OM-OL : Le transfert de recruteurs « dépassionnés », symbole de la rivalité de l’Olympico en coulisses
FOOTBALL•Tous en poste à l’Olympique de Marseille la saison passée, David Friio, Matthieu Louis-Jean, Benjamin Charier, Thomas Maurin et Mathieu Seckinger vont vivre ce mercredi (21 heures) leur premier OM-OL dans le camp lyonnaisJérémy Laugier (avec A.M.)
L'essentiel
- Cinq semaines après les graves incidents aux abords du stade Vélodrome, l’Olympique de Marseille accueille ce mercredi (21 heures) l’Olympique Lyonnais lors d’un choc en retard de Ligue 1.
- Parmi les curiosités en coulisses des dernières semaines, pas moins de cinq dirigeants-recruteurs en poste à l’OM la saison passée ont rejoint le rival lyonnais.
- Ce mouvement d’une ampleur inédite en Ligue 1 s’explique par « le côté dépassionné et dépersonnalisé » du scouting en 2023 selon Enzo Djebali, ancien responsable du recrutement au Stade de Reims.
Sur le banc de l’Olympique de Marseille en Ligue Europa à Amsterdam (3-3) le 21 septembre, aux côtés du coach intérimaire Jacques Abardonado, David Friio sera ce mercredi (21 heures) au stade Vélodrome avec le costume de directeur sportif du rival lyonnais. Car oui, le fameux « tout va très vite dans le football » ne s’applique pas qu’aux joueurs mais aussi aux dirigeants et recruteurs. Respectivement responsable du recrutement, directeur technique puis directeur sportif depuis 2020 à l’OM, cet ancien recruteur… de l’AS Saint-Etienne (de 2017 à 2020) marque en rejoignant Lyon l’ultime rebondissement d’un Olympico se déroulant en coulisses depuis cinq mois.
Le nouveau directeur du recrutement Matthieu Louis-Jean (47 ans), puis le coordinateur du recrutement Benjamin Charier, et enfin deux voire trois scouts (Thomas Maurin et Mathieu Seckinger, en attendant l’officialisation d’Omar Sciolla) étaient ainsi également tous en poste à Marseille la saison passée, sous l’inévitable tandem Longoria-Ribalta. Comment peut-on expliquer que quasiment toute la cellule de recrutement de l’OM soit aussi vite transposée dans cet OL en crise (18e en Ligue 1) ?
« Il ne faut pas le voir comme un échec ou une trahison »
« Le football est un marché comme un autre, indique-t-on du côté de l’OM. Ce n’est pas comme si notre directeur général ou notre président filait à Lyon… Là-bas, il y a tout à y reconstruire au sein de la cellule de recrutement, donc c’est normal que ça attire du monde. David Friio rejoint une équipe qu’il avait construite à Marseille. Il ne faut pas le voir comme un échec ou une trahison. Il n’existe pas de clause de non-concurrence, et dès qu’ils sont sur le marché, ces recruteurs sont chassés. Il y avait un besoin de renouvellement chez nous, et leur arrivée à Lyon prouve qu’on n’avait pas misé sur des mecs incompétents. »
Convaincu par ses discussions avec John Textor, David Friio (50 ans) s’est officiellement engagé avec l’OL vendredi, avec « comme mission initiale la désignation du prochain entraîneur principal de l’équipe professionnelle, à l’issue de l’intérim de Pierre Sage ». Une responsabilité aussi inédite pour lui que ne l’est en Ligue 1 le quasi-transfert d’une cellule de recrutement d’un Olympique à l’autre. Ancien responsable du recrutement au Stade de Reims, Enzo Djebali y voit l'exemple ultime d’un changement d’ère concernant la gestion du recrutement dans le football professionnel.
« Ça ne me fait ni chaud ni froid que tous ces recruteurs viennent de l’OM »
« Pendant longtemps, on a vu d’anciens joueurs ou éducateurs très attachés à leur club devenir recruteurs, comme Jean-Philippe Durand à l’OM, indique-t-il. Aujourd’hui, cette fonction a un côté dépassionné et dépersonnalisé. Ma crainte, c’est que les recruteurs acquièrent définitivement la même précarité que les coachs en étant tous en CDD et interchangeables. » Ils ne sont pas davantage supporteurs de l’OM que de l’OL, donc ils ont encore moins de complexes à passer chez le rival que Mathieu Valbuena et Rudi Garcia en leur temps. Il y a cinq mois, avant de le rejoindre à l’OL, Thomas Maurin nous confiait au sujet de Matthieu Louis-Jean : « Il va pouvoir transposer son travail de fond et son observation des marchés à Lyon, qui a à peu près les mêmes capacités financières que l’OM ».
D’où les arrivées possibles à l’OL de joueurs que cette cellule de recrutement pistait déjà lorsqu’elle était en poste à Marseille, et même d’anciens éléments de l’OM type Duje Caleta-Car, arrivé en août. De quoi inquiéter des supporteurs lyonnais à la fois attachés à une histoire très éloignée de celle de l'OM, et en attente à court terme de joueurs programmés pour batailler pour le maintien en Ligue 1.
« C'est sûr qui si c'est pour nous ramener Konrad de la Fuente cet hiver, ça n'ira pas, glisse ironiquement Richard, un habitué du virage sud lyonnais. La solution de facilité pour ces recruteurs serait de rester sur des pistes déjà lancées à Marseille. Je ne suis pas gêné par ça s'ils s'appuient sur des mecs de caractère, notamment un leader au milieu. C'est sûr que dans un autre contexte, où on serait moins inquiets quant à nos résultats sportifs, ça m'interpellerait fortement de voir arriver tous ces gars ne représentant pas l'esprit de notre club. Là, vu le bordel, tout ce qui pourra contribuer à ce qu'on se restructure est positif, même si c'est avec six mois de retard. » »
Un propos partagé par un autre supporteur lyonnais, Frédéric (44 ans) : « Personnellement, ça ne me fait ni chaud ni froid que tous ces recruteurs viennent de l’OM. La seule question qui me préoccupe, c’est la compétence des gens en poste. Je suis moins embêté par les principes que par nos résultats et le mercato estival indéchiffrable voire catastrophique ».
« Une situation d’urgence » sur le mercato d’hiver
Pour éviter de sombrer en Ligue 2, et alors que les sanctions de la DNCG sur ce plan ont été assouplies mardi soir (le club pourra recruter pour environ 50 M€ hors ventes le mois prochain), l’OL aura clairement besoin cet hiver de recrues avec un apport bien supérieur à celui de Mama Baldé, Ainsley Maitland-Niles, Duje Caleta-Car ou Paul Akouokou. « C’est justement car il y a une situation d’urgence sur le prochain mercato que l’OL a misé sur cette équipe de recruteurs habituée à travailler ensemble [à Manchester United avant l’OM pour la plupart], afin d’être efficace », estime Enzo Djebali, désormais scout Europe pour le FC Dallas (MLS). Pour ce dernier, « il y a un enjeu aussi stratégique désormais pour former une cellule de recrutement que pour établir un staff technique ».
NOTRE DOSSIER SUR L'OLL’explosion des datas explique également selon lui l’émergence de ces cellules de recrutement « dépassionnées », et largement rajeunies, si on prend l’exemple lyonnais. Les historiques Michel Rouquette (73 ans) et Alain Caveglia (55 ans) viennent ainsi d’être remplacés par les trentenaires Benjamin Charier, Thomas Maurin et Mathieu Seckinger. Tous vont vivre ce mercredi leur premier Olympico dans le camp d’en face, et avec le spectre de la Ligue 2 au-dessus de la tête.