GRAND-MESSEComment pimper l’annonce (un peu vieillotte) de la liste de Didier Deschamps ?

Euro 2024 : Comment moderniser l’annonce (un peu) vieillotte de la liste de Didier Deschamps ?

GRAND-MESSEAlors que le sélectionneur de l’équipe de France va annoncer la liste des joueurs pour l’Euro 2024 au JT de 20 heures de TF1, le format n’a jamais évolué ces dernières années, contrairement à d’autres sélections nationales
Aymeric Le Gall

Aymeric Le Gall

L'essentiel

  • Didier Deschamps va annoncer la liste des joueurs sélectionnés à l’Euro ce jeudi soir, à 20 heures, au JT de TF1.
  • Si ce format est depuis longtemps un rendez-vous incontournable, il présente le désavantage de ne pas être très funky.
  • D’autres Fédérations ont choisi depuis plusieurs années choisi des manières plus originales et modernes d’annoncer leur liste. En France, la FFF le fait aussi, mais dans un second temps, après le passage de DD à TF1.

Dans un monde en perte de repères et en perpétuelle évolution, il est bon de pouvoir s’appuyer sur des fondamentaux qui rassurent. En ce sens, l’annonce de la liste de Didier Deschamps pour l’Euro 2024, sur le plateau du 20 heures du JT de TF1, avec un sélectionneur droit comme un I, costard tiré à quatre épingles et sourire malicieux en coin, égrenant d’un ton monocorde la liste des 25 ou 26 joueurs, est un peu notre phare dans la nuit. Le truc sur lequel on s’appuie pour se dire que, finalement, il y a des choses qui ne changeront jamais et que ce n’est peut-être pas plus mal ainsi.

Pourtant, au fond de nous, une petite voix ne cesse de nous susurrer à l’oreille : « Franchement, mec/meuf, tu ne trouves pas qu’il est temps de pimper un peu tout ça et de sortir de l’époque ORTF et son odeur de naphtaline ? ». Si la question a le mérite d’être posée, on sait que la réponse ne changera pas d’ici ce jeudi soir, 20 heures. Trop attachée à son format à la papa, la Fédération française de football a choisi de ne pas suivre ses petits copains qui, de l’Ecosse à l’Espagne en passant par le Danemark, l’Uruguay ou même le XV de France au rugby, ont fait le pari de la modernité pour l’annonce de leur liste.

L’Angleterre lance la mode en 2016

Commençons par le rugby, tiens. L’année dernière, à la veille du Mondial en France, Fabien Galthié et la FFR ont décidé d’envoyer valser l’ancienne manière de faire et d’annoncer la liste à travers un clip vidéo dans lequel des lambda, supporteurs et supportices, jeunes et vieux, dévoilaient, dans les rues leurs villes, l’identité des gaillards appelés à représenter la patrie. Réalisateur de ce clip vidéo de trois minutes, Matthieu Allard, nous raconte la genèse de ce projet.

« Le postulat de départ c’était de dire que, contrairement au foot, une liste pour une Coupe du monde de rugby, c’est beaucoup plus long à égrener. Quand le sélectionneur vient sur le plateau et qu’il énumère plus de quarante noms, avec le Power point qui va avec, ça peut vite devenir imbuvable… Il fallait donc que ce soit agréable pour les personnes qui regardent. Et il y avait aussi une volonté de Fabien Galthié de mettre en avant les territoires, les régions d’où venaient les joueurs, de mettre en avant leurs clubs, les éducateurs. D’où cette vidéo tournée avec monsieur tout le monde un peu partout en France. »

L’argument de la longueur de la liste n’est pas le seul. La preuve, certaines sélections de foot s’y sont mises aussi depuis une petite dizaine d’années maintenant. « De mémoire, cette tendance a commencé par l’Angleterre en 2016, avance Matthieu Allard. Ils avaient sorti une vidéo avec des codes un peu modernes et, à l’époque, on avait trouvé ça super, tout le monde s’en était un peu parlé dans le milieu et ça a inspiré les autres depuis. »

« L’annonce de la liste est un moment très important »

Lors de l’annonce de sa première liste, en mars 2023, le nouveau sélectionneur espagnol Luis de la Fuente était filmé dans une petite salle des archives de la fédé, dans une ambiance tamisée, épinglant les joueurs sélectionnés avec de vieilles photos d’eux dans leurs clubs respectifs. L’idée était très sympa et l’effet garanti.

« Cela fait depuis 2018 que nous avons décidé de sortir du format classique avec le sélectionneur qui s’adresse en direct à la télévision en conférence de presse pour annoncer un à un les noms des joueurs sélectionnés. On s’est rendu compte que l’annonce de la liste est un moment très important dans la vie d’une sélection et qu’il était temps de moderniser la façon de faire, détaille Rafa Zapatero, chef du département télévision à la RFEF. On a commencé avec Luis Enrique, un coach très moderne dans sa communication comme on a pu le voir depuis avec ses lives sur Twitch, et qui était ravi d’essayer quelque chose de nouveau. Depuis, tous les sélectionneurs ont joué le jeu avec grand plaisir. Aujourd’hui, c’est devenu un rituel maison qui participe à la visibilité de la sélection en Espagne et à travers le monde. »

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Du côté de la Fédé danoise, l’idée directrice, c’est d’être « plus engageants avec nos fans » nous confie Jakob Høyer, le directeur de la communication des Rouges et Blancs. Il s’agit alors de créer du lien entre l’équipe nationale et les supporteurs à la veille des grandes compétitions. De « créer un moment » comme l’aurait dit Léa Salamé si on l’avait interrogée sur un sujet qui ne la concerne absolument pas. Une sorte de rendez-vous immuable et moderne entre une équipe et son peuple. « Nous y consacrons beaucoup de temps et d’argent car nous espérons que ces contenus deviendront viraux et seront approuvés par les fans, poursuit Høyer. Nos entraîneurs et nos joueurs nous soutiennent beaucoup dans ce travail en les partageant sur leurs profils personnels sur les réseaux sociaux. »

La FFF coupe la poire en deux

Comment expliquer alors que nous, franchouillards, en soyons encore à annoncer ça à l’ancienne sur le plateau d’une télévision amenée à mourir à petit feu dans un futur pas si lointain ? « Tout simplement parce que c’est un exercice obligatoire en France, explique Florian Ridard. Un truc tout con mais mes grands-parents qui ont bientôt 90 ans, ben ils attendent la liste jeudi au JT de TF1, ils ne vont pas aller la voir sur YouTube ou Twitter, explique Florian Ridard, expert en communication chez Vae Solis pour différents clubs de foot. La communauté de suiveurs d’une sélection nationale va de 5 à 95 ans, il faut donc un format qui s’adresse au plus grand nombre. Et à l’heure actuelle, le JT me semble être le format qui colle avec cette nécessité. Il touche des millions de personnes en une fraction de seconde. C’est comme le débat du second tour de la présidentielle. »

Un avis paradoxalement partagé par le réalisateur de l’annonce du XV de France. « Pour les Bleus, il y a ce petit côté cérémonial, c’est une institution et ce n’est pas si mal que ça. Si tu fais un film un peu cool, jeune, moderne, et que tu le diffuses au JT, c’est peut-être hors sujet vu le panel de gens à qui tu t’adresses, juge-t-il. Donc je suis partagé, je serais content de voir un truc nouveau mais je suis aussi pas mal attaché à cette énumération à l’ancienne, ce côté grand-messe. C’est le rendez-vous, tout le monde allume sa télé à la même heure et on attend ça avec impatience. »

A sa décharge, la FFF n’est pas non plus bornée de chez bornée. Consciente qu’elle ne peut pas regarder le train de la communication passer devant ses yeux, tranquillement assise sur le quai en jouant du banjo, elle a choisi de couper la poire en deux. Florian Ridard : « C’est une fusée à deux étages. D’un côté tu as l’annonce officielle avec Deschamps qui égrène les noms et qui est un peu chiant, mais qui est dans son rôle, très sérieux, sur une chaîne très sérieuse et à une heure de grande écoute. Et de l’autre la Fédération qui, elle, a une plus grande marge de manœuvre et a toujours accompagné l’annonce de la liste avec des vidéos plutôt sympas. Il y avait eu Youssoupha en 2021, et une autre qui était vraiment chouette avec le Crédit Agricole et qui avait cartonné. »

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Des Bleus en mode JO 2024 ?

On ne sait pas encore ce que la 3F et ses têtes pensantes ont préparé pour compléter l’annonce du soir de Deschamps mais, en attendant, Florian Ridard met son expérience de communicant à notre service. Profitons-en, c’est gratuit (pour cette fois) : « Cette année, il y aurait eu un truc à faire autour des Jeux. 2024, C’est quand même l’année de la fierté française en matière de sport. Tu vas enchaîner en l’espace de deux mois Roland-Garros, l’Euro, le Tour de France et les Jeux olympiques. Donc, à circonstances exceptionnelles, dispositif exceptionnel. Et comme le climat est très anxiogène pour le moment autour des Jeux, il y aurait un truc à faire pour déminer tout ça. »

L’idée ? « On pourrait imaginer une vidéo où des athlètes de Paris 2024 porteraient le maillot de tel ou tel joueur sélectionné par Deschamps ou, à l’inverse, un Upamecano habillé en escrimeur et qui enlèverait son masque, propose Ridard. Un Dembélé en kimono, Rabiot qui sort la tête de l’eau d’une piscine olympique et Griezmann à vélo au sommet du Tourmalet. » Sans oublier Mbappé sur la ligne de départ de la finale du 100 mètres. Celle-là c’est notre idée. De rien, c’est cadeau.