COPA LIBERTADORESLes Argentins racontent leur colère et leurs sacrifices avant River-Boca

River-Boca à Madrid: «Un ami s’est endetté pour payer son voyage»… Récits des sacrifices d'Argentins avant la finale à Madrid

COPA LIBERTADORESDes milliers d'Argentins vont traverser l'Atlantique pour assister à la finale River-Boca à Madrid...
Les supporters de River Plate peuvent attendre
Les supporters de River Plate peuvent attendre - ALEJANDRO PAGNI / AFP
Aymeric Le Gall

Aymeric Le Gall

L'essentiel

  • Initiallement prévue samedi 24 novembre à Buenos Aires, la finale retour de Copa Libertadores entre River Plate et Boca Junior a été repoussée et délocalisée à Madrid.
  • En cause, des violences survenues en marge du match avec l'attaque du bus des joueurs de Boca par les barra brava de River Plate.
  • Malgré la délocalisation du match à 10.000 km de chez eux, de nombreux Argentins ont cassé leur tirelire pour être présent à Madrid dimanche.

«Je me fous que tu gagnes, je me fous que tu perdes, où tu joueras, je serai. » Ces paroles tirées d’une chanson des hinchas de River Plate sont de circonstances à l’heure où leur équipe s’apprête à disputer la finale retour de la Copa Libertadores, l’équivalent sud-américain de la Ligue des champions, contre l’ennemi juré de Boca Juniors, sur le sol européen, à Madrid.

Pourquoi Madrid ? Parce qu’après le caillassage du bus des joueurs de Boca quelques heures avant le match retour (censé se tenir au stade Monumental de River Plate, dans la banlieue huppée de la capitale argentine