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Clarisse Agbegnenou a-t-elle vécu « un moment de panique » en demi-finale ?

JO 2024 Judo : « Peut-être un moment de panique »… Qu’est-il arrivé à Clarisse Agbegnenou en demi-finale ?

POURQUOI, POURQUOI, POURQUOI ?Promise à l’or olympique en –63 kg comme à Tokyo, la judoka française de 31 ans a dû se contenter du bronze ce mardi, après une erreur fatale à la fin de sa demi-finale contre la Slovène Andreja Leski
Jérémy Laugier

Jérémy Laugier

L'essentiel

  • Championne olympique à Tokyo il y a trois ans, Clarisse Agbegnenou a dû se contenter ce mardi du bronze lors des JO de Paris 2024 en -63 kg.
  • La judoka française de 31 ans s’est mystérieusement écroulée à la fin d’une demi-finale qu’elle semblait maîtriser contre la Slovène Andreja Leski.
  • 20 Minutes revient avec la sextuple championne du monde et son entraîneur sur cette maudite situation de combat, qui prive le judo tricolore d’une première médaille d’or à Paris.

A l’Arena Champ-de-Mars,

Depuis l’ouverture du tournoi olympique de judo, il n’y avait jamais eu un silence aussi frappant que sur la demi-finale des -63 kg féminine entre la Croate Kristo et la Mexicaine Awiti Alcaraz ce mardi. C’est comme si chacun des 8.365 spectateurs de l’Arena Champ-de-Mars était aussi sonné que Clarisse Agbegnenou, mis à part une vingtaine de supporteurs mexicains qui vivaient par instants leur meilleure vie. Remarquable de régularité depuis samedi sur ces JO de Paris 2024 (cinq médailles sur six possibles sur les trois premiers jours de compétition), l’équipe de France de judo s’imaginait franchir un cap avec une première consécration en or grâce à son iconique leader au féminin.

Mais à 17h05, c’est la climatisation déjà féroce de l’enceinte parisienne qui a franchi ce cap, avec un épilogue de demie glaçant, à l’extrême opposé de chaque apparition électrisante sur le tatami de la championne olympique à Tokyo en 2021. Mais comment ce légendaire back to back a-t-il pu échapper à Clarisse Agbegnenou, maman d’une petite Athéna (2 ans) ayant passé sa journée dans l’Arena ?

Clarence Agbegnenou est incrédule après sa défaite en demi-finale ce mardi.
Clarence Agbegnenou est incrédule après sa défaite en demi-finale ce mardi. - Mickael Chavet/ZUMA Press Wire/Sipa

« Mais pourquoi tu veux marquer en fait ? »

Impressionnante tombeuse en quart (ippon en 31 secondes !) de la Kosovare Laura Fazliu, qui l’avait battue lors de leurs deux précédents affrontements, la judoka française de 31 ans retrouvait en demie la Slovène Andreja Leski, face à laquelle elle était invaincue. Autant vous dire que trois jours avant l’entrée en lice du guide Teddy Riner, le judo tricolore était prêt à vivre son plus gros frisson à la maison. Plutôt au-dessus dans ce combat, Clarisse Agbegnenou a vécu 40 dernières secondes cauchemardesques. Mais comment un tel fail a-t-il pu se produire au pire moment ?

Clarisse Agbegnenou, qui a su se ressaisir ensuite pour valider le bronze après être passée proche d’une plus grande désillusion encore face à l’Autrichienne Lubjana Piovesana, nous pose le contexte du drama de cette attaque en bord de tapis si lourde de conséquences. « C’est un choix tactique, annonce-t-elle. J’étais au-dessus et j’ai été trop gourmande. J’aurais dû me dire que ça allait le faire au "golden score". Elle avait l’air fatiguée, j’étais bien, j’avais un shido [une pénalité] de moins. "Mais pourquoi tu veux marquer en fait ?" Ça ne sert à rien, ça m’apprendra. »

« Il y avait un vrai risque de contre »

