JO 2024 – Natation : C'était beau, c'était grand, mais ce n'était « que le début » pour Léon Marchand
quête olympique•Le prodige français, très attendu, a géré en patron sa première course dans ces Jeux et remporté son premier titre olympique
Nicolas Camus
L'essentiel
- Léon Marchand a remporté dimanche soir son premier titre olympique en écrasant le 400m 4 nages.
- Le nageur français a passé une soirée de rêve dans une ambiance survoltée, lançant parfaitement son incroyable quête dans ces JO à la maison.
- Après avoir « savouré » comme il se devait, lui comme ses entraîneurs se tournent désormais vers les quatre autres courses qui l’attendent.
A Paris La Défense Arena,
C’est une course grandiose, dans un décor monumental et une ambiance hystérique qui, pour un grand champion, constituerait l’apogée d’une carrière. Sauf que Léon Marchand ne fait pas partie de cette catégorie, pourtant déjà haute perchée. Le nageur français est appelé à marquer l’histoire du sport, et son sacre olympique ce dimanche soir à Paris sur le 400m 4 nages est à la fois une magnifique réussite et seulement le début de l’aventure. En tout cas telle qu’elle a été imaginée.
Une fois qu’on a dit ça, ne galvaudons tout de même pas ce qui vient de s’écrire à la Défense Arena. Un premier titre olympique, avec un record de la compétition à la clé, ça se savoure, quoi qu’il doive se passer ensuite. Pas d’inquiétude, le prodige a pris le temps, parole de son entraîneur de toujours, Nicolas Castel, qui le connaît par cœur. « Savourer, c’est profiter. Et je l’ai observé, c’est ce qu’il a fait, assure le coach toulousain. Il a pris le temps de regarder ce qui se passait autour de lui, de vivre le moment. C’était important qu’il le fasse. »
Effectivement, au moment de récupérer sa médaille d’or des mains de Martin Fourcade, on a vu Léon Marchand tout sourire, accueillir à bras ouverts toute l’énergie du public et déguster sa Marseillaise, avant d’aller taper dans les mains des supporters placés en bas des tribunes. Mais même avant ça, dès sa sortie du bassin une demi-heure plus tôt, il avait salué son public tel un empereur, déclenchant une furia à vous percer les tympans.
Une ambiance de fous furieux
De toute façon, les 15.000 spectateurs de la Défense Arena étaient déjà intenables plus de 15 minutes avant le début de la course, avec notamment un vacarme hallucinant à l’annonce du nom de la star de la soirée par le speaker, quand les athlètes sont entrés dans la salle. Mais ça n’était rien, encore, par rapport à ce qu’on allait entendre une fois le départ donné : un déchaînement bestial, avec une clameur colossale à chaque sortie de coulée, des « oléééé » quand sa tête apparaissait pendant la brasse, avant la corrida finale sur le dernier 100 mètres, alors que Léon avait écrabouillé la concurrence depuis longtemps. Au final, près de six secondes d’avance sur le deuxième, le Japonais Tomoyuki Matsushita. Un gouffre.
« C’est une émotion très difficile à décrire, incroyable, a raconté le héros du soir en passant en zone mixte. Pour un nageur, c’est très rare de vivre une ambiance comme ça. Je n’avais pas imaginé ce genre de choses, mais j’ai bien fait, parce que je voulais ouvrir mon cadeau ce soir et c’était une belle surprise. J’ai de la chance d’être ici, en forme, de performer à mon niveau et de kiffer, tout simplement. J’ai ouvert les yeux et j’ai pris tout ce qui se passait autour, ça m’a poussé. Je vais me rappeler de ce moment pendant longtemps. »
On aurait pu craindre, pourtant, que les attentes soient un peu lourdes pour les épaules d’un jeune homme qui n’a que 22 ans. Il le rappelait lui-même jeudi, d’ailleurs, quand il était passé au Club France. Cette pression, jamais un nageur ne l’avait connu en France, encore moins à son âge. Depuis les Mondiaux de l’an dernier, où il a chipé le record du monde du 400m 4 nages au légendaire Michael Phelps, il ne peut plus faire une apparition sans sa cohorte d’observateurs et sa foule de curieux qui veulent voir le phénomène.
Un statut qui n’a rien de naturel pour le Toulousain, plutôt timide, mais qui ne l’a pas surpris. Ces deux dernières années, avec ces JO à la maison dans le viseur, il s’est préparé en conséquence, avec son coach mental Thomas Sammut et son coach américain Bob Bowann, ancien mentor de Phelps justement et qui connaît tout ça mieux que personne. Un travail d’orfèvre qui a abouti à cette journée de dimanche qui s’est déroulée comme dans un rêve.
« Je suis très content pour Léon, il travaille pour ça depuis longtemps et c’est un moment très spécial pour lui. C’est une grande satisfaction de voir que tout s’est passé exactement comme on le voulait. »
« Il était d’une sérénité désarmante avant la course, salue, bluffé, le directeur des Bleus Denis Auguin. C’est sa marque de fabrique, mais quand même, ce n’était pas une journée comme une autre ! Lui ne laisse rien transparaître, il est complètement automatisé, et c’est ce qui lui permet de réaliser des choses incroyables parce qu’il est débarrassé de toute contrainte. Il n’a plus qu’à s’exprimer. »
Que le début
On sent son entourage soulagé que la compétition soit enfin lancée. Léon Marchand a prouvé sur cette première course qu’il avait bien l’étoffe d’un géant. Mais évidemment, le plus dur commence maintenant. Ce n’était là que le début de ses cinq travaux d’Hercule, avec le 200m papillon, le 200m brasse, le 200m 4 nages et le relais 4x100m 4 nages encore à son programme de boulimique. « La densité sera plus élevée sur les autres courses, prévient Auguin. Il faut avancer pas à pas. Même une euphorie excessive peut être un piège. Je n’ai pas beaucoup de doute là-dessus, mais il faut quand même rester vigilant. »
Après une journée off demain, où il se contentera de nager un peu dans l’après-midi, Marchand sera de retour dans le bassin mardi matin. « On va gérer ça simplement, comme on a pu le préparer aux championnats de France, relève Castel. Le timing est prévu, notre stratégie est prête pour qu’il soit dans de bonnes dispositions. Ce n'est que le début. »
Tout sur les JO de Paris 2024 par iciToujours attentif aux moindres détails, Bob Bowman fait passer aux journalistes un petit message avant de s’éclipser. « Ne le gardez pas trop longtemps en conférence de presse, hein », lance-t-il en ne plaisantant qu’à moitié. Doucement Bob, s’il y a un peu de retard sur le planning ce ne sera pas à cause de nous. Sur la route, son poulain s’est fait intercepter par Amélie Oudéa-Castera, qui lui a passé le président Macron au téléphone. La seule séquence imprévue d’une après-course millimétrée. Léon est en mission. Et nous, on est juste là pour l'accompagner.
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