FOOTBALLDans la tourmente, Fabrizio Romano a-t-il une influence majeure en L1 ?

Dans la tourmente, Fabrizio Romano, le journaliste star du mercato, a-t-il une influence majeure en Ligue 1 ?

FOOTBALLRéférence absolue en période de marché des transferts, le journaliste italien de 31 ans est mis en cause dans des enquêtes publiées par des médias danois et norvégien. « 20 Minutes » se penche sur son rôle dans le football français
Jérémy Laugier (avec A.M.)

Jérémy Laugier (avec A.M.)

L'essentiel

  • Des médias danois et norvégien viennent de mettre en cause le journaliste italien Fabrizio Romano, soupçonné d’avoir cherché à percevoir de l’argent, en échange de messages publiés sur ses réseaux sociaux concernant des footballeurs professionnels.
  • Ce journaliste de 31 ans, qui compte plus de 65 millions d’abonnés entre X, Instagram et Facebook, est depuis plusieurs années considéré comme la référence médiatique absolue en période de mercato dans toute l’Europe.
  • 20 Minutes s’intéresse ce samedi à l’influence que Fabrizio Romano peut avoir sur le football français.

Here we go. Cette formule fait vibrer plus de 65 millions d’amateurs de football sur les réseaux sociaux durant chaque période de mercato. Elle est signée du journaliste italien Fabrizio Romano, devenu au football européen l’équivalent d’Adrian « Woj » Wojnarowski à la NBA. A savoir la référence absolue du marché des transferts, à coups de tweets en pagaille ayant valeur d’officialisations avant l’heure. En juillet 2022, le défenseur japonais Maya Yoshida avait ainsi lancé à son sujet une savoureuse punchline, en réponse à un post bien senti du rouquin napolitain : « Ce gars est incroyable, même ma femme n’était pas au courant de l’offre de Trabzonspor ».

Oui, mais le journaliste star de 31 ans traverse une actualité moins reluisante. Accusé il y a deux ans, par le quotidien néerlandais De Telegraaf, d’être « le numéro un du copier-coller » au sujet du transfert du Brésilien Antony vers Manchester United, celui-ci est pointé du doigt pour des raisons encore plus compromettantes depuis une semaine. Le magazine de football danois Tipsbladet et le site d’information norvégien Idrettspolitikk dénoncent ainsi des pratiques illégales de sa part.

« Il est devenu un commercial plutôt qu’un journaliste »

Selon eux, documents à l’appui, Fabrizio Romano aurait proposé, par le biais d’une tierce personne, aux clubs du FC Copenhague (Danemark) et de Valerenga (Norvège), de lui fournir des informations de transfert de leur choix qu’il publierait sur ses comptes X/Twitter-Instagram-Facebook si suivis (plus de 65 millions d’abonnés), moyennant une rétribution financière. D’après les documents authentifiés par les deux médias scandinaves, il fallait compter 1.000 euros pour un post sur les réseaux sociaux et 5.500 euros pour une vidéo avec Fabrizio Romano afin de marquer l’arrivée d’un joueur.

Le FC Copenhague n'a pas apprécié un récent tweet de Fabrizio Romano, selon lequel le jeune ailier suédois du club Roony Bardghji était relégué sur le banc en 2024 car il refusait de prolonger son contrat avec le champion du Danemark. Un message piloté par l'entourage du joueur ?
Le FC Copenhague n'a pas apprécié un récent tweet de Fabrizio Romano, selon lequel le jeune ailier suédois du club Roony Bardghji était relégué sur le banc en 2024 car il refusait de prolonger son contrat avec le champion du Danemark. Un message piloté par l'entourage du joueur ? - PETTER ARVIDSON/Bildbyran/Sipa

Comme un achat publicitaire en somme, mais auprès du plus célèbre journaliste sportif d’Europe, basé à Milan. « Au cours de mes sept années dans le football de haut niveau, j’ai reçu de nombreuses demandes étranges, mais jamais comme celle-ci, raconte à Idrettspolitikk Mehran Amundsen-Ansari, directeur marketing de Valerenga Football aux moments des faits, en 2022. C’est complètement absurde, Fabrizio Romano est devenu un commercial plutôt qu’un journaliste. » Joint par 20 Minutes, Mehran Amundsen-Ansari n’a pas souhaité développer. Il confirme toutefois « mot pour mot » ses propos à Idrettspolitikk.

La plateforme Memmo au cœur de l’affaire

Le journaliste norvégien Andreas Selliaas, auteur de l’enquête sur l’ancien spécialiste mercato de Sky Sport Italie, précise à 20 Minutes : « J’ai la preuve du mail d’une personne de la société Memmo proposant au club de Valerenga de fournir un texte que Fabrizio Romano s’engageait à publier sur ses réseaux sociaux en échange d’argent. Le but était de tenter de faire grimper la valeur marchande de joueurs que le club souhaitait vendre ». Sur cette plateforme Memmo, qui propose de faire enregistrer par des célébrités des messages vidéo d’anniversaire (ou autre) payants, on trouve bien trace du journaliste italien.

