PSG : Neymar laisse-t-il une trace de « légende » auprès des supporteurs parisiens ?
football•Transférée mardi au club saoudien d’Al-Hilal, la star brésilienne du Paris Saint-Germain inspire surtout beaucoup de « regrets » aux supporteurs parisiens après son long cycle de six ans en Ligue 1, marqué par des blessures en cascade
Jérémy Laugier
L'essentiel
- Le mercato du Paris Saint-Germain a pris un tournant quasiment inattendu mardi, avec le transfert de son Brésilien Neymar à Al-Hilal (Arabie saoudite).
- Accueillie comme un Ballon d'or en puissance en 2017, en provenance du Barça, l’ancienne icône du Camp Nou n’a jamais su faire l’unanimité en Ligue 1.
- Au moment de tirer le bilan de ces six saisons de Neymar en France, les coups de génie sont finalement presque éclipsés par une hygiène de vie contestable et des absences répétées dans les moments clés, selon nos lecteurs et les anciens joueurs du PSG Luis Fernandez et Eric Rabesandratana.
«Six années folles, entre succès, passion et émotion » pour Neymar Jr, « une légende du club ». C’est ainsi que le site du Paris Saint-Germain a résumé mardi soir le long passage de la star brésilienne en Ligue 1. En débarquant durant l’été 2017 du FC Barcelone dans le costume du joueur le plus cher de l’histoire du football (222 millions d’euros), « Ney » était en effet destiné à devenir le visage du club parisien, son leader, son magicien, et un Ballon d'or en puissance. A quel point les supporteurs et anciens joueurs du PSG, de même que les suiveurs de la Ligue 1, alors impatients de découvrir une telle icône en France, jugent-ils ces six saisons, conclues mardi sur un transfert inattendu à Al-Hilal (Arabie saoudite) ?
Nous avons sollicité lundi nos lecteurs pour recueillir leurs souvenirs du désormais ex-numéro 10 parisien, et nous avons reçu plus de 150 contributions. C’est dire si le sujet Neymar déchaîne autant qu’il ne divise parmi les amateurs de football. « Je retiendrai le spectacle qu’il a créé en Ligue 1, sa virtuosité technique, explique par exemple Jean-Luc. Il n’a pas obtenu assez de reconnaissance en France pour son talent, alors que sa présence dans notre championnat était tout simplement exceptionnelle. C’était un joueur immense pour le spectacle mais trop inconstant au très haut niveau. Son apport dans le collectif du PSG n’a pas été à la hauteur des espoirs placés en lui, notamment pour la Ligue des champions. »
« Un joueur hors normes comme Ronaldinho »
Car même ceux qui adorent depuis toujours Neymar se savent obligés de mettre un énorme bémol sur son aventure parisienne. Celui-ci tient même en un chiffre : 177 comme son nombre de matchs total disputés, toutes compétitions confondues sous le maillot parisien. Il a donc participé à 55 % des matchs qu’il aurait pu disputer sur ces six années, soit moins de 30 rencontres par saison en moyenne. Ce qui pousse Nicolas à un rude constat : « C’est un immense gâchis ! Il a certes eu des coups d’éclat et un niveau bien au-dessus de notre Farmers League, mais rien qui puisse apporter une pierre à l’édifice de l’histoire du PSG ». Côté chiffres bruts, on a tout de même 118 buts et 70 passes décisives, ainsi que cinq Ligue 1, trois Coupes de France et deux Coupes de la Ligue remportées avec le PSG. C’est pourquoi Eric Rabesandratana, défenseur parisien de 1997 à 2001, valide le statut de « légende du club » de Neymar.
