n’a pas encore vu Teddy Riner.
Les comptes sont bons mais il manque quelque chose. Stéphane Nomis, président de la fédération française de judo, admet n’être « qu’à moitié satisfait. On doit chercher l’or et l’exigence ». Léo, supporteur français un peu moins influent dans le monde du kimono, n’en demande pas moins : « On passe de bon Jeux ici, mais ce qu’on veut, c’est l’or ». La France n’est pas passée loin à plusieurs reprises – deux finales et de nombreuses demies serrés tombant du mauvais côté – « ce qui rend le tout encore plus frustrant ».
« Une médaille de bronze, ça ne me fait plus grand-chose »
De par les Jeux à domicile, le rapport aux médailles évolue chez le spectateur français. Attention, blasphème par Astrid : « Un bronze de plus ou de moins, ça ne me fait pas grand-chose… ». Les plus de 20 ans pourront lui rappeler l’époque où la France gagnait si peu qu’on se satisfaisait d’un rien, mais il faut vivre avec son temps. Et en 2024, « des médailles, on en a plein, il y a des journées on n’arrive même plus à suivre. » Allez, on a compté pour elle : 26 médailles, dont huit en or. Une razzia telle que, pendant sept minutes qu’on n’aurait jamais pensé vivre, la France fut première au classement des médailles.
De quoi commencer à relativiser les places deux et trois pour un public qui découvre que l’appétit comme l’exigence viennent en mangeant. « Vous devenez une grande nation : maintenant, il n’y a que la victoire qui compte pour vous », nous explique un Américain qu’on est allé chercher au Beach-Volley voisin pour comprendre cet étrange phénomène, bien connu chez eux. Il semble d’ailleurs tout ému de nous voir petit à petit adopter la US Mentality. « Nous aussi, on s’en moque du bronze », tente-t-il de nous rassurer.
« On sait que ça va venir »
Deuxième facteur qui explique cette sur-exigence à domicile : la volonté de vivre une Marseille et une victoire chez soi. « L’ambiance est folle, mais je veux voir ce que ça donnera lorsqu’il y aura un titre », renchérit Léo, qui a vu « les sacrés veinards » ailleurs fêter la victoire, que ce soit au Stade de France au Seven, à Vaires-sur-Marne au canoé, à l’autre Grand Palais en escrime, et bien sûr à l’Arena avec Marchand. Même dans la Seine, la France gagne au triathlon. Partout (ou presque) sauf ici. Léo, qui a fait un all-in sur le judo avec quatre jours ici, espère ne pas s’être trompé. Car dans ces JO de Paris, la place du con, ce n’est pas la 4e place, ni se trouver au fond des gradins, c’est être dans un stade où la France ne gagne pas.
Peu à peu la peur grandit : et si le judo ne ramenait aucun or olympique, ce qui n’est franchement pas dans ses habitudes, au pire moment ? « C’est sûr que l’un de nous va aller chercher l’or, et le plus de médailles possibles, assure Maxime-Gaël Ngayap Hambou. Il reste encore 4 possibilités, cinq avec les équipes. »
« On sait que ça va arriver », auto-prophétise Guillaume Fort. Avant de se montrer philosophe : « En tant que responsable, je préfère voir dix médailles même-pas-d’or plutôt qu’une seule médaille et que les autres athlètes n’en aient pas ». Après tout, quitte à être comme les Américains, autant juste compter le nombre de médailles total.
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