JO Paris 2024 : « Ce qui est impossible en France, dix personnes le font au Japon »… Mickaël Mawem repousse ses limites
INterview•Après une première olympique à Tokyo en 2021, l’escalade sera de nouveau présente à Paris en 2024. Et le Français Mickaël Mawem espère bien être de la partiePropos recueillis par Nicolas Camus et William Pereira
L'essentiel
- Chaque jeudi, « 20 Minutes » reçoit un athlète qui rêve de podium en 2024 dans son émission Twitch LCTC. Cette semaine, Mickaël Mawem est notre invité.
- Après des premiers jeux à Tokyo, en 2021, où la discipline faisait son apparition, le Français espère bien être de la partie en 2024, à Paris.
- A 32 ans, il évoque son changement de méthode d’entraînement, son obsession pour les Jeux et son souhait de développer l’escalade.
Pour beaucoup d’athlètes, les Jeux olympiques de Paris 2024 commencent vraiment lors de ce premier semestre de 2023. Les premières épreuves qualificatives commencent et s’étaleront plus d’un an plus tard. C’est le cas, notamment, pour Mickaël Mawem. A 32 ans, le grand spécialiste de l’escalade espère bien décrocher son billet pour les Jeux à domicile, après une première remarquée à Tokyo, en 2021.
L’escalade y faisait ses débuts et Mickaël Mawem, qui est gérant d’une salle d’escalade avec son frère à Colmar, a découvert un nouveau monde qu’il veut absolument retrouver dans la capitale française. Et, même si les jeunes poussent fort derrière lui, le natif de Nîmes compte sur son expérience et ses quinze ans passés au milieu des prises pour faire la différence. Il nous a expliqué tout ça lorsque nous l’avons reçu dans notre émission Twitch, « Les croisés, tu connais », jeudi 23 février.
Pour la grande première de l’escalade aux JO, à Tokyo, les gens avaient accroché, notamment sur la vitesse…
La vitesse, c’est la partie spectaculaire de notre sport. Quand tu poses la question aux téléspectateurs, « c’est quoi l’escalade », ils te répondent qu’il faut aller le plus vite en haut. Donc, c’est ce qu’on a vu en premier, et c’est ce qui est le plus impressionnant. Aujourd’hui, le record du monde est de cinq secondes pour monter quinze mètres. C’est hors-norme.
Aux JO de Paris, le format de l’escalade va changer. Le bloc et la difficulté vont être ensemble, la vitesse d’un autre côté. Alors que les trois disciplines formaient un combiné à Tokyo.
Pour nos premiers JO, le Comité international olympique nous avait donné une médaille d’or homme et une médaille d’or femme, donc la Fédération internationale devait faire un choix en priorisant une discipline ou faire une sorte de combiné des trois. Pour 2024, on aura deux médailles hommes et deux médailles femmes, donc ils ont splitté avec d’un côté bloc et difficulté (qui mêle force et endurance), et de l’autre la vitesse, où il y a de l’explosivité. Ça laisse la chance à un spécialiste de vitesse d’aller chercher une médaille car, dans le combiné, ils n’étaient pas avantagés.
Ce nouveau format vous arrange-t-il ?
Ça m’arrange moyen (rires). Nous, avec mon frère, on a pris notre qualification pour Tokyo en 2019. Et, pendant ce temps-là, alors que nous, on se préparait pour les Jeux, qui ont en plus été repoussés d’un an, les autres avaient déjà switché sur le bloc et la difficulté. Donc, moi, j’ai un peu de retard. Mais c’est le challenge.
Que vous a apporté le stage de trois semaines que vous venez de terminer au Japon ?
C’est un stage que j’ai mis en place tout seul, donc est-ce que j’appelle ça un stage ou un voyage… Le but, à quelques semaines du début de la saison internationale, c’était d’aller voir des niveaux, car, aujourd’hui, au niveau international, les Japonais sont au-dessus, en matière de masse de compétiteurs. Donc ça m’intéressait de voir leur niveau, voir comment ils s’entraînaient, dans leur style, et m’enlever des barrières. Aujourd’hui, quand je vois un parcours d’escalade et que je me dis que ce n’est pas possible, au Japon, ils vont te dire que c’est possible. Ce qui est impossible en France est fait par dix personnes au Japon. Ça m’a donc permis de m’enlever certaines limites.
La perspective d’avoir des JO à la maison, avec un public, ça doit donner envie.