Lorsqu’on partage son cri du cœur avec son entraîneur Ludovic Delacotte, celui-ci sourit : « Ah, elle est très lucide ». Avant de se pencher sur le décryptage de cette situation que sa protégée n’est sans doute pas prête à revoir de sitôt : « Elle a fait le boulot, elle sort d’une action très forte pas loin de marquer, elle est à 1-2 sur les pénalités, elle a créé le décalage. Elle n’a foncièrement pas à attaquer, c’est une erreur tactique. Il y a juste à sécuriser le kumi-kata [le contact entre les deux judokas], quitte à prendre une pénalité toutes les deux, ce qui plierait le match. »

Vous vous en doutez, ce n’est malheureusement pas ce qui va se passer. Andreja Leski la contre en balayant sa jambe gauche, la projetant au sol sur le côté. Assez pour obtenir un waza-ari quasiment fatal au vu du temps restant (35 secondes) ? « Je vois Clarisse esquisser sur le côté mais je ne vois pas l’impact, indique Ludovic Delacotte. Je ne sais pas si Clarisse voulait faire une attaque à plat ventre mais là, il y avait un vrai risque de contre. Il y a eu une absence à ce moment-là, et peut-être un moment de panique. »

« Elle a failli se faire égorger derrière »

A cet instant, on ne sait pas encore si la vidéo va être réclamée. Clarisse Agbegnenou est sur un fil, et, qui plus est, en très mauvaise posture au sol, avec sa tête coincée entre les jambes de la Slovène, en pleine tentative d’étranglement. « Sur cette action, plutôt qu’être tout de suite sur la défensive, Clarisse relève la tête et l’autre s’engage : c’est sa deuxième erreur, regrette l’entraîneur tricolore. Elle a failli se faire égorger derrière. Elle s’en sort parce que c’est une championne. Je pense qu’il y en a un paquet qui auraient tapé [au sol pour abandonner] parce que c’est long. »

Treize secondes très exactement, irrespirables pour une Arena Champ-de-Mars plongée dans la torpeur. Quand la sextuple championne du monde parvient à s’extirper de cette tentative étranglement, l’arbitre annonce une intervention de la vidéo.

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« Tu étais tellement au-dessus que tu as raté le coche »

Le règlement mentionne qu’une chute sur un coude a valeur de waza-ari, ce qui est le cas au vu des ralentis proposés. Le couperet tombe donc, et les quinze dernières secondes ne sauveront pas la Française. C’est en tant que médaillée de bronze (sa troisième récompense en individuelle aux JO après l’argent à Rio et l’or à Tokyo) qu’elle fonce vers une tribune pour prendre dans ses bras Athéna, avec le Que je t’aime de Johnny Hallyday en fond sonore. Pour une médaille avec quel goût finalement ?

« Il y a de tout : je suis déçue, énervée, contente, il y a trop d’émotions en moi là. Je me dis : « Clarisse, tu as quand même une médaille à la maison. En même temps, tu étais tellement au-dessus que tu as raté le coche ». Je suis désolé, tout le monde, j’aurais dû gagner. »

Clarisse Agbegnenou

De son côté, Ludovic Delacotte a une explication contextuelle quant à cette erreur rare pour une athlète maîtrisant à ce point les grands rendez-vous : « Rien ne ressemble aux Jeux olympiques, c’est une compétition à part, alors à la maison... Clarisse est une immense championne, mais tout le monde est rattrapé à un moment par l’enjeu. Ce n’est pas tant le stress que la volonté de bien faire. Quasiment aucun athlète ne fait le même judo le jour J des Jeux, et très peu arrivent à être relâchés. »

NOTRE DOSSIER SUR LES JO DE PARIS 2024

Au cœur de la monumentale ferveur de l’Arena Champ-de-Mars tout au long de la journée, Clarisse Agbegnenou a sans doute subi en demi-finale cet enjeu XXL. Mais pas de quoi la rendre rancunière envers sa discipline. Elle a ainsi conclu son interview devant une trentaine de médias français avec un franc sourire : « le judo… Ce sport est incroyable. »