FOOTBALLPourquoi les Girondins ne jouent plus dans la cour des grands

Bordeaux-Nîmes : Pourquoi Benoît Costil a raison de dire que les Girondins ne jouent plus dans la cour des grands ?

FOOTBALLDepuis dix ans, le club bordelais vit un déclassement sportif, économique et médiatique sans fin
Clément Carpentier

Clément Carpentier

L'essentiel

  • Les Girondins reçoivent Nîmes dimanche (15 heures). Une équipe de « notre championnat », souligne Benoît Costil.
  • Aujourd’hui, Bordeaux ne joue plus dans la cour des grands. Depuis une décennie, le club vit un déclassement sans fin en Ligue 1.
  • En difficulté sur le plan économique, les Bordelais ne peuvent plus lutter pour le haut du tableau et deviennent tranquillement une équipe du ventre mou du championnat.

Il l’a dit. Enfin. Samedi dernier, Benoit Costil a enfin dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas depuis un petit bout de temps après la défaite des Girondins de Bordeaux au Vélodrome face à l’OM (3-1). En même temps, ça ne pouvait venir que de lui, un joueur lucide, sans langue de bois et qui assume toujours ses responsabilités. Sa sortie médiatique est courte mais dit beaucoup : « On va se remettre au travail, relever la tête et travailler dans notre championnat à nous… contre Nîmes. » Tout ça en ayant l’air complètement dépité au micro de Laurent Paganelli.

Quelques minutes plus tard, Jean-Louis Gasset n’était, lui, même pas déçu, mais juste réaliste : « Le match de Nîmes [ce dimanche, 15 heures, au Matmut Atlantique] sera comme le match face à Dijon [victoire, 3-0]. C’est un match important. Toutes les équipes, à part les six ou sept qui sont en haut, sont dans notre championnat. » C’est la dure réalité du moment pour les supporteurs bordelais. Leur équipe ne fait plus partie de ces équipes qui luttent pour le haut de tableau. Ce déclassement, ils le vivent depuis 2009 et le dernier des six titres de champion de France du club. Sans savoir où ça va s’arrêter. Alors comment expliquer cette interminable dégringolade ?

Du 3e au 10e budget de la Ligue 1

Comme souvent dans le football et bien d’autres secteurs, tout vient du nerf de la guerre : l’argent. Au sortir de la saison 2009/2010 et de son quart de finale de Ligue des champions face à Lyon, le club affiche le 3e plus gros budget de la Ligue 1 (81 millions) derrière l’OL et l’OM. Loin à l’époque devant Monaco, Lille, Nice, Rennes, Saint-Etienne ou encore Nantes. La liste est importante car dix ans plus tard, tous ces clubs ont désormais un plus gros budget que Bordeaux, en ayant souvent doublé voire triplé le leur. Aujourd’hui, les Girondins sont un des très rares clubs à refuser de communiquer sur leur budget mais il n’est que le 10e ou 11e du championnat, autour de 70 millions d’euros, comme Reims.

Si le rachat récent de certains clubs peut expliquer ce déclassement (pour rappel Bordeaux a aussi été racheté en 2018), il y a d’autres raisons. Que s’est-il passé au château du Haillan en une décennie ? Rien ou plutôt « n’importe quoi » comme l’avance un ancien dirigeant bordelais : « Pour moi, il y a deux virages totalement manqués. Celui après le titre de champion où le club a offert des énormes contrats à certains joueurs qui ont plombé les comptes pendant un bout de temps et celui du changement de stade en 2015 qui a été mal préparé et même complètement raté. Pendant toute cette période, les coûts n’ont pas été réduits [126 millions d’euros de charges en 2018/2019] alors que les recettes étaient en chute libre [71 millions d’euros en 2018/2019 hors transfert]. » Un exemple, en 2010, le merchandising rapportait 8 millions d’euros au club, aujourd’hui c’est moins de 2 millions.

Le club vit donc depuis des années avec un déficit structurel conséquent de 30 millions d’euros. Un ancien salarié du club pointe aussi la structure même des Girondins pour expliquer cette situation : « On était 250 salariés il y a peu. 250 ! Ils ont même embauché 30 personnes récemment [pour la plupart des commerciaux]. C’est plus que l’OL ou l’OM alors qu’on a un budget deux ou trois fois moins important. En comparaison, des clubs comme Reims, Saint-Etienne ou Angers, avec qui on lutte, ont une soixantaine de salariés. C’est impossible de tenir. » Il conclut :

« C’est simple, les Girondins ont une structure de club de Ligue des champions alors qu’ils jouent la 10e place de la Ligue 1 ! » »

Dans ce marasme, King Street a renfloué les caisses comme M6 à son époque de 27,8 millions d’euros cet été selon Sud Ouest mais en échange le fond d’investissement américain propriétaire des Marine et Blanc a demandé à Frédéric Longuépée d’appliquer un plan d’austérité pour réduire un maximum les coûts. Le PDG des Girondins a même nommé ces derniers jours un nouveau directeur financier spécialisé en restructuration financière.

