InterviewCinq ans après avoir commencé le plongeon, les sœurs Gillet seront aux JO

JO de Paris 2024 : « Sur la planche, on n’est pas sœurs, on est plongeuses »… Le défi incroyable de Jade et Naïs Gillet

InterviewLes sœurs Jade et Naïs Gillet ont une bonne chance de disputer les Jeux olympiques de Paris, cinq ans seulement après avoir commencé le plongeon
Propos recueillis par Antoine Huot de Saint Albin et William Pereira

Propos recueillis par Antoine Huot de Saint Albin et William Pereira

L'essentiel

  • Chaque jeudi, « 20 Minutes » reçoit un athlète qui rêve de podium aux JO 2024 dans son émission Twitch LCTC. Cette semaine, il s’agit de Jade et Naïs Gillet.
  • Les deux plongeuses espérent être aux Jeux olympiques dans l’épreuve du synchronisé.
  • Après des débuts dans la gymnastique, les deux Normandes ont basculé vers le plongeon il y a seulement cinq ans.

Et si vous disputiez les Jeux olympiques de Los Angeles, en 2028 dans une discipline dont vous ignorez à peu près tout ? Impossible, répondrez-vous du tac au tac. Et bien non. Prenez donc exemple sur Jade (22 ans) et Naïs Gillet (21 ans). Ces deux sœurs sont à deux doigts de réaliser leur rêve aux JO à Paris, en disputant le synchronisé (3 mètres), après avoir découvert le plongeon il y a cinq ans à peine, alors qu’elles faisaient de la gymnastique.

Une trajectoire folle, qui a même abouti à un titre de vice championne du monde pour Jade, l’aînée, lors des derniers championnats du monde à Fukuoka, lors de l’épreuve mixte, alors qu’elle est spécialiste du plongeon à 10 mètres, pendant que sa sœur saute à 3 mètres. Invitées dans l’émission « Les croisés tu connais », diffusée sur Twitch et 20Minutes TV, les deux Normandes sont revenues sur leur parcours et leurs ambitions.

Comment vous est venue cette idée de changer de discipline ?

Naïs Gillet : C’est tout bête, ça part d’une publication Facebook. On faisait de la gym, depuis dix ans, avec certains titres, et ma mère a vu ce post Facebook où la Fédération française de natation recherchait des sportives avec des qualités acrobatiques et physiques pour l’objectif Paris 2024. Il y a deux phases de sélections, on a fait les tests et on est entrées à l’Insep en août 2018.

Jade Gillet : Notre rêve, depuis qu’on est petites, c’est de faire les JO. On a commencé la gymnastique, et on pensait faire les Jeux dans ce sport, mais ce n’était pas possible, avec plein de petits problèmes, notamment de clubs, et on ne pouvait pas monter en équipe de France. On s’est dit qu’on tentait l’aventure [dans le plongeon].

Le fait que la France ait un quota d’office, en tant que pays organisateur, au plongeon synchronisé, a dû aussi faciliter cette démarche…

J.G. : Carrément. Quand on s’est renseignées sur la discipline, on a vu que les plongeons synchronisés étaient directement qualifiés pour les JO de Paris. A cette époque là, il n’y avait aucune fille qui faisait du synchronisé à 3 mètres. Moi, à cette époque-là, je ne savais pas non plus que j’allais monter à 10 mètres en individuel. Le but, c’était vraiment de créer ce synchro, pour avoir notre place pour les Jeux. C’est vraiment pour ça qu’on s’est lancé dans le plongeon. On s’est dit : « On tente, et on voit si ça fonctionne ». On n’avait rien à perdre.

Comment arrive-t-on à progresser dans un milieu qui n’est pas hyperconcurrentiel ?

J.G. : C’est compliqué. Les seuls concurrents qui sont plus forts que nous, ce sont des garçons, donc on ne s’entraîne pas avec des filles plus fortes que nous. Quand on fait des stages à l’étranger, qu’il y a des filles performantes, ça fait du bien, ça permet de se situer par rapport aux autres. Mais ce sont surtout les compétitions qui nous aident à savoir où on en est. Mais, c’est vrai, que ce qui manque, chez nous, c’est la concurrence. Mais celle au-dessus de nous.

N.G. : Moi je sais aussi que je me suis fixé une idole étrangère. C’est une Australienne, j’adore comment elle plonge, j’aimerais bien lui ressembler et faire comme elle. Et c’est grâce à ça, aujourd’hui, que je progresse, et ça me pousse à aller plus loin.

