Dortmund-PSG : « Je n’ai pas de regrets »... La faillite du 3-4-3 est-elle surtout celle de Thomas Tuchel ?
FOOTBALL•Le coach du PSG a tenté un pari en choisissant une organisation tactique différente du 4-4-2 des derniers moisAymeric Le Gall, au Signal Iduna Park
L'essentiel
- Le PSG n’a quasiment pas existé face au Borussia Dortmund en 8e de finale aller de Ligue des champions mardi soir.
- Alignée en 3-4-3 par son entraîneur au coup d’envoi, l’équipe a semblé totalement perdue sur le terrain.
- Le pari tactique de Thomas Tuchel pose plus de questions qu’il ne donne de réponse. Analyse.
Il n’aura probablement que faire de cela, il n’empêche, le poids de l’histoire récente du PSG risque fort d’être un poil à gratter supplémentaire pour Thomas Tuchel dans les prochains jours. Comme Laurent Blanc avant lui, un soir d’avril 2016 face à City, le coach du PSG a sorti de son chapeau une composition d’équipe que personne n’avait vu venir pour affronter le Borussia Dortmund en 8e de finale aller de Ligue des champions mardi soir. Un 3-5-2 pour Laurent la touillette, un 3-4-3 pour Thomas
A l’arrivée, la même issue (défaite 1-0 en 2016, défaite 2-1 mardi). Même si le cas des deux hommes n’est pas entièrement comparable puisque Lolo White s’était fait sortir à l’issue de son coup de poker quand Tuchel, lui, aura encore le droit de relancer à tapis dans trois semaines au Parc des Princes.
Une décision sans explication
Pour autant, ce coup tactique tenté par celui qu’on disait maître en la matière à son arrivée au PSG a surpris tout le monde, mardi, au Signal Iduna Park. D’ailleurs, le problème avec les coups tactiques, c’est que la frontière est minuscule entre le coup de génie et le coup de lose. Interrogé en conférence de presse d’après-match sur les raisons qui l’ont poussé à passer subitement en 3-4-3, le technicien allemand n’a pas souhaité nous faire entrer dans sa tête.
« Je ne peux pas expliquer, ça serait trop long », a-t-il expédié. C’est bête, on n’avait pourtant tout notre temps. Puisqu’il n’a pas souhaité se justifier devant son auditoire (et qu’il faut tout faire tout seul), tentons le coup par nous-même. A ce niveau, deux explications possibles.
La première, c’est que l’entraîneur parisien a craint que ses défenseurs centraux ne soient pas à la hauteur du défi imposé par les joueurs du Borussia s’ils ne jouaient qu’à deux en charnière centrale (dans l’axe), ce qui pourrait parfaitement se comprendre quand on sait que ni Thiago Silva, ni Marquinhos, ni Kimpembe n’ont été épargnés par les pépins ces dernières semaines.
Thiago Silva n’avait joué que deux matchs (Dijon et Amiens) depuis son retour de blessure, Marquinhos un et demi (une mi-temps à Dijon, Amiens) et Kimpembe n’avait carrément plus joué depuis la victoire contre Lyon le 9 février dernier. La seconde, c’est que Thomas Tuchel a souhaité renforcer son arrière-garde tout en plaçant sur les ailes Meunier et Kurzawa, afin à la fois de maîtriser Erling Haaland en pointe et de bloquer les flèches allemandes que sont Jadon Sancho et Torgan Hazard.
Pourquoi tout changer quand tout marche bien ?
Sur le papier, ça se tient. Etait-ce si compliqué à expliquer ? Mais passons. Cette décision tactique, travaillée depuis dimanche selon l’aveu de Thomas Tuchel, laisse tout de même songeur. L’ancien coach du Borussia Dortmund semblait pourtant avoir trouvé un système en 4-4-2 qui, s’il ne faisait pas non plus pas de Paris une machine de guerre, avait tout de même porté ses fruits ces derniers mois. Cela aurait au moins eu le mérite de permettre aux joueurs d’avoir de véritables automatismes.
Franchement, mardi soir, on a bien senti que les joueurs étaient parfois un peu paumés sur le terrain, laissant tout le loisir aux joueurs de Lucien Favre de faire ce qu’ils font le mieux : partir à toute berzingue en contre-attaque, ce qui fut le cas sur le second but d’Erling Haaland. Au-delà de ça, imposer son style de jeu à l’adversaire et non s’adapter au sien, c’est aussi lui envoyer un signal fort. Celui de dire « on est confiant de nos forces, on n’a pas peur de vous. » Or, et là c’est l’Allemand lui-même qu’il l’a admis après le match, ses joueurs ont « manqué de confiance et joué avec trop de peur, ce n’est pas bien. »
Zéro coaching en cours de match
Dernière chose qui nous a fait tiquer depuis les tribunes : le coaching en cours de match. Après tout, ça arrive à tout le monde de se planter, le principal étant de savoir rebondir. On en revient encore une fois au fameux génie tactique de l’entraîneur parisien, à sa capacité à changer plusieurs fois de système dans un même match, dont on nous a rabâché les oreilles à son arrivée en France à l’été 2017. Pourtant, mardi soir, c’est tout le contraire qu’on a vu. Thomas Tuchel n’a jamais esquissé la moindre tentative de changement quand son équipe prenait la marée dans tous les sens.
On n’a pas fait coach Sup-coach Spé, certes, mais il n’y avait pas besoin d’être un disciple d’Arrigo Sacchi ou de Pep Guardiola pour se rendre compte au bout d’une heure qu’Idrissa Gueye était à côté de ses pompes. En première période, déjà, le Sénégalais s’était rendu coupable de deux pertes de balles immondes au milieu de terrain qui auraient pu permettre à Haaland (sur un tir d’abord, sur une tête ensuite) d’ouvrir le score. A l’arrivée, Thomas Tuchel n’a jamais modifié son système, pas plus que ses joueurs puisqu’il n’a effectué qu’un seul changement, Pablo Sarabia remplaçant Angel Di Maria à un quart d’heure du terme.
Passé au travers une bonne partie de la rencontre lui aussi, Thiago Silva n’a évidemment pas voulu allumer son entraîneur en zone mixte, expliquant que ce 3-4-3 surprise n’était « pas une excuse ». « Après un match, si le résultat n’est pas parfait, c’est facile de dire que c’est de notre faute, qu’on s’est trompés, a conclu le coach parisien. Je dois prendre les décisions, je prends mes responsabilités, je n’ai pas de regrets. Personne ne sait ce que ça aurait donné si on avait joué en 4-4-2. » Sur ce point on est d’accord, comme quoi tout arrive.