D’un titre de champion au ventre mou du championnat

Dans ce contexte, le sportif ne peut en sortir indemne puisqu’il est lié à la santé économique du club. Et vice versa. Là aussi, ça n’a plus rien à voir. A part une Coupe de France remportée en 2013 et quelques qualifications européennes obtenues à l’arraché, le bilan est très maigre. Bordeaux vient de finir consécutivement 14e et 12e de la Ligue 1. Au niveau de l’effectif, les Girondins ne peuvent plus résister à aucun club quand un joueur se met à briller (Koundé). Parfois, ils les poussent même à partir (Youssouf). Dans l’autre sens, le club a surtout enchaîné les flops (Contento, Arrambarri, Kiese Thelin, Gajic, Cafu, etc.). Rares sont les recrues à avoir brillé sous le maillot au scapulaire à part Malcom et Costil ces dernières années. Pour rappel avant la signature d’Hatem Ben Arfa début octobre, les Marine et Blanc étaient l’un des trois seuls clubs en Europe et le seul en Ligue 1 à ne pas avoir recruté lors de ce mercato estival faute de moyens.

Le Coupe de France 2013 est le dernier trophée remporté par les Girondins.
Le Coupe de France 2013 est le dernier trophée remporté par les Girondins.  - THOMAS SAMSON / AFP

Sur le terrain, les résultats face aux cadors ou outsiders de la Ligue 1 font peur. Depuis cinq ans et sans même parler du PSG, les Girondins ont battu seulement trois fois l’OL, une fois l’OM et jamais Nice lors des 11 derniers affrontements en championnat. Une fois Rennes lors de cette même période. Finalement, seuls Monaco, Lille et Saint-Etienne réussissent encore un peu à Bordeaux. Il est loin le temps où les adversaires tremblaient dans le couloir de Chaban-Delmas avant même de rentrer sur la pelouse en voyant les Giresse, Laslandes, Wiltord, Gourcuff et autres Chamakh. Et justement, c’est l’un des problèmes pour Sidney Govou qui a vécu les dernières belles années bordelaises en tant qu’adversaire et continue de suivre le club de près :

« « Bordeaux souffre du même mal que beaucoup de clubs français, celui de vivre constamment dans le passé ! Vingt ans qu’il vit dans le passé. Ça reste un grand nom du football français mais pour pérenniser un club, il ne faut pas vivre sur le passé, mais construire son avenir. Même si c’est extrêmement dur à entendre, s’ils en sont là aujourd’hui c’est qu’ils le méritent. » »

Celui qui a porté dans sa carrière le numéro 14 en référence à Jean Tigana et failli signer à Bordeaux sous Ricardo au milieu des années 2000 avoue que « gamin il rêvait de jouer aux Girondins comme beaucoup d’enfants, aujourd’hui ce n’est plus du tout le cas pour un jeune joueur. Il est là le problème. Au-delà de facteur économique, l’attractivité sportive du club est très faible. » Pour lui, « il faudrait être capable de répartir de zéro et recommencer même si c’est dur à accepter. Mais on ne sait même pas ce que les propriétaires de ce club veulent faire. Aujourd’hui, finir 7e de la Ligue 1, c’est une bonne saison et ça fait mal à dire car j’ai de l’affect pour ce club. » Mais personne ne lui en voudra puisque si Frédéric Longuépée rappelle régulièrement que le club doit jouer régulièrement la Coupe d'Europe, son propre directeur sportif Alain Roche parle juste d’être dans le top 10 cette saison. Et on parle bien des Girondins.

Une image de club sain et familial écornée dans un certain anonymat

Mais le déclassement n’est pas qu’économique et sportif aux Girondins, il est également médiatique. Le club est tombé dans un certain anonymat depuis quelques années. Les télévisions ne se pressent plus au Haillan ou pas pour les bonnes raisons. L’affiche du dimanche soir, Bordeaux n’y a plus le droit à part de temps en temps face à l’OM voire le PSG.


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Le correspondant d’un grand média national sportif avoue « faire de moins en moins de contenus sur le club, l’attractivité n’est plus du tout la même. Sur le terrain avec les résultats mais aussi parce qu’il n’y a plus de joueurs bankables. Ben Arfa, c’est l’exception qui confirme la règle. Et puis, il y a aussi la communication du club, il est complètement refermé sur lui. C’est un bunker. » Au point qu’aujourd’hui les Girondins ne sont même plus maîtres sur leur territoire avec l’éclosion de l’Union Bordeaux-Bèlges.

Hatem Ben Arfa, le nouvel attaquant des Girondins de Bordeaux.
Hatem Ben Arfa, le nouvel attaquant des Girondins de Bordeaux.  - Mehdi Fedouach / AFP

Joe DaGrosa, le président du fonds d’investissement GACP associé dans un premier de King Street, a tenté de changer cela à coups de grandes déclarations et d’une campagne de communication très bien orchestrée. Mais tout ça a fini par se retourner contre lui. « Le pire c’est que depuis 5-6 ans quand on parle du club, c’est pour le défoncer ou carrément s’en moquer. L’image est catastrophique », ajoute notre confrère. Les derniers mois en sont le meilleur exemple avec des affaires extra-sportives à répétition (actionnaires, dirigeants, supporteurs, etc.). Le terrain était presque devenu secondaire et quand il revient sur le devant de la scène, c’est pour signaler comme la semaine dernière la faiblesse de la prestation des Bordelais face à l’OM.

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On est donc très loin du club que Joe DaGrosa voulait « ramener en trois ans en Ligue des champions ». Ces grandes déclarations sont désormais moquées et font rire jaune un dirigeant de M6 : « On nous critiquait à l’époque car on s’était retrouvé au fil des années dans le deuxième cercle de la Ligue 1, mais deux ans plus tard, les Girondins sont maintenant dans le troisième cercle et peut-être dans quelque temps le quatrième, celui des équipes qui luttent pour le maintien. »