OL : Quelles conséquences sur le club peuvent avoir les retraits du capital de Pathé et d’IDG ?
FOOTBALL•Détenteurs de 19,36 % et de 19,85 % du capital d’OL Groupe, Pathé et IDG Capital ont annoncé la semaine passée vouloir céder leurs parts. « 20 Minutes » se penche sur les questions que pose cette situation avec un économiste du sportJérémy Laugier
L'essentiel
- Lâché à 9 points du podium en Ligue 1, l’OL (10e) jouera son avenir européen ce jeudi (21 heures) lors du 8e de finale retour de Ligue Europa contre Porto.
- La semaine passée, un autre tournant pour le club lyonnais a eu lieu, cette fois sur le volet économique, avec la volonté de Pathé et d’IDG Capital de céder leurs parts du club.
- Un certain flou entoure donc environ 40 % du capital d’OL Groupe, que Jean-Michel Aulas (73 ans le 22 mars) souhaite continuer à diriger. Economiste du sport, Jean-Pascal Gayant se penche pour 20 Minutes sur cette situation.
Un jour d’exploit européen de l’OL à Porto (0-1) et de déroute du PSG à Madrid (3-1), un communiqué de presse est passé au second plan, le 9 mars, sur la planète football. Et pourtant, l’annonce commune des intentions de retrait des parts de Pathé et d’IDG Capital, détenteurs de 19,36 % et 19,85 % du capital d’OL Groupe, est un événement majeur dans la vie du club lyonnais.
Alors que l’Olympique Lyonnais, largué en Ligue 1 (10e) après son fiasco contre le Stade Rennais (2-4), veut poursuivre son rêve d’une épopée en Ligue Europa, ce jeudi (21 h) en 8e de finale retour contre Porto, 20 Minutes décrypte avec Jean-Pascal Gayant, économiste du sport, les enjeux entourant cette ouverture d’actionnariat.
Le départ de l’historique Pathé, un choc ?
Pour tout supporteur lyonnais ayant savouré les sept sacres consécutifs en Ligue 1 dans les années 2000, voir Pathé quitter l’aventure signifie forcément quelque chose. Quand le groupe audiovisuel français a annoncé en février 1999, via son PDG Jérôme Seydoux, injecter 15,2 millions d’euros (ou plutôt 100 millions de francs), dans le cadre d’une augmentation de capital, le club a changé de dimension.
Et pour cause, l’investissement de Pathé équivaut alors à un Sonny Anderson, acheté 15 M€ au Barça durant l’été 1999 et homme clé des deux premiers titres de l’OL en Ligue 1. Qu’impliquent les envies de départ du groupe vingt-trois ans plus tard ? « Pathé est un partenaire historique de l’OL mais son départ n’est pas nécessairement un bouleversement, estime Jean-Pascal Gayant. Il n’était en effet déjà plus un acteur essentiel du club. »
Pourquoi un bail de seulement six ans pour le groupe chinois IDG ?
Des supporteurs lyonnais connaissent-ils l’existence de Jianguang Li et Hugo Shong ? Ces deux dirigeants chinois sont pourtant détenteurs depuis plus de cinq ans de quasiment 20 % du capital du club, avec 100 millions d’euros injectés via le groupe IDG Capital. En août 2016, Jean-Michel Aulas annonçait « une étape décisive dans la croissance d’OL Groupe », alors « approché par plusieurs autres groupes asiatiques » selon ses dires. « Cette 4e phase de développement, après l’arrivée de Pathé au capital en 1999, l’introduction en Bourse en 2007, puis l’inauguration du stade et des complexes d’entraînement et de formation en 2016 permettra d’accélérer l’ambition internationale d’OL Groupe et sa stratégie de développement », développait alors JMA.
Pourquoi ce partenariat, destiné à « promouvoir la notoriété de l’Olympique Lyonnais et à valoriser son savoir-faire en République populaire de Chine, à Hong Kong, à Macao et à Taïwan » touche-t-il déjà à sa fin ? « Si IDG s’en va, ça signifie peut-être qu’on a un peu surestimé les perspectives du marché chinois, les possibilités de ventes de maillots et de produits dérivés de l’OL en Chine, indique Jean-Pascal Gayant. La pandémie a aussi pu doucher les enthousiasmes. »
Jean-Michel Aulas peut-il être fragilisé par cette situation ?
De prime abord, au gré d’une simple addition, on constate qu’un investisseur intéressé pour racheter à la fois les parts de Pathé et celles d’IDG pointerait à 39,21 % du capital, soit davantage que les 29,75 % de la holding Holnest de Jean-Michel Aulas. Mais le communiqué commun de Pathé et d’IDG, qui ont décidé d’engager la banque d’investissement Raine, précise bien que les deux groupes « privilégieront les parties souhaitant collaborer avec la direction actuelle ». De même, Holnest a selon nos informations un droit de préemption sur les actions IDG. Ce qui signifie que JMA a la priorité pour racheter toutes les actions d’IDG, ou une partie d’entre elles, afin de rester majoritaire.
