Quels scénarios possibles après le retrait de King Street aux Girondins ?

Girondins de Bordeaux : Que signifie le retrait de King Street et quels scénarios possibles ?

FOOTBALLLe fonds d’investissement américain propriétaire du club a annoncé jeudi qu’il souhaitait se désengager
Clément Carpentier

Clément Carpentier

L'essentiel

  • King Street, le fonds d’investissement propriétaire des Girondins « ne souhaite plus soutenir le club et financer ses besoins actuels et futurs. » Par conséquent, les Marine et Blanc ont été placés sous la protection du tribunal de commerce de Bordeaux.
  • C’est maintenant un mandataire ad hoc qui va s’occuper du processus de vente du club. Un club aujourd’hui très fortement endetté.
  • Certains candidats à la reprise s’étaient positionnés depuis plusieurs mois. Leur attitude sera scrutée dans les prochains jours.

C’est un coup de bambou de plus ! Peut-être celui de trop. Les prochaines semaines le diront. Jeudi, King Street, le fonds d’investissement américain propriétaire des Girondins de Bordeaux, a annoncé « qu’il ne souhaitait plus soutenir le club et financer ses besoins actuels et futurs. » Une demi-surprise pour ceux qui suivent l’actualité des Marine et Blanc. Comme l’évoquait 20 Minutes dès le 2 décembre dernier, les actionnaires cherchaient depuis déjà plusieurs mois un repreneur en raison de la situation financière du club.

Mais aujourd’hui, c’est surtout la forme qui laisse un peu de marbre tous les amoureux du FCGB. En effet, selon le communiqué du club « ces circonstances ont conduit le Président [Frédéric Longuépée] à le protéger en le plaçant sous la protection du Tribunal de Commerce de Bordeaux. Un mandataire ad hoc a été nommé, il sera chargé d’assister le FC Girondins de Bordeaux dans sa recherche d’une solution durable ». Depuis cette annonce, les réactions se sont multipliées dans le microcosme bordelais et bien au-delà. Il y a beaucoup de colère, de tristesse mais aussi une forme de soulagement pour certains avec la fin d’un calvaire et peut-être le début du renouveau.

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Le club devrait pouvoir finir la saison, les joueurs gardent le cap

La direction a également souhaité communiquer auprès de ses salariés. Elle assure que « pendant la durée de cette procédure destinée à mettre en forme un plan de reprise, la vie du club se poursuivra et les salaires seront versés. » Dans ce mail interne, Frédéric Longuépée ajoute être « bien conscient des inquiétudes que cette situation va inévitablement créer » et promet que « l’équipe de direction est entièrement mobilisée à ses côtés pour sortir le club de ses difficultés et assurer son avenir ». Dans la soirée, Marc Mickeler, l’actuel président de la DNCG (direction nationale du contrôle de gestion) a précisé que « King Street avait émis une lettre de confort au profit des Girondins de Bordeaux, qui garantit les échéances de trésorerie permettant de finir la saison. »

Et les joueurs dans tout ça ? Ils ont appris la nouvelle de la bouche de leur directeur sportif Alain Roche en arrivant à Ploemeur en Bretagne en fin d’après-midi où ils seront en stage jusqu’au match de dimanche contre Lorient. Hébétés, ils n’ont absolument pas compris le timing de cette annonce alors qu’ils s’apprêtent à disputer une rencontre capitale dans la course au maintien (Bordeaux, 16e de Ligue 1, compte cinq points d’avance sur la zone rouge à cinq journées de la fin du championnat). Malgré ce contexte cataclysmique autour du club, les joueurs ont décidé lors d’une réunion de se battre jusqu’au bout et de tout faire pour maintenir les Girondins en Ligue 1 selon RMC Sport. Il sera ensuite temps de se projeter sur l’avenir même s’il va être très difficile de faire abstraction de la situation du club dans les prochaines semaines.

Un processus de vente en plusieurs étapes

Justement, quel avenir pour les Girondins, à court et moyen terme ? Pour le moment, Frédéric Longuépée garde la gestion du club malgré la nomination d’un mandataire ad hoc de la part du tribunal de commerce. Ce dernier est là pour défendre les intérêts des salariés et des créanciers, notamment le plus important Fortress, un autre fonds d’investissement américain qui a prêté 40 millions d’euros à King Street en 2018. Un prêt dit « mezzanine » que le propriétaire des Marine et Blanc devait rembourser d’ici octobre 2022. Dans un premier temps, des négociations devraient vite avoir lieu sur celui-ci et d’ailleurs, Fortress peut à ce stade décider de tout simplement reprendre les Girondins. Mais selon nos informations, ce n’est pas leur ambition. « Ils n’ont aucun intérêt à faire ça car ils devront alors récupérer la dette du club en plus des 40 millions d’euros qu’ils ont déjà prêté. Ils ne retrouveront donc jamais leur argent. A Lille, Elliott avait intérêt à le faire car il y a des actifs (joueurs). Là, il y a zéro ! », explique un proche du dossier.

