FOOTBALLCes jurés du Ballon d'or qui ont voté Benzema avant tout le monde

Benzema futur Ballon d'or (4/4)  : « Certains ont rigolé », ces jurés qui ont voté KB9 avant tout le monde

FOOTBALLLe Français, qui devrait être élu Ballon d'or avec une marge considérable ce lundi au théâtre du Châtelet, n’a pas toujours été privilégié par les jurés, à certaines exceptions près
Nicolas Stival

Nicolas Stival

L'essentiel

  • Karim Benzema, sauf immense surprise, va remporter le Ballon d’or lundi soir, le premier pour un joueur français depuis Zinédine Zidane en 1998.
  • 20 Minutes consacre une série d’articles à l’attaquant du Real Madrid, qui a porté son équipe vers un doublé Liga-Ligue des champions, avec 45 buts inscrits dont 10 en phase finale de C1 en 2021-2022.
  • Avant sa 4e place en 2021, les jurés qui avaient choisi l’avant-centre des Bleus dans leur Top 5 étaient bien rares, et parfois moqués.

Il en avait rêvé l’an passé avant de finir au pied du podium, un peu déçu, et nous avec. Mais la saison éblouissante de Karim Benzema, meilleur buteur du championnat d’Espagne et de la Ligue des champions, ne laisse pas le choix aux jurés du Ballon d’or. L’attaquant désormais légendaire du Real Madrid va devenir le premier joueur français à recevoir la récompense suprême depuis son ancien entraîneur Zinédine Zidane. Vingt-quatre ans à patienter pour une explosion des sens vertigineuse sur le tard. Longtemps, KB9 a diffusé l’idée d’un talent à mi-temps, avant de s’élever dans une dimension insoupçonnable. « 20 Minutes » lui consacre une série d’articles avant le D-Day. Quatrième et dernier épisode ce lundi : Benzema vu par les jurés qui l’avaient choisi à contre-courant, lorsque le Français ne grattait que quelques points au classement.


S’il fallait donner un titre à la relation entre Karim Benzema et le Ballon d’or, on proposerait Eloge de la patience. Pas très original certes, mais l’avant-centre de 34 ans fête tout de même cette année sa 11e nomination depuis 2008. Même Leonardo Di Caprio n’a pas poireauté aussi longtemps avant de décrocher l’Oscar du meilleur acteur, pour The Revenant en 2016.

La désormais légende madrilène n’a été snobée que trois fois par le jury chapeauté par France Football, en 2010, 2013 et 2016 (l’édition 2020 a été annulée pour cause de Covid-19). Mais avant sa 4e place de l’an dernier, KB9 n’avait jamais fait des étincelles, avec une simple 16e position comme « record », en 2014.

Au milieu des voraces Messi et Cristiano Ronaldo, difficile de poser les coudes à table (il suffit de demander à Francky Ribéry), même si certains jurés ont parfois tenté de l’inviter. Au point d’étonner, comme le Centrafricain Albert Stanislas Koumbobacko, le seul à voter pour lui en 2018, et à la première place qui plus est. Les Bleus venaient pourtant de décrocher en Russie leur deuxième étoile de champions du monde sans Benzema, en pleine traversée du désert (moins de 10 buts inscrits avec le Real).

Embrouilles autour de son seul électeur en 2018

Le journaliste avait ensuite fait part de son incompréhension au micro de Radio Dneke Luka, un média de son pays, en assurant que c’était « le classement de 2014-2015 qui [avait] été reproduit ». France Football avait assuré qu’il n’en était rien et que son correspondant avait bien voté pour le buteur madrilène.

Un an plus tôt, le reporter centrafricain avait classé sans discussion Benzema en 4e position, soit un rang de moins que dans la liste de l’Algérien Yazid Ouahib, qui avait calé le Français derrière ses coéquipiers en club Cristiano Ronaldo (1er) et Isco (2e), mais devant Messi (4e) et Neymar (5e).


