JO de Paris 2024 : Pas de clim au village olympique, est-ce vraiment raisonnable ?
PARIS TRANSPI•A moins de cinq mois du début des JO, le village olympique est sorti de terre, prêt à faire face à l’été 2024 qui s’annonce chaud, le tout sans climatisationLaure Gamaury
L'essentiel
- Le comité d’organisation des Jeux olympiques de Paris 2024 a décidé de ne pas installer la climatisation dans le village des athlètes, en misant sur l’isolation des bâtiments, des technologies de rafraîchissement et la création d’îlots de fraîcheur pour garantir une température acceptable. Cependant, des doutes subsistent sur l’efficacité de ces mesures en cas de canicule.
- Pour compenser l’absence de climatisation, le village sera équipé de plus de 8.000 ventilateurs, de planchers réversibles permettant de rafraîchir les logements si besoin, d’immeubles favorisant la circulation de l’air et de nombreux arbres et espaces végétalisés.
- Les délégations qui le souhaitent pourront tout de même s’équiper, à leurs frais, d’unités mobiles de climatisation au prix de 300 euros par appareil.
Exit la clim au village olympique. C’était une des grandes absentes du cahier des charges établi par le comité d’organisation. Et alors que les clés dudit village sont passées jeudi des mains de la Solideo à celles de Paris-2024, en présence d’Emmanuel Macron, des doutes et des interrogations demeurent sur ce choix environnemental très fort. Dans un Paris estival surchauffé, le Cojop a-t-il fait le bon choix ?
« Grâce à l’ensemble des mesures prises au niveau de la conception même des bâtiments, et selon une étude que nous avons lancée sur l’impact d’épisodes caniculaires sur le village des athlètes, nous atteignons l’objectif cible de 23-26° au moment le plus chaud de la journée » dans 95 % des 3.200 chambres, précise Paris-2024, qui parie sur la géothermie, l’orientation des bâtiments et des fenêtres, et quelques astuces supplémentaires, histoire d’éviter la fournaise promise par plusieurs études.
De la transpi à tout heure ?
« On a fait un gros travail avec Météo-France, abonde Julia Watson, directrice adjointe village des athlètes pour la Solideo. Nous avons travaillé à l’horizon 2050 pour un confort thermique optimal. 90 % du temps, il fera 28 degrés maximum dans les logements ». Mais si du 26 juillet au 11 août, on tombe dans les 10 % où il fait plus chaud, on raconte quoi aux athlètes qui peineront à récupérer correctement et pour qui ce sera transpi à toute heure ?
Rembobinons déjà à l’été dernier. On est le 26 juillet, à un an tout pile de la cérémonie d’ouverture sur la Seine, et déjà une péniche remplie de drapeaux français déambule sur le fleuve. A son bord : la super star Usain Bolt, son nouveau pote à la compote Tony Estanguet. Uniforme prévu : survêt et K-way. Car oui, il ne faisait « que » 25 degrés ce jour-là avec alternance d’éclaircies et d’averses.
Ventilos et planchers rafraîchissants
La France a pourtant connu quatre périodes de canicule durant l’été 2023, dont une du 17 au 24 août et une tardive en septembre, laissant présager qu’on joue bien à la roulette russe en ne fournissant « que » des ventilateurs aux athlètes. « 8.200 », précise Laurent Michaud, le directeur Paris-2024 du village des athlètes.
« En installant une centrale à géothermie sous la gare routière, qui sera transformée après les Jeux en immense poumon vert pour le quartier, on s’assure une bonne régulation des températures dans les appartements » »
Le comité d’organisation et la Solideo s’appuie aussi sur des technologies éprouvées : des planchers réversibles, mis en mode banquise si la canicule se pointe, des immeubles plots et non en barres pour faciliter la circulation de l’air, des toitures végétalisées et des fenêtres pas trop monumentales pour éviter l’effet grille-pain à l’heure de la sieste et orientées plutôt vers Lille que Marseille.
Un refroidissement à deux vitesses
La com est bien orchestrée. Elle n’a pourtant pas suffi à convaincre les 206 délégations attendues à Paris en juillet. « Si certaines d’entre elles souhaitent renforcer ces dispositifs, des solutions d’appoint seront mises à la disposition des athlètes, comme des unités mobiles de climatisation ». What ? De la clim dans un village sans clim ? Oui mais aux frais des délégations qui en feront la demande, à raison de 300 euros par appareil, comme le précise le catalogue du Cojop. On peut déjà mise sur un gros chèque des Américains, qui ne savent pas vivre sans, comme l’a déjà anticipé la ville d’Eaubonne, laquelle va accueillir une grande partie de la délégation de la Team USA.
Pour les extérieurs, les organisateurs ont mis le paquet sur la verdure pour « rafraîchir l’espace public lors des pics de chaleur ». Pas évident pour 20 Minutes de s’en rendre compte lors de la visite en ce début de semaine pluvieux et gris, mais l’été prochain plus de 4.000 arbres jalonneront les 52 hectares du village. « Nous avons pensé à des îlots de fraîcheur et travailler sur la qualité de l’air », précise Charles Richard-Molard directeur adjoint des espaces publics pour la Solideo.
De l’ombre et des systèmes de ventilation
Pour le restaurant dans la nef de la Cité du cinéma, Laurent Pasteur, directeur Sodexo Live pour le village des athlètes, se montre aussi très confiant. « L’installation dans les patios des différents pôles de restauration va permettre d’évacuer toutes les calories produites par les postes de distribution. On a la chance d’avoir une énorme hauteur sous plafond qui permet de ventiler sans souci avec des ouvertures de part et d’autre de cette nef, et puis il y aura des toiles d’ombrage au-dessus des patios ».
Non vraiment, « l’ambition d’avoir des Jeux révolutionnaires » ne pourra pas se laisser entraver par un Paris sous canicule l’été prochain. On mise tout de même déjà sur la promenade en bois installée en bord de Seine, histoire de capter un peu d’air frais venu de l’eau, ou sur les bains froids demandés par les équipes nordiques pour la récupération de leurs athlètes, pas simples à installer d’après le Cojop, comme place to be. Ou sur les fontaines Coca-Cola installées un peu partout pour se désaltérer. « Car s’hydrater correctement, athlètes, staff et équipes qui travaillent sur le site, c’est vraiment la base », conclut Laurent Pasteur. Même si les vrais - enfin les athlètes, on espère - savent que boire du Coca quand ça tape déshydrate plus qu’autre chose.