FOOTBALLComment les supporters français bluffent l'Europe du foot

Cocorico: Marée humaine, ferveur et culture ultra... Les supporters français bluffent l'Europe du foot

FOOTBALLAvant Barcelone-OL et Arsenal-Rennes, les supporters français ne font pas les voyages pour rien cette saison
Les Rennais sont on fire cette saison en Ligue Europa.
Les Rennais sont on fire cette saison en Ligue Europa.  - McManus/BPI/REX/Shutterstock/SIPA
Aymeric Le Gall avec Jérémy Laugier

Aymeric Le Gall avec Jérémy Laugier

L'essentiel

  • 5.000 Lyonnais débarquent ce mercredi en Catalogne pour y défier le Barça à 21 heures et autant de Rennais seront le lendemain à Londres pour le 8e de finale retour de Ligue Europa contre Arsenal.
  • Cette grosse semaine pour les supporters des deux clubs français encore en lice sur la scène européenne n'est pas anodine: les fans du PSG ont notamment régné à Anfield Road et à Old Trafford cette saison.

Ce n’est pas nouveau, le football français souffre d’une sorte de complexe d’infériorité à l’heure de monter sur la scène européenne et d’aller se mesurer à ses voisins. Mais si le constat est implacable sur le terrain, c’est un peu moins vrai quand on tourne la tête et qu’on lorgne vers les tribunes.

Cette année encore, les supporters français montrent qu’ils ne sont pas les derniers à ambiancer un stade et à encourager leurs joueurs à l’extérieur, à l’image des 5.000 Lyonnais et Rennais espérant un exploit de leur club, respectivement ce mercredi (21 heures) à Barcelone et jeudi (21 heures) à l’Emirates Stadium d’Arsenal. On a encore en tête les images de cette marée rouge et noire rennaise envahissant les rues et le stade de Séville lors du 16e de finale retour victorieux en Ligue Europa.

Les Rennais éblouissent l’Europe

Sergio, ce fan du Betis et grand habitué du stade, s’en souvient bien : « Le parcage visiteur était blindé, ils ont fait beaucoup de bruits. C’était de la folie de les voir célébrer les buts de leur équipe, je n’avais encore jamais vu ça à Villamarin ». Il faut dire que les Bretons n’ont pas fait dans la dentelle. « Quand tu te retrouves à 3.000 ou 3.200 en parcage, et que la plupart sont venus pour chanter de bout en bout, forcément ça fait un peu de bruit, explique Clément, fervent supporter du SRFC. C’est une fierté de voir qu’on a montré une si bonne image à l’étranger. Nous sommes parfois moqués en France, donc ça nous a fait plaisir de voir qu’on parlait de nous en bien dans la presse et dans les rues sévillanes. »

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« Avant le match, la ville était pleine de Rennais et ils ont animé les rues toute la journée, poursuit Sergio. Il y en a même qui ont passé plusieurs jours chez nous ! » Clément confirme : « On est nombreux à être resté tout le week-end. On a retrouvé plein de Rennais dans les bars, c’était quelque chose ! » Ce n’est pas tous les jours que les Rennais ont l’occasion d’aller chanter « galette-saucisse je t’aime » dans les stades d’Europe, ils auraient eu tort de s’en priver.

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Paris brille… en tribunes

Les Parisiens, eux, sont plus habitués à effectuer ce genre de déplacements européens et, cette année encore, ils n’ont pas failli à leur réputation. Si leurs joueurs sont aujourd’hui la risée de l’Europe après l’humiliation contre Manchester, les ultras du PSG, eux, peuvent se targuer d’avoir brillé aux yeux de l’Europe et représenté fièrement leurs couleurs, notamment à Liverpool en début de saison. « Je vais à Anfield pour chaque match européen et je dois dire qu’ils m’ont bluffé, admet Robbie, supporter de Liverpool. Ils ont chanté de bout en bout sans jamais s’arrêter, et ce peu importe que leur équipe soit menée au score. C’était fantastique. »

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« Leur cortège dans les rues de Liverpool jusqu’au stade, c’était quelque chose, appuie John Pearman, fan historique des Reds et créateur du fanzine Red all over the land. Beaucoup de fans de Liverpool prenaient des vidéos des Parisiens et à la fin du match, on les a même applaudis. Je dirais que quand les Allemands viennent à Anfield, ça ressemble un peu à ça mais je trouve que les Parisiens étaient encore un cran au-dessus. »

John a tellement aimé le joyeux bordel mis par les ultras parisiens qu’il a tenu à les féliciter dès le lendemain en écrivant un message au journal L’Equipe, chargé de jouer les messagers. « J’ai trouvé qu’ils méritaient qu’on mette en avant leur comportement et leur performance, qu’on leur rende l’hommage qu’ils méritaient, explique-t-il. Ils ont contribué à ce qu’Anfield vive une grande soirée européenne en termes d’ambiance ».

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Un effet de contraste grossissant ?

