HANDBALLPeur et bobos...L'Euro en année olympique, une hérésie ?

Equipe de France : Prépa tronquée, blessures… L’Euro en année olympique, une hérésie ?

HANDBALLL’équipe de France aborde l’Euro qui débutera jeudi avec une préparation express et la crainte d’une saison interminable
William Pereira

William Pereira

Pour reprendre une remarque faite par un confrère à Didier Dinart lundi matin à la Maison du handball, le sélectionneur « a choisi de ne pas choisir » en emmenant 18 hommes dans ses valises. L’excédent bagages de deux joueurs – dont probablement un gardien – il s’en délestera à la veille du premier match de l’équipe de France à l’Euro 2020, face au Portugal. « Ce ne sont pas des choix faciles », regrette le boss des Bleus, un poil agacé d’avoir à écarter deux disciples sans avoir eu le temps d’effectuer une préparation digne de la compétition majeure sur le point d’être abordée.

« Du 26 au 30, on a eu cinq entraînements. On est arrivés à Metz le 2 janvier et on a dû s’employer le 3. Le calendrier de l’EHF fait qu’on doit finir les compétitions fin janvier. Donc on a des préparations de plus en plus courtes. » Dinart a quand même pu jauger ses gars contre la Serbie (victoire 40-26) et le Danemark (défaite 30-31) mais ne s’en satisfait guère : « cinq entraînements pour mettre en place les systèmes offensifs et défensifs, vous avez vu contre le Danemark, c’est pas facile ». Joies d’une prépa en avance rapide.

« Un fort risque de blessures qui peut nous enlever nos chances d’aller aux JO »

Revoilà donc le serpent de mer du calendrier international des handballeurs. Un feuilleton mis de côté l’an passé après l’éviction du DTN français Philippe Bana de la commission d’organisation des compétitions (COC) de la Fédération internationale (IHF). Son tort ? Avoir râlé contre les rythmes intenables imposés aux joueurs, expertises médicales à l’appui. « 80 matchs par an, c’est délirant », s’indignait-il dans nos colonnes, avant d’être réhabilité trois mois plus tard au sein de l’instance mondiale, moyennant quelques avancées. L’IHF a ainsi validé deux mesures à compter du Mondial 2021 :

  • L’élargissement des effectifs à 18 joueurs – avec cinq arrivées possibles en cours de compétition.
  • Un jour de repos obligatoire entre chaque match.

Un peu plus et ces inconscients respectaient le droit du travail. Mais il y a mieux que l’IHF : son pendant européen (EHF) qui s’obstine à organiser un Euro sur deux en année olympique. Ce dont Nikola Karabatic, longtemps blessé au pied l’année dernière et à l’affiche du mouvement « Don’t Play The Players » favorable à une réforme des calendriers, a énormément de mal à se réjouir.

« C’est une fatalité. Je ne vois pas les instances prêtes à modifier les calendriers internationaux sur les années olympiques. Donc je suis plutôt pessimiste là-dessus. […] On nous impose ces deux compétitions qui sont très difficiles et entre les deux une saison en club qui est aussi très importante. Nous, on n’a pas le choix, on essaye de se donner à fond sur le terrain mais on sait qu’à tout moment, cette surcharge de travail peut nous être préjudiciable individuellement. On a un fort risque de blessures qui peut nous enlever nos chances d’aller aux JO si jamais on se qualifie. Mais c’est le jeu, c’est comme ça. On le sait, on essaye de ne pas y penser, de se donner à fond. On n’a pas grand-chose de plus à faire. A part essayer de mettre toutes nos chances de notre côté pour ne pas se blesser, c’est-à-dire bien se préparer, avoir une bonne hygiène de vie… On a un peu le cul entre deux chaises. » »

De la difficulté de se gérer

D’un côté, la peur de la blessure, de l’autre, la conscience professionnelle et l’amour de la compétition. En parallèle du discours militant, le joueur du Paris Saint-Germain exhorte son frère Luka à tout faire pour se remettre de sa luxation du majeur et choper le wagon européen en cours de route (« ça vaut toujours le coup », dit-il) plutôt que de prendre son temps pour s’assurer une fin de saison tranquille. C’est là tout le paradoxe du joueur.

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« C’est dur [de se gérer]. C’est aux entraîneurs de faire des choix et de prendre des décisions mais c’est très dur », poursuit Karabatic. « Même si les JO sont au-dessus de l’Euro, on va à l’Euro pour ramener une médaille et essayer d’aller en demi-finale [qualificative pour le Mondial]. On va pas lever le pied parce qu’il y a potentiellement les JO derrière. On va jouer à fond sans calculer. » Parce que c’est le jeu et qu’une place pour les Jeux olympiques sera offerte à la meilleure nation européenne. Un détail de la plus haute importance car la France n’est pas encore qualifiée pour Tokyo et si elle ne remporte pas l’Euro, elle se farcira le tournoi qualificatif au mois d’avril. Des matchs, des matchs, toujours plus de matchs. Allez, un peu de lumière dans ce monde obscur. Didier Dinart : « à ce jour, l’équipe est en bonne santé ». Y a plus qu’à prier pour que ça tienne.