Quand vous partez chacune à l’étranger pour des stages spécifiques à vos spécialités, comment faites-vous ensuite pour vous organiser sur le synchronisé ?

N.G. : On s’envoie des vidéos, pour voir les progrès de chacune. On se connaît et on sait aussi toutes les deux qu’on a besoin de progresser individuellement.

J.G. : On sait que notre synchro fonctionne, ça fait trois quatre ans qu’on le fait et que ça marche. Si on augmente la difficulté de nos plongeons, il faut juste le réussir en individuel et ensuite on sait qu’on réussira à se caler avec quelques séances. Ce n’est pas le plus gros du travail de le faire en équipe.

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Comment il se bosse, justement, ce travail de synchronisation ?

N.G. : Pour tous les entraînements, on a une phase de travail à sec, où on arrive sur des tapis. Ça nous permet de faire beaucoup de répétitions en peu de temps. On fait aussi du trampoline. Et, c’est bête, mais on compte. On se regarde aussi, avec une vision périphérique, même si on fixe toujours devant. Et, après une fois que t’es en l’air, t’es partie…

C’est sûrement un avantage d’être sœur pour faire du synchronisé. Existe-t-il aussi des embrouilles, du fait d’être sœur ?

J.G. : Oh oui, et c’est ce qu’on travaille avec notre préparatrice mentale. Il y a des moments, on sait qu’on est sœurs, donc il y a des mots ou des phrases qu’on ne se permettrait pas avec d’autres. On se parle comme si on était sœurs sur la planche, alors qu’on n’est pas sœurs, on est plongeuses. Le synchro, c’est d’abord de l’individuel. Si ton individuel est pourri, même si t’as synchro correct, ça ne marchera pas. Elle travaille d’une manière différente de moi, et il va y avoir des choses sur lesquelles on ne va pas être d’accord.

Est-ce qu’il y en a parfois une qui veut mettre de nouvelles difficultés et pas l’autre ?

N.G. : Pour les Jeux, on a pour objectif de mettre deux nouveaux plongeons, peut-être trois. Et pour les Mondiaux, un nouveau plongeon. Jade a beaucoup plus de facilités à faire de nouveaux plongeons que moi. Moi, j’ai besoin de plus travailler, alors que le 3 mètres, c’est ma hauteur, c’est moi qui en fais tous les jours. Jade elle le fait plus facilement que moi alors que j’y travaille tous les jours, et j’y arrive moins bien qu’elle. Pour moi, c’est difficile d’accepter ça. Et c’est la première fois que je lui dis.

Vous avez déjà votre quota pour le synchronisé, mais il y a aussi un quota à aller chercher dans vos spécialités respectives, c'est bien ça ?

J.G. : On l’aborde différemment. Je n’ai pas cet objectif en tête, je ferai ce que j’ai à faire et on verra. Je me rappelle que si j’ai commencé le plongeon, ce n’était pas pour cette discipline-là, pas pour cette hauteur-là (10 mètres), c’était pour le synchro. Et comme on a déjà une place, c’est que du plus. Oui, on est tous compétiteurs, on veut tous faire plus, et je voudrais vraiment me qualifier en individuel, mais la priorité, c’est le synchro.

N.G. : Moi, c’est un peu différent. La saison dernière, j’ai eu des problèmes, avec une blessure, et je suis arrivée sur les mondiaux un peu à l’arrache, et pourtant ce n’était pas si dégueu que ça. Dans mon approche, je vais essayer de mettre un peu plus de difficultés, pour avoir un peu plus de coefficient et avoir une marge d’erreur un peu plus grande. Moi, je vais aller chercher le top 18, je sais que je le veux.

Jade, vous avez ramené la deuxième médaille mondiale de l’histoire du plongeon français, en compétition mixte, quel était votre ressenti à ce moment-là ?

Sur le moment, je ne m’y attendais pas du tout. Moi, c’était mes premiers championnats du monde, et pendant la compétition, je ne regardais rien. J’avais fait de l’individuel avant, j’avais complètement raté, et ça m’énervait, car je n’arrivais pas à faire une entrée à l’eau comme je le fais à l’entraînement. Donc j’étais focus là-dessus. Et sur le dernier saut, j’arrive à le faire. Les coachs me disent qu’on est deuxièmes, je n’y croyais pas, je ne m’attendais pas à faire ça, je ne réalisais pas.