Ligue 1 : Vous avez trouvé ce week-end ennuyeux ? On vous fait revivre la pire journée de l’histoire de la L1
Retour vers le Futur•Seulement 13 réalisations ont été inscrites de vendredi à dimanche lors de la 11e journée de Ligue 1. Mais on est loin du record d’indigence établi voici plus de 16 ans
Nicolas Stival
L'essentiel
- La 12e journée de Ligue 1, disputée de vendredi à dimanche, n’a débouché que sur 13 buts en neuf rencontres. Du jamais vu depuis huit ans.
- Si la moyenne de buts par match de L1 cette saison (2,54) est en net retrait par rapport aux trois précédents exercices, elle reste au-dessus de celle des années 2000, marquées par la pire journée de l’histoire du championnat. Seulement huit réalisations avaient été inscrites lors de la 32e levée de la saison 2006-2007.
- 20 Minutes vous fait revivre ce très oubliable week-end des 14 et 15 avril 2007, avec des témoins de l’époque : Elie Baup, alors entraîneur du TFC, et David Bellion, auteur d’un doublé avec Nice contre Saint-Etienne et donc de 25 % des buts de cette journée.
A l’heure où la Ligue 1 veut se faire belle pour vendre ses droits TV, le chiffre fait tache. Seulement 13 buts ont été inscrits ce week-end lors des neuf matchs de la 11e journée, constellée de trois 0-0 (Lorient – Lens, OM – Lille, Strasbourg – Clermont). Certes, notre « Ligue des Talents » est passée cet été de 20 à 18 clubs. Mais dans un championnat dont on soulignait justement le renouveau offensif, avec trois saisons précédentes à plus de 1.000 buts, cette disette renvoie au milieu des années 2010, puisqu’il s’agit du plus faible total depuis le 16e volet de la saison 2015-2016 (13 buts aussi, mais en 10 matchs).
Pour trouver pire, il faut monter dans une DeLorean, avec l’ordinateur de bord programmé sur les 14 et 15 avril 2007. Jacques Chirac vit l’épilogue de son séjour à l’Elysée, à une semaine du premier tour de l’élection présidentielle dominé par le duel tendu entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Au rayon musical, le groupe Tokio Hotel, à l’origine d’un éphémère retour en grâce de l’allemand en LV2 dans les collèges, s’apprête à enflammer le Zénith de Paris. Une autre époque, on vous dit. En revanche, dans les stades de football de l’élite française, c’est le calme plat. Huit petits buts sont seulement inscrits lors de la 32e journée de cette saison 2006-2007.
Le samedi 14, en particulier, est aussi aride qu’un été à Perpignan : six 0-0 sur huit matchs, et deux victoires 2-0. Du duel bien nul et vierge pour le maintien entre le Troyes de Ronan Le Crom et le Nancy de Damien Grégorini, le préposé au live de lequipe.fr retient un « match consternant de pauvreté technique, et sans engagement ». A priori plus chanceux, son collègue assigné à LOSC-Sochaux voit deux réalisations, grâce à Nicolas Fauvergue et Kevin Mirallas. Pourtant, il décrit « une rencontre famélique en occasions et très pauvre en termes de jeu ».
Le Stadium de Toulouse, rare pôle de joie
Seuls les 22.404 supporteurs du TFC réunis au Stadium jubilent devant le succès de leurs favoris sur Auxerre, avec des buts d'Achille Emana et de Fodé Mansaré, qui hissent les Violets à la deuxième place de L1. Le lendemain, L’Equipe titre : « Toulouse et Lille échappent à la misère ». « Quelle que soit la période, l’AJA aligne une équipe organisée », témoigne Elie Baup, l’entraîneur toulousain de l’époque, qui se souvient « un peu » de ce match.
« A l’époque, beaucoup d’équipes essayaient de jouer bas, d’attendre la faute technique. Nous avions fini la saison troisième. Il y avait une volonté de projection vers l’avant, avec Mansaré, des latéraux comme Ebondo ou Emana au milieu. On essayait d’amener du jeu dans les 30 mètres adverses et de finir les actions. Mais on a aussi joué des matchs où l’on a beaucoup défendu, comme contre Lyon, une équipe dominante. »
L’information peut paraître incroyable pour nos plus jeunes lecteurs, mais à cette époque reculée, l’OL s’apprête à cueillir le sixième de ses sept titres de champion de France d’affilée. Il s’en rapproche encore le dimanche soir, avec un pénible succès sur Sedan (1-0) illuminé par le premier but en L1, sur une belle volée, d’Hatem Ben Arfa, 20 ans et énorme espoir pas encore déchu du foot français.
Un peu plus tôt, Nice a dominé Saint-Etienne, à l’issue du match le plus prolifique de ce sinistre week-end (2-1). Auteur d’un doublé (dont un penalty) pour répondre à l’ouverture du score stéphanoise signée Lamine Diatta, David Bellion pèse donc un quart des réalisations inscrites au cours de cette journée historique.
« Je me souviens de ma tête sur le premier but, rejoue l’actuel directeur créatif et « brand manager » du Red Star (leader du National), entre autres activités. Le ballon [donné par Florent Balmont] arrivait d’un côté, et j’ai dû me mettre en extension et placer le ballon de l’autre côté, un peu comme Lionel Messi en finale de la Ligue des champions [en 2009, contre Manchester United]. J’ai bien aimé ce but, même si ce n’était pas mon plus beau. Plus globalement, j’ai bien aimé cette époque, on avait une super équipe. »
« Un championnat à l’époque très fermé »
L’ancien attaquant azuréen, passé ensuite par Bordeaux, avoue ne plus trop regarder la L1 d’aujourd’hui. Mais il se rappelle forcément « d’un championnat à l’époque très fermé ». « J’ai joué en Angleterre [West Ham, Manchester United et Sunderland], et j’ai regardé comment joue l’Espagne, mais les deux championnats les plus difficiles, c’était l’Italie et la France. Notre football était très discipliné, très dur. Aujourd’hui, c’est très jeune en L1. A l’époque, on était plus dans le vice, avec des défenseurs expérimentés. Je me souviens que c’était assez violent en matière de charge physique et peut-être moins aseptisé qu’aujourd’hui avec le VAR. »
Bellion évolue alors dans une équipe où, si le gardien est un gamin du nom d’Hugo Lloris, la défense a beaucoup plus de poil aux pattes avec le capitaine « Pancho » Abardonado, et les deux Cédric, Varrault et Kanté. Sans parler du très rugueux Cyril Rool, absent face aux Verts. Il ne manque plus que le vieux Gandalf et son mantra « Vous ne passerez pas » pour se replonger dans l’ambiance du moment, pas franchement du goût de Jean-Claude Darcheville.
Darcheville « plaint les spectateurs »
L’attaquant bordelais de l’époque se laisse aller dans une interview au Parisien, recueillie après le 0-0 à domicile face au Paris des Mulumbu, Clément et Frau, alors en lutte pour le maintien. « De plus en plus d’équipes bâtissent leurs tactiques non pour marquer mais pour empêcher l’adversaire d’inscrire un but ! Sur ce plan-là, on est très forts. »
« Je plains les spectateurs, ajoute-t-il. Vous ne pensez pas que je préférerais faire 3-3 contre le PSG plutôt qu’un 0-0 qui énerve tout le monde ? Les gens qui paient ont le droit de voir autre chose que des jeux défensifs serrés. Hier [le samedi 14 avril], on a été sifflés. C’est normal. C’est vraiment une question d’état d’esprit général dans le foot français. A l’étranger, c’est tout pour l’attaque. Ici, c’est tout pour la défense. En tant qu’attaquant c’est frustrant, mais c’est la réalité. »
Seize ans et demi plus tard, Elie Baup témoigne de l’évolution du foot français, au-delà de l’accroc du week-end écoulé. « Aujourd’hui, le jeu est un peu plus ouvert, il faut le reconnaître, observe le champion de France 1999 avec les Girondins. Il y a eu une prise de conscience que le foot était un spectacle, qu’il fallait marquer des buts. Il y a moins de blocs bas. Et les transitions avec du jeu long, c’est un peu sorti de la tête des gens. »
Beaucoup ont oublié que cette saison-là, Pauleta avait été sacré meilleur buteur de Ligue 1 avec 15 réalisations, le pire total pour un « pichichi » en France. En 2022-2023, le goleador du PSG aurait terminé 11e ex aequo avec Gaëtan Laborde et Amine Gouiri, loin de son successeur Kylian Mbappé (29). C’était mieux avant, vous êtes sûrs ?