Parmi les 58 personnalités du football proposant leurs services sur le site, Fabrizio Romano est d’ailleurs la plus « gourmande », avec 180 euros réclamés par vidéo, contre par exemple 153 € pour Michael Owen ou 30 € pour Sonny Anderson. Copenhague et Valerenga annoncent avoir immédiatement refusé cette proposition qu'ils estiment être indirectement faite (via Memmo donc) par Fabrizio Romano.

« Il y a des pratiques très douteuses de sa part »

20 Minutes s’intéresse de son côté ce samedi à la place occupée par ce journaliste désormais indépendant au sein du football français. De Kylian Mbappé à Bradley Barcola, en passant par Elye Wahi, l’homme qui passe près de 18 heures par jour sur son téléphone durant l’été, était à l’affût sur de nombreux dossiers tricolores majeurs lors du mercato 2023. Sa connexion avec l’agent star Jorge Mendes et avec le désormais ex-directeur du football de l’OM Javier Ribalta nous a été glissée par plusieurs acteurs de notre championnat.

« Il fait vivre son business, confie un recruteur de Ligue 1 souhaitant rester anonyme. Dans le milieu, c’est connu qu’il y a des pratiques très douteuses de sa part pour mettre en avant des joueurs. Ça peut être du côté des agents, avec comme exemple le plus frappant, Jonathan David. Il tweete régulièrement sur lui pour faire monter sa valeur. Côté clubs, l’OM a recours à ses services de manière très régulière. Il obtient souvent des informations pour parler de Marseille et des transferts là-bas. » »

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L’agent de l’attaquant du Losc n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations sur le sujet. Un ancien collaborateur à l’OM nous confirme de son côté une forte proximité entre Marseille et le journaliste transalpin : « Je ne sais pas si de l’argent a pu circuler entre Fabrizio Romano et le club mais il avait la priorité pour certaines annonces de transfert par rapport au club lui-même ». De son côté, l'Olympique de Marseille dément catégoriquement une quelconque rétribution entre le club et le journaliste, tout juste appelle-t-il pour se faire confirmer des infos qu'il a en sa possession.

A-t-il une ligne directe avec certains présidents de Ligue 1 ? Rien ne permet de l’affirmer. Selon nos informations, Pablo Longoria a un rapport cordial mais distant avec lui. Tandis que l’OL, où Romano semble aussi avoir quelques entrées, fait savoir que « John Textor s’exprime directement sur X ou Insta quand il doit réagir à une actualité mercato et qu'il ne fait aucun off avec les journalistes spécialisés ».

« Il n’a pas le monopole des tweets intéressés »

Un autre recruteur de Ligue 1 semble d’ailleurs surpris de cette cabale soudaine : « Ça me fait sourire de voir que certains médias cherchent à se liguer contre Fabrizio Romano. Je vois passer beaucoup d’articles et de tweets d’autres journalistes qui me semblent être tout autant manipulés par des clubs ou des agents que les siens. Il n’a vraiment pas le monopole des tweets intéressés ». Perçu par ce recruteur comme « un acteur majeur du monde du mercato » et « avec un réseau exceptionnel » selon un dirigeant de Ligue 1, Fabrizio Romano peut-il réellement avoir un impact sur certaines transactions et le prix de transfert des joueurs grâce à son immense popularité sur le web ?

Ancien journaliste et agent sportif depuis vingt ans, Christophe Hutteau est persuadé que non. « Je ne crois pas une seconde qu’un journaliste puisse influer sur le marché des transferts, assure-t-il. Faire mousser un joueur sur X ou Instagram ne va pas faire monter sa valeur. Surtout, les directions sportives des clubs ne vont pas regarder ce qui se dit sur les réseaux sociaux mais se consacrer à analyser les datas et le profil des joueurs ».

Une action en justice engagée par Fabrizio Romano

Conseiller en communication auprès de footballeurs professionnels, le Danois Morten Crone Sejersbol, qui suit de près les dernières révélations sur Fabrizio Romano, ne partage pas ce point de vue : « J’ai souvent vu à quel point cela peut faire une différence pour un joueur d’attirer l’attention des médias. Cela peut changer son statut dans un club, la façon dont les fans le voient, mais aussi son prix. Il est donc extrêmement important que les informations viennent de journalistes intègres. Si elles sont parfois commanditées par un club ou par un agent comme ça semble être le cas pour Fabrizio Romano, ces infos qui ont des conséquences sont forcément biaisées ».

NOTRE DOSSIER SUR LE MERCATO

Contacté par 20 Minutes, Fabrizio Romano nous a adressé cette brève réponse par mail vendredi : « Je ne peux pas donner d’interview car une action en justice a été engagée contre ces articles contenant de fausses informations ».