« Selon moi, ce terme est mérité. Ça reste quand même un joueur incroyable, hors normes même, avec des caractéristiques quasiment identiques à celles de Ronaldinho. On ne peut pas aller jusqu’à parler d’un rendez-vous manqué entre Neymar et Paris. Mais entre ses blessures et ses frasques, on se rend compte qu’il y a un sacré delta entre ce qu’il aurait dû faire au vu de son talent et ce qu’il a réellement accompli au PSG. » »
C’est là qu’on touche évidemment au dark passenger de ce virtuose à la créativité et à la fantaisie comme le football n’en a pas si souvent produit. « Le problème, c’est qu’il aimait trop jouer jusqu’à 6 heures du matin à Call of Duty, poursuit Eric Rabesandratana. Ça fait partie de sa nature, comme Ronaldinho avant lui, d’avoir des activités hors terrain pas toujours compatibles avec une carrière professionnelle. »
« Il aurait pu rester tout en haut »
Lus Fernandez, qui a entraîné Ronaldinho de 2001 à 2003 au PSG, est bien conscient du problème : « Lors de sa deuxième saison avec nous, "Ronnie" s’était un peu évaporé dans la nature. On n’avait pas su le cadrer et là ça a été pareil avec l’hygiène de vie de Neymar. Au Barça, ce joueur me fascinait, il avait tant de facilités. Je l’ai toujours adoré mais à Paris, il n’a cessé d’avoir des hauts et des bas. Avec ses qualités, il aurait pu rester tout en haut. Mais il aurait aussi fallu une institution forte pour le remettre dans le droit chemin ». Comme pour l’interminable feuilleton des étés 2022 et 2023 autour de Kylian Mbappé, la direction du club, Nasser Al-Khelaïfi en tête, est donc en partie coupable du décevant rendement global de Neymar, surtout dans les moments clés de la saison, lors des huitièmes et quarts de finale de la Ligue des champions.
« Ses nombreuses blessures sur le terrain ne sont peut-être pas étrangères avec la vie qu’il a menée, note Ronan, un supporteur parisien. Il aurait dû arrêter le football depuis longtemps, c’était devenu un boulet pour le club. » Sur ce point, Eric Rabesandratana tient à démonter une idée reçue : « Neymar ne s’est jamais blessé tout seul. Ses absences ont été la conséquence de coups donnés par des adversaires ». Hormis 20 matchs manqués pour des raisons musculaires, on trouve effectivement surtout trace de graves blessures à répétition aux chevilles ou au cinquième métatarse. « Le pire tournant dans son parcours, ça reste sa première blessure en février 2018, avant d’affronter le Real Madrid, se souvient Eric Rabesandratana. Avant cela, ses débuts étaient fabuleux, avec de la vitesse et de la détermination. »
« Si encore il nous avait ramené une Coupe d'Europe… »
Deux notions qui se sont peu à peu éteintes dans son jeu, malgré un incontestable climax à l’occasion du parcours jusqu’au Final 8 de Lisbonne en 2020, avec la première finale de Ligue des champions de l’histoire du PSG, et une défaite (0-1) contre le Bayern Munich. « C’est lui qui nous emmène en finale cette année-là », assure Eric Rabesandratana. Taquin, Luis Fernandez sourit : « C’était bien l’année du Covid-19, non ? Pour préparer le Final 8, il était donc tout le temps avec le groupe, tourné vers le football et dans de bonnes dispositions »…
Soit tout l’inverse en effet des fêtes à répétition au Brésil, des télénovelas et jeux vidéo enquillés toute la nuit, ou de sa passion absolue pour le poker. « Je retiens surtout son mépris du club et des grands rendez-vous, ses provocations en story Instagram, ses nombreuses blessures et ses faux discours du type "je vais donner ma vie pour ce match", tranche Stéphane, en supporteur désabusé. Il me laisse bien moins de souvenirs que Pauleta, Raï, Ginola, Rocheteau, Luis Fernandez, Cavani, Susic et beaucoup d’autres. Si encore il nous avait ramené une Coupe d'Europe… Je regrette juste qu’il n’ait pas pris la mesure de ce qu’il pouvait faire à Paris. »
NOTRE DOSSIER SUR NEYMARDepuis de longs mois, et notamment depuis son incompréhensible prolongation jusqu’en 2027, on sentait que l’histoire entre Neymar (31 ans) et le PSG avait basculé dans cette ère des « regrets » partagés. Avec ses richesses à même de dérégler le marché du football, le club d’Al-Hilal y a mis fin mardi, rendant service à la fois au joueur et surtout au club parisien. « Avec sa longue convalescence et sa préparation d’avant-saison, je me disais qu’il pouvait encore faire des choses fantastiques dans ce club, confie tout de même Eric Rabesandratana. Mais avait-il l’envie et le corps pour ça ? Personne n’imaginait une telle somme pour son départ [au moins 80 millions d’euros] et les supporteurs en avaient marre d’attendre sa vraie éclosion. » Merci à Thierry, dont la brève réaction dans notre appel à témoignages nous est apparue comme la chute idéale : « Grâce à Neymar, je sais désormais que le carnaval de Rio se déroule au mois de février ».