C’est donc seulement dans un second temps que le processus de vente pourra être enclenché. « King Street a fait l’annonce avec ce timing pour laisser le temps à des acheteurs sérieux de reprendre le bébé », précise l’un d’eux. Le mandataire ad hoc dont la mission est généralement de trois mois (renouvelable) aura ensuite la tâche de trouver la meilleure offre. Mais les repreneurs ont tout intérêt à jouer la montre pour récupérer le club le moins cher possible, en le laissant par exemple être placé en redressement judiciaire pour obtenir un étalement des dettes ou une suspension du remboursement, ou carrément en attendant une liquidation pour ne payer aucune dette. Dans ce dernier cas, le mandataire va vendre au mieux-disant et s’il n’y a encore personne, le club peut être vendu pour un euro symbolique comme Strasbourg en 2011.

Aujourd’hui, c’est donc une vraie partie de poker menteur qui débute avec les potentiels repreneurs. Selon les informations de 20 Minutes, le déficit du club s’élèverait aujourd’hui à plus de 100 millions d’euros (le prêt de 40 millions d’euros de Fortress compris). Pour rappel, la FFF (Fédération française de football) a décidé en décembre dernier que « pour la saison 2020-2021, tout club qui ferait l’objet d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire ouverte avant la reprise des championnats 2021-2022 ne sera pas automatiquement rétrogradé dans la division inférieure s’il bénéficie d’un plan de sauvegarde, d’un plan de redressement ou d’un plan de cession homologués par le tribunal compétent avant cette même échéance. » Le pire scénario étant bien sûr que King Street dépose le bilan au cours du processus.

Déjà des candidats au rachat ?

Pour l’éviter, tous les supporteurs des Girondins de Bordeaux espèrent voir apparaître des repreneurs. Bonne nouvelle dans ce marasme, certains, plus ou moins crédibles, se sont déjà fait connaître par le passé. C’est le cas de Bruno Fievet, un chef d’entreprise et amoureux des Marine et Blanc. Il affirme même avoir fait à l’automne dernier une offre officielle de 70 millions d’euros à King Street. Mais le fonds d’investissement américain a toujours refusé de le considérer malgré une forte campagne médiatique. Il y a quelques jours, il avait annoncé l’abandon de son projet de reprise… Mais en apprenant la nouvelle jeudi, il a décidé de le reprendre. Il sera candidat à la reprise du club « sous certaines conditions ».

Bruno Fievet (à droite), l'un des candidats au rachat des Girondins.
Bruno Fievet (à droite), l'un des candidats au rachat des Girondins.  - ROMAIN PERROCHEAU / AFP

Au cours des derniers mois, King Street avait retenu un dossier plus intéressant selon ses dirigeants. Un autre projet là aussi « bordelais ». Celui de Pascal Rigo. Cet homme d’affaires, supporteur des Girondins, ancien ambassadeur du club comme Bruno Fievet et qui a notamment fait fortune en développant une chaîne de boulangerie en Californie, avait monté un dossier avec le soutien d’un milliardaire américain. Il avait échangé à plusieurs reprises avec les dirigeants américains dont deux fois avec le PDG du fonds d’investissement, Brian Higgins, mais il était depuis quelques mois sans nouvelle. Cette décision de King Street peut-elle relancer son projet ? Pour l’instant, l’heure est à la réflexion car l’annonce a été « brutale et soudaine » comme le souligne un bon connaisseur du dossier. La même question se pose pour Peak6. Cette société américaine avait en effet entamé des discussions l’été dernier avec King Street pour une possible reprise mais sans que cela n’aboutisse.

D’autres potentiels candidats pourraient rapidement se déclarer. Des candidatures peut-être plus discrètes. C’est notamment le cas d’un projet mené par des investisseurs américains à la large surface financière et déjà implanté dans le sport en Europe selon les informations de 20 Minutes. Celui-ci est porté par un dirigeant du football français de ce côté de l’Atlantique. Les négociations duraient depuis plusieurs mois avec King Street avec de multiples rendez-vous. Au mois de mars, les avocats des deux parties ont par exemple longuement échangé aux Etats-Unis, un accord était proche pour rentrer enfin en discussions exclusives mais finalement, tout a été mis en stand-by par les propriétaires des Girondins. Du jour au lendemain, sans trop de raisons. L’annonce de ce jeudi est sûrement une explication à cette décision soudaine. Jeudi soir, ces investisseurs affirmaient simplement « étudier la situation ». L’Equipe évoque aussi un projet de reprise possible porté par Gérard Lopez, l’ancien président du LOSC. Il s’était déjà positionné avant le rachat du club par les Américains en 2018 mais à l’heure actuelle, il serait plutôt sur le point de reprendre un club Outre-Manche.