Pour Ludovic Lestrelin, enseignant-chercheur à l’université de Caen et spécialiste du monde des tribunes, plus que la marque d’une éventuelle domination tricolore, il faut voir « une sorte d’effet de contraste » dans cette bonne impression laissée par nos Français à l’étranger. Quelque chose qui a trait à la sociologie même des tribunes dans les différents pays européens. Explications.

« Les stades anglais se sont beaucoup aseptisés ces dernières années et l’ambiance est descendue d’un cran. Les stades sont relativement calmes et, même à Anfield, ça pousse fort au début et à la fin du match mais entre les deux, il ne se passe pas grand-chose. Donc quand tu as une mobilisation forte des supporters de l’équipe adverse, ça se voit et ça s’entend. L’Espagne non plus n’est pas forcément le championnat où il y a une mobilisation ultra des plus puissantes aujourd’hui en Europe. » »

« Aller en Europe, c’est aussi une manière de s’affranchir du contexte français »

Mais cela ne doit rien enlever aux mérites de nos supporters. On peut aussi chercher une explication historique liée, encore une fois, à ce foutu complexe d’infériorité. Ludovic Lestrelin tente le coup : « On entend souvent dire que la France n’est pas un grand pays de football. Or les matchs européens sont autant d’occasions pour les supporters de faire la démonstration que dans la compétition supportériste européenne, la scène française existe. Dans le mouvement de la tifoseria, les réputations et les noms se font et se défont notamment lors des matchs de Coupe d’Europe. Ce sont des moments clés. Il y a très clairement un enjeu de construction de la réputation. »

Clément y voit aussi une sorte d’ode à la liberté, alors que les supporters français ont de plus en plus de mal à supporter leur équipe à l’extérieur, la faute à une multiplication d’interdictions de déplacements décidées par les autorités. « Avec Rennes, le gros déplacement de l’année, c’est à Nantes, indique-t-il. Et même si ça reste un moment cool, c’est de plus en plus compliqué de se déplacer, de plus en plus encadré. On est escortés sur 15 km, on est un peu parqués comme des chiens. Là en l’occurrence, on s’est déplacés à plusieurs milliers de kilomètres et tout s’est super bien passé. » « Le fait d’aller en Europe, c’est aussi une manière de s’affranchir du contexte français », acquiesce Ludovic Lestrelin.

Les Gaulois à Londres et au Barça

On a évoqué le cas de Rennes et du PSG, mais quid des supporters lyonnais, derniers engagés en Ligue des champions dans l’Hexagone ? Jusqu’ici, ils n’ont pas encore pu soutenir la comparaison, mais leur heure de gloire est peut-être proche. Jamais, depuis le quart de finale de Ligue des champions à San Siro il y a 13 ans (environ 10.000 supporters face au Milan AC), l’OL n’avait rassemblé autant de monde sur un match hors de France que celui de ce mercredi au Camp Nou. La totalité des billets mis à la disposition du club a trouvé preneur et près de 5.000 Lyonnais sont attendus.

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« Il est très difficile d’avoir un parcage à l’unisson car celui-ci est très haut, tout en largeur et il n’y a pas de toit au-dessus de nous, décrit Frédéric, qui a vécu 65 déplacements européens de l’OL. Mais dans ce stade, c’est sûr qu’il y a quand même moyen de se faire entendre. » Si ceux-ci ont jusque-là été peu nombreux à l’extérieur cette saison (600 à Manchester City, 350 à Kiev et tout de même 1.300 à Hoffenheim), ils ont l’occasion de vibrer pour de bon ce mercredi au Camp Nou.

« A la fin des années 1990, nos premiers déplacements en Coupe UEFA à Rome, Milan ou Bologne, c’était waouh, se souvient Frédéric [39 ans]. Aujourd’hui, jouer la Coupe d’Europe à l’OL est un peu un dû et pas mal de Lyonnais ont un côté enfant gâté, en piochant un peu à leur guise les déplacements qu’ils veulent effectuer. » Et celui du Barça les fait clairement saliver.

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« Je pense qu’on peut leur donner une petite leçon en tribunes »

5.000, c’est aussi le nombre de Rennais qui vont envahir Londres mercredi et jeudi. Autant dire que du Camp Nou à l’Emirates Stadium, l’Europe du foot risque encore de résonner gaulois. D’autant que ces deux stades ne sont pas réputés pour mettre un boxon digne de ce nom. « Arsenal et Barcelone sont des top clubs européens qui se sont engagés dans des stratégies marketing afin d’attirer un public aisé, qui vient parfois de loin et qui est peu enclin à faire du bruit », admet Ludovic Lestrelin, auteur de L’autre public des matchs de football.

« Ça va être mémorable à Londres, promet Clément. Je pense qu’à 5.000, on peut largement se faire entendre. En Angleterre, ils ne sont plus trop habitués à voir de gros groupes organisés chanter pendant 90 minutes donc je pense qu’on peut leur donner une petite leçon en tribunes. En espérant que ce soit aussi le cas sur la pelouse. »