« Jean-Michel Aulas est un homme d’affaires tout à fait averti, rappelle Jean-Pascal Gayant, professeur en sciences économiques à l’université du Mans. Avec lui, il faut prendre l’habitude de réfléchir avec un ou deux coups d’avance. » « La cession par les actionnaires actuels à un investisseur étranger n’est pas du tout dans nos perspectives à l’instant t. Je m’inscris dans la gouvernance de ce projet-là », martelait il y a un mois le boss lyonnais, qui, à bientôt 73 ans et trente-cinq années à la tête de l’OL, ne se voit pas encore passer la main.
Quelle valeur a aujourd’hui l’OL ?
Comme d’habitude transparent, l’OL chiffrait dans un communiqué, en août 2016, le montant total de l’investissement du groupe IDG à 100 millions d’euros, pour environ 20 % du capital d’OL Groupe. « A cette occasion, on a eu des chiffres crédibles sur la véritable valeur d’un club comme l’OL, qui serait donc de l’ordre de 500 millions d’euros, explique Jean-Pascal Gayant. Ça avait alors du sens car il y a un centre de formation réputé, et l’OL est surtout propriétaire de son stade valorisé à 400 M€. C’est la grosse différence entre l’OL et les autres clubs français, dont les actifs sont quasi uniquement immatériels et fragiles, à savoir ses joueurs sous contrat. »
Reste qu’on se dirige vers une troisième saison de rang sans qualification en Ligue des champions, et donc sans le jackpot global d’environ 60 millions d’euros, entre la prime fixe de participation, celle relative à l’historique UEFA et la part des droits télévisés. « C’est le côté préoccupant, confirme l’économiste du sport. Cela implique que la notoriété planétaire de l’OL n’a pas progressé sur ces dernières années. Mais pour autant, je ne pense pas que le club a fondamentalement perdu cette valeur de 500 millions d’euros. »
N’est-ce pas un frein de refuser un investisseur majoritaire ?
Avant même le communiqué de Pathé et d’IDG, OL Groupe annonçait en février vouloir « faire rentrer un certain nombre de partenaires complémentaires pour renforcer des fonds propres ». Au vu du panorama de la Ligue 1, où les investisseurs étrangers présents sont tous majoritaires, n’est-ce pas un frein de ne chercher que des acteurs minoritaires, comme cela a pu être fait avec IDG en 2016 ? Jean-Pascal Gayant ne le pense pas.
« « Non, ce n’est pas forcément un objectif central pour des fonds de prendre le contrôle du club. Ils sont là avec une perspective de gagner de l’argent sur un horizon de cinq à quinze ans. Ils ne sont pas là pour le prestige et le "soft power" comme ça peut être le cas pour le Qatar au PSG et l’Arabie saoudite à Newcastle. En ce moment, les fonds américains sont très attirés par l’investissement dans le football professionnel européen pour diversifier leur portefeuille. Ils ont énormément de liquidités et leur intérêt grandissant est selon moi lié à l’idée de voir émerger tôt ou tard une Super Ligue. » »
Dans ce contexte en transition, de nouveaux acteurs pourraient donc vite manifester leur intérêt auprès de Lyon. « Voir qu’un club comme l’OL a son propre stade et un projet à long terme, c’est un signal de qualité, renchérit l’économiste. C’est plus rassurant que bien d’autres clubs français, et c’est aussi le cas car c’est le seul club présentant en toute transparence sa comptabilité, à l’anglo-saxonne. »
Quels scénarios possibles dans les prochaines semaines ?
D’après Jean-Pascal Gayant, deux hypothèses se dégagent concernant l’actuelle ouverture de l’actionnariat. « Ça peut être une vente avec un vrai appel d’offres à la planète entière, dans lequel on fait monter les enchères », explique-t-il, tout en privilégiant une autre configuration.
Notre dossier sur Jean-Michel Aulas
« Un important investisseur étranger s’est peut-être montré intéressé et les discussions sont déjà bien engagées entre toutes les parties. A ce moment-là, une offre pourrait être rapidement acceptée par Pathé et IDG. J’opte pour cette option-là car ça m’interpelle qu’ils souhaitent quitter OL Groupe en même temps. » Pour l’économiste, pareil scénario « d’argent frais » offrirait au club « une bouffée d’oxygène afin de constituer une équipe encore plus compétitive pour la saison prochaine ». Une épopée inattendue sur le terrain en Ligue Europa pourrait avoir un effet tout aussi bénéfique.