Coupe de France : Qui est Erwan Lannuzel, le Nagelsmann de Bergerac?
FOOTBALL•Le jeune entraîneur de 33 ans vise ce dimanche un nouvel exploit face à Saint-Etienne en 8e de finaleClément Carpentier
L'essentiel
- Bergerac, club de National 2, affronte ce dimanche 18h30 l’ASSE en 8e de finale de la Coupe de France.
- A la tête de l’équipe périgourdine, un jeune entraîneur, Erwan Lannuzel. A seulement 33 ans, il a déjà joué trois 32es de finale et obtient des résultats partout où il passe.
- Le Basque espère à moyen terme prendre la tête d’une équipe professionnelle.
Pour l’instant, il lit des biographies mais un jour, ce sera peut-être à lui d’écrire la sienne. Pour raconter comment dès l’âge de 22 ans, il a commencé à entraîneur des adultes, comment aujourd’hui à 33 ans, il coache déjà en National 2 avec à son palmarès trois 32es de finale de Coupe de France avec des équipes amateurs ou encore comment, sait-on jamais, à 35 ans il est devenu l’entraîneur d’une équipe professionnelle. Car selon Damien Fachan, le capitaine du Bergerac Périgord Football Club, « celui qui ne voit pas Erwan [Lannuzel] aller plus haut, il est aveugle ! »
Alors bien sûr, l’homme à la tête de l’un des deux Petits Poucets de ces 8es de finale ne battra jamais le record de précocité du coach allemand Julian Nagelsmann mais son parcours interpelle forcément un peu. Et ses nouveaux coups d’éclat contre Créteil (N) et surtout Metz (L1) lors de cette édition 2022 braquent naturellement les projecteurs sur lui. Ce dimanche (18h30), il visera un troisième exploit avec ses joueurs face au Saint-Etienne de Pascal Dupraz. Un autre coach au parcours atypique.
Coach en N3 à 25 ans
Celui d’Erwan Lannuzel a débuté sur la côte basque. A la Jeanne d’Arc de Biarritz, son club de toujours. Là-bas, il y fut joueur mais surtout entraîneur dès l’âge de 16-17 ans. « Cela se sentait dès le départ. Pour la petite histoire, il était gardien de but, il voyait donc tout le jeu et il nous donnait déjà beaucoup de consignes », sourit son ami d’enfance Mario Aguirre. Entraîner, l’actuel du patron du BPFC a tout de suite « adoré », même avec ses premières équipes de poussins et benjamins où il « essayait déjà de faire de bonnes séances, de proposer des choses différentes et d’avoir un style. »
Mais les choses sérieuses arrivent à la vingtaine. Le Basque est nommé entraîneur de la réserve puis de l’équipe première deux ans plus tard. « C’était assez particulier car j’entraînais mes potes et souvent des joueurs plus vieux que moi. » « C’est peut-être un jeune entraîneur mais moi, j’ai surtout été choqué par sa maturité, souligne Damien Fachan. Je ne vois pas de différences avec les entraîneurs que j’ai connu à des niveaux supérieurs. Par exemple, il fait attention à tous les petits détails comme les plus grands. Au final, sa jeunesse est un avantage car il a pris de l’avance. » En effet, ils ne sont pas 50 à avoir dirigé une équipe de N3 à 25 ans.
Il n’a « rien à envier à des entraîneurs de haut niveau »
Cette ascension fulgurant, Erwan Lannuzel la doit avant tout à « son amour du football », selon son pote Mario Aguirre. « C’est un vrai passionné. Il regarde beaucoup de matchs bien sûr mais il est aussi en permanence au bord d’un terrain le week-end, il ne lâche jamais son téléphone. Demandez à sa copine ! (rires) » Et malgré son jeune âge, il n’a aujourd’hui « rien à envier à des entraîneurs de haut niveau », avance Denis Stinat, son adjoint depuis maintenant trois ans. Sa méthode de travail, qui a fait ses preuves à Bayonne, Poitiers et désormais Bergerac (leader de N2 grâce à une série en cours de 17 matchs sans défaite), s’appuie sur trois piliers. L’honnêteté, la modernité et l’humilité.
« C’est un entraîneur très humain, décrypte son bras droit. Il est proche de ses joueurs avec un cadre très bien dessiné où chacun connaît son rôle. Ensuite, ses consignes pour les entraînements, c’est qu’une séance ne doit jamais ressembler à une autre. Il veut que les joueurs soient toujours surpris, toujours en éveil. Et puis pour finir, il ne considère pas qu’il a la science infuse comme d’autres, du coup, il se nourrit de tout et surtout des autres. » Par exemple, il a récemment passé des journées avec Yannick Bru et Christophe Urios, managers respectifs de l’Aviron Bayonnais et de l’UBB, pour s’inspirer de leur management.
Un monde pro encore très fermé aux « amateurs »
Reste maintenant à franchir la prochaine étape, peut-être la plus dur, celle de prendre la tête d’une équipe professionnelle. Sportivement, il pourrait s’en rapprocher dès la saison prochaine en cas de montée avec Bergerac. Pour ça, il compte aussi rapidement passer son BEPF (Brevet d’Entraîneur Professionnel de Football). Mais il reste une difficulté majeure comme pour beaucoup d’entraîneurs issus du monde amateur. « Ce sont toujours les mêmes coachs qui tournent, note Denis Stinat. Les dirigeants de club sont frileux, ils ont peur de prendre des jeunes entraîneurs. C’est un monde très fermé mais il y arrivera, il ira plus haut. Il n’est pas pressé, il faut y aller étape par étape. Mais c’est sûr qu’il n’est pas le genre de coach à faire le lèche-botte pour avoir un poste. »
« L’objectif bien sûr c’est d’y arriver, il faut avoir de l’ambition mais tout en étant plein d’humilité. Sinon, ça peut très vite mal se passer. Je sais de quoi je parle puisque je ne pensais pas que ça irait si vite pour moi », insiste Erwan Lannuzel. S’il n’a jamais été sollicité par un club de National ou de Ligue 2, on est prêt à mettre une pièce que ça pourrait tout de même rapidement arriver en cas de nouvel exploit ce dimanche face à Saint-Etienne.