Avant Tokyo, on me demandait ce que ça faisait d’être aux JO. Je répondais souvent que je n’en savais rien, que c’était juste une compèt, mais qu’il n’y avait rien derrière. Oui, je suis aux Jeux, et c’est trop cool, mais rien de plus. Quand on a fini les JO et qu’on est rentrés avec mon frère, on nous a reposé la même question. Et j’ai répondu que, maintenant, je n’avais envie que de ça. Aujourd’hui, je n’ai plus envie de rien faire d’autre que les JO. Je n’ai pas le choix, et je dois faire d’autres compétitions pour gagner ma place pour ces Jeux, mais je n’ai envie que des Jeux. Et, tout de suite après Tokyo, j’ai switché là-dessus. Et ça sera notre dernier gros objectif, parce que, derrière, les jeunes, ils sont super forts et nous mettent des claques tous les jours. Maintenant, il va falloir qu’ils tiennent jusqu’au bout. Paris, c’est important pour nous, pour vivre une deuxième olympiade, et pour nos proches et ceux qui nous suivent, pouvoir leur donner ça à domicile, ça serait le plus beau des cadeaux.
Vous disiez dans GQ avoir changé votre routine d’entraînement pour ne pas finir coupé en deux…
Au début de ma vie d’adulte, je m’entraînais énormément, mais mon hygiène de vie, mon hydratation, mon alimentation ne suivaient pas. Il faut se dire que, même dans notre passion, il y a toujours des petits trucs un peu chiants : s’échauffer correctement, c’est chiant. Mais moi, aujourd’hui, si je veux limiter les blessures ou tenir le coup, il faut que je m’échauffe une heure et demie. Et si je ne le fais pas, je me blesse ou je réveille mes blessures, car j’en ai beaucoup.
« J’ai dû me mettre à faire des étirements et des assouplissements. Je suis d’une époque où ça ne faisait pas partie de l’entraînement. Aujourd’hui, c’est la première chose que font les jeunes. Je me suis mis aussi à faire des séances de kiné, qui sont payées par la Sécu. C’est vraiment prendre soin de soi qui me fait tenir. Je suis entré en équipe de France, j’avais plein de blessures. Aujourd’hui, ça ne s’est pas accentué, ça a même tendance à baisser. » »
La jeune génération a justement pris de l’avance sur ça…
Aujourd’hui, il faut se dire que le niveau que j’ai actuellement, qui m’a pris quinze ans de travail, eux l’ont en trois à cinq ans. Sauf que très peu tiendront dix ans à ce niveau-là. Ils se blesseront moins, mais il leur suffira d’une blessure pour que ça soit très dur de revenir. Les jeunes ont tout ce qu’il faut pour performer très rapidement, mais très peu ont ce qu’il faut pour durer dans le temps. Nous, on s’est blessés de partout, on est forts et on est passés au-dessus de ça.
Comment vous vivez cette double casquette, de gérer votre salle à Colmar et de vous y entraîner ?
Aujourd’hui, on bosse peut-être dix-huit heures à la salle par jour. Mais, si on ne fait pas ça, notre carrière s’arrête. On n’a pas le choix de faire tout ça en même temps si on veut vivre à la hauteur des investissements qu’on a mis ces quinze dernières années. Et puis, nous, notre objectif, c’est de développer l’escalade et de le rendre accessible à tous les niveaux, de la personne en situation de handicap au très haut niveau. On a aussi développé notre Academy, ouverte à tous ceux qui souhaitent performer en compétition, avec un niveau de motivation important, mais pas forcément de niveau. On veut amener à cette nouvelle génération un cadre dédié à leur performance et leur enlever tous les à côtés difficiles pour un sportif, comme la gestion des réseaux, car il faut travailler son image pour vivre de son sport, les transports… Et donc, c’est l’Academy qui s’en charge.
Quels sont vos conseils à un amateur qui cherche à progresser ?
C’est bien d’avoir une régularité dans l’entraînement. Pour moi, le minimum, c’est trois séances de deux-trois heures par semaine minimum pour progresser. Et il faut qu’il y ait deux de ces trois séances où il faut travailler le niveau au-dessus. Tu vas te prendre des claques, tu ne vas rien réussir, tu vas toucher le tapis avec ta joue, mais tu vas progresser. Ça prendra un peu de temps, mais tu vas progresser. Si tu cours tous les jours 5 km, tu ne feras pas de marathon. Il faut faire 8 km, puis 10 km… Il faut se confronter à des choses difficiles.
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