Après la victoire en finale de la Ligue des champions contre la Juventus, le 3 juin 2017 à Cardiff.
Après la victoire en finale de la Ligue des champions contre la Juventus, le 3 juin 2017 à Cardiff. - Shutterstock / Sipa

Le génie de Bron avait terminé à une anonyme 25e place d’un classement général dominé par CR7. « J’estimais qu’il avait réalisé une grande saison avec le Real [vainqueur de la C1 et de la Liga, entre autres] et qu’à ce titre il méritait, au moins, d’être sur le podium, explique aujourd’hui le rédacteur en chef du service des sports du quotidien El Watan. Mon choix reposait uniquement sur une analyse objective de sa performance, et il a toujours été dicté par ma conviction. »

De la conviction, il en a fallu énormément à Adel Amrouche pour défendre son vote de 2011. L’entraîneur globe-trotter (11 clubs et sélections) dirigeait à l’époque le Burundi, et les sélectionneurs avaient accès au vote du Ballon d’or à côté des journalistes mais aussi des capitaines d’équipes nationales, selon le partenariat entre France Football et la FIFA en vigueur de 2010 à 2015. « En étant à la fois entraîneur et formateur, ma vision me disait qu’il méritait d’être classé numéro 1 », explique l’Algérien de 54 ans.

« Je savais que des gens allaient tirer sur moi »

Cette année-là, le jeune Benzema n’avait remporté que la Coupe d’Espagne en club, où Gonzalo Higuain lui faisait de l’ombre, mais il s’était imposé comme un pion essentiel des Bleus de Laurent Blanc, après avoir perdu quelques kilos superflus. Il s’était pourtant contenté de la 19e place au Ballon d’or, très loin derrière l’intouchable Messi.

« Je savais que les gens allaient tirer sur moi avec ce choix, reprend Adel Amrouche, sur le point de diriger une sixième sélection africaine après un bref passage au Yémen. J’ai même trouvé des articles jusqu’au Pakistan et certains autres sélectionneurs ont rigolé. Cela m’a un peu touché, mais je n’avais pas honte. Je suis un entraîneur, je sais de quoi je parle. J’ai aussi un master en psychologie du sport, je comprends par quoi les joueurs peuvent passer. » »



Et pour lui, KB9 n’était déjà pas à l’époque un joueur comme les autres. « C’est quelqu’un d’entier, de pur, pas quelqu’un de vicieux, s’enthousiasme le consultant pour la chaîne qatarienne Al-Kass Sports Channel. Un avant-centre est souvent jugé sur ses buts marqués, mais lui a toujours fait un gros travail pour les autres, plus que pour lui-même. Il fait passer le groupe avant l’individu. Alors que généralement les attaquants ont la malice et veulent que ce soit les autres qui œuvrent pour eux. »

Benzema pris comme exemple lors des séances vidéo

Amrouche lance une comparaison avec le dernier lauréat tricolore du Ballon d’or avant ce lundi, également d’origine algérienne : « Karim Benzema ne joue pas pour être connu, il a un peu de Zidane en lui. Et avec Zidane comme coach, il avait d’ailleurs trouvé plus tard un bon équilibre ».


Adel Amrouche sur le banc du Kenya lors d'un déplacement au Nigeria, le 23 mars 2013 à Calabar.
Adel Amrouche sur le banc du Kenya lors d'un déplacement au Nigeria, le 23 mars 2013 à Calabar. - Utomi Ekpei / AFP

L’ancien milieu de terrain, qui a évolué dans son pays puis en Belgique, est tellement fan de KB9 qu’il l’érige en modèle lors de ses séances vidéo. « Une fois, alors que je dirigeais le Kenya [en 2013 et 2014], il y a eu une embrouille entre Dennis Oliech [ex-Nantes, Auxerre et AC Ajaccio] et un coéquipier. Je lui ai dit de regarder comment Benzema faisait des efforts par rapport au groupe, comment il prenait ses décisions, et les bonnes décisions, mais aussi ses déplacements, son abnégation… »

Onze ans après son choix discuté voire moqué, l’entraîneur algérien attend le sacre de l’avant-centre des Bleus avec une émotion qu’il ne cherche pas à dissimuler. « Karim a fait marquer beaucoup de joueurs, maintenant c’est à moi qu’il va donner une passe décisive en or ! J’ai les larmes aux yeux en pensant à ça. C’est ça le foot, et c’est magnifique. »