INTERVIEW« Quand tu parles avec Zidane, le niveau est très élevé »

Real Madrid : « Quand tu parles avec Zidane, le niveau est très élevé », observe Frédéric Hermel

INTERVIEWFred Hermel, correspondant de « L’Equipe » et RMC à Madrid depuis l’arrivée du Français en Espagne en 2001, raconte ses 18 ans auprès de l’idole de la nation dans son livre « Zidane »
Nicolas Camus

Nicolas Camus

L'essentiel

  • Le Real Madrid de Zidane accueille le PSG en phase de poule de Ligue des champions, mardi.
  • A cette occasion, 20 Minutes a rencontré le journaliste Frédéric Hermel, qui publie un livre sur ses 18 années passées auprès du Français à Madrid.

Eté 2001… Frédéric Hermel est un journaliste installé en Espagne depuis près de dix ans. Il couvre les attentats de l’Eta, les enfants cachés de Julio Iglesias et toutes sortes de sujets d’actualité générale pour divers médias français. C’est alors que Zinédine Zidane signe au Real Madrid. L’Equipe et RMC l’appellent pour suivre l’idole de la nation au quotidien.

« Ma carrière bifurque totalement. Je deviens mono sujet. Zidane, Zidane, Zidane… », retrace-t-il. 18 ans plus tard, il publie un livre, sobrement intitulé Zidane (éditions Flammarion), consacré à celui qui n’a cessé de rythmer sa vie depuis. Rencontré à Paris, Fred Hermel revient pour 20 Minutes sur les débuts de la star en Espagne, ses relations compliquées avec les médias et sa place à lui, journaliste français au plus près des débats dans tout ça.

Les tout premiers mois de Zidane en Espagne ont été compliqués. Pourquoi ?

Le problème est d’abord familial. Il y a une telle folie médiatique autour de lui que Zidane a peur pour ses enfants. Il fallait voir, c’était un truc de malade. Il y a des paparazzi qui font des photos des gamins dans le jardin. Cette folie l’étouffe et l’inquiète. Du coup, c’est compliqué sur le terrain, en plus il n’y a pas vraiment de place pour lui. Il va mettre six mois à se sentir bien.

Comment ça se passait avec la presse espagnole ?

Il ne faisait confiance à personne. Quand il signe, les médias le trouvent génial, et au bout de trois semaines, il n’a pas marqué 10 buts alors ils le descendent. Exactement comme avec Hazard aujourd’hui. L’impatience de la presse et des supporters à Madrid est insupportable. En Espagne, il y a quatre quotidiens nationaux, tous centrés sur le foot. Automatiquement, Zidane prend tout en pleine figure. Il vient d’arriver, il est au centre de tout. C’est rude.

Vous racontez dans votre livre qu’après quelques semaines il va rencontrer le président Florentino Perez pour lui dire qu’il veut tout arrêter…

Oui, ça ne se sait pas à l’époque. Je l’apprends plus tard, alors que tout va bien. En fait, il s’inquiète pour sa famille, et sur le terrain, ça ne va pas. Alors il va voir le président. C’est un coup de mou, un appel au secours. Perez appelle Raul et Figo, leur dit de se rapprocher de Zizou, de l’aider à mieux comprendre le club, la ville. Ensuite ça va mieux, jusqu’à ce match du 5 janvier 2002 qui le lance véritablement.

Est-ce que ses relations avec les médias espagnols ont évolué positivement, elles aussi ?

Non, ça a toujours été difficile. Avec les Espagnols, c’est pas compliqué. T’es un génie quand tu gagnes, t’es pas si bon quand tu fais match nul et alors quand tu perds, t’es une merde. Quand on voit les unes qu’il y a eues sur Zidane il y a encore quelques semaines…

Est-ce qu’il a vraiment failli se faire virer ?

Je sais, et j’affirme, que s’il perd face à Galatasaray, il est très très en danger. J’ai trouvé ça un peu injuste d’ailleurs. Il est revenu parce qu’il aime ce club et que le président lui a demandé de lui rendre ce service. Il aurait pu attendre un peu avant de laisser croire que Zidane pouvait être viré.

Est-ce que Florentino Perez se sert des médias pour mettre la pression ?

Le Real, comme le Barça, est un club où le président est élu. Ça ne lui appartient pas, et les élections sont tous les quatre ans. Alors s’il y a le moindre problème avec l’entraîneur, il saute. Perez a beau beaucoup aimer Zizou, il n’est pas privilégié. Les médias le savent.

C’est quoi la stratégie de communication de Zidane avec les journalistes ?

Il est de plus en plus à l’aise. Avec tout ce qu’il a vécu, aujourd’hui il est rôdé. Il sait comment répondre. Son truc, c’est toujours le sourire, et il n’attaque pas les journalistes. Il est « ancelottien », pas « mourinhiste ». Mourinho ​ne considère la communication que comme un combat. Ce n’est pas du tout le cas de Zizou, qui est quelqu’un dans la discussion.

Est-ce qu’il est aussi proche avec un journaliste espagnol qu’avec vous ?

Non. Il y en a certains qu’il connaît depuis longtemps, depuis sa période joueur. Mais ils n’ont pas son portable.

Zidane est plus attentif à ce qui se dit sur lui dans L’Equipe ou dans Marca ?

(Il hésite). Dans l’Equipe. Parce que c’est le journal que lit son père.

Vous racontez dans le livre qu’il s’est énervé un jour pour un article sur « le mystère Zidane ». C’était par rapport à son père ?

Oui, il y a des mots, comme ça, qu’il n’aime pas… En fait, il déteste ce qui n’est pas clair. Qu’on puisse croire qu’il y a des choses cachées. Quand il était joueur, ce que pouvait lire son père le touchait. Maintenant, il arrive bientôt à la cinquantaine, ce n’est plus le cas. Il fait toujours attention, mais il a mûri, il est moins à fleur de peau là-dessus.

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Est-ce qu’on se sent une responsabilité particulière quand on est celui qui doit raconter à la France la vie de Zidane ?

Je ne le perçois pas comme ça. Après, il y a la responsabilité de remettre les choses dans leur contexte. En l’occurrence, l’Espagne est un pays malade de sport. A outrance parfois.

C’est dur parfois de se dégager de cette passion ?

Oui, les journaux espagnols, ils vont dire quelque chose un jour et le contraire le lendemain. En France, les idées vont durer, quand même. Là-bas, ça va très vite. Il faut toujours se méfier des grands titres et des exclusivités annoncées pendant les trêves internationales, par exemple. Ce sont des périodes creuses, alors ils vont monter des sujets pour remplir. L’Espagne a besoin de sa dose de foot chaque jour, et c’est compliqué à gérer ça.

En parlant de responsabilité, un autre personnage important du foot français évolue à Madrid, c’est Karim Benzema. Son image est brouillée en France, est-ce que vous considérez que votre rôle est, aussi, de rappeler quel joueur il est ?

Ah mais complètement. Il a dépassé Di Stefano, Puskas, il faut voir ce que ça représente ! Benzema réalise l’une des plus belles carrières de l’histoire du foot français. Et on ne s’en rend pas compte. Quand j’explique ça, on dit que je suis partisan. Non. Je parle aux entraîneurs. Quand Ancelotti, Zidane, et même Benitez, qui voulait le mettre sur le banc au départ et qui change d’avis au bout de trois entraînements, t’en disent du bien, et beh moi aussi du coup. Je transmets, c’est tout. Je ne veux pas rentrer dans les questions d’ordre judiciaire. Au Real, il est adulé, c’est tout.

Ça vous touche que l’on vous dise complaisant ?

Moi, mon club, c’est Lens. Que j’ai des amis au Real, oui. La cheffe de presse, je la connais depuis 26 ans. Mais on devrait se féliciter qu’un journaliste français ait suffisamment de contacts là-bas pour avoir accès à plein d’infos.

Revenons à Zidane. A-t-il changé depuis qu’il est revenu sur le banc ?

Il est différent, parce qu’il y a derrière neuf mois de réflexion avec son staff. Avec David Bettoni, Stéphane Planque et Hamidou Msaidié, ils ont analysé au calme ce qu’ils ont fait pendant deux ans et demi. Ils bossent énormément. Quand tu parles avec Zidane, le niveau est très élevé. Comme avec son staff. Ils se penchent sur la neuropsychologie adaptée aux blessés, ce genre de choses.

Est-ce qu’il pourrait entraîner ailleurs qu’au Real, hormis l’équipe de France ?

Oui, à la Juventus. Zidane, il lui faut un standing, et qu’il connaisse. C’est comme ça qu’il marche. Je pense que l’équipe de France et la Juve, ça se fera. Après, le Bayern Munich peut aussi être un club pour lui. C’est un club historique, géré un peu comme le Real. L’institution est très forte, c’est familial, avec des valeurs. Il lui faut des valeurs, qu’il se reconnaisse dans le club. Je ne le vois pas rester encore très longtemps au Real. Cette saison, la prochaine, et voilà. Parce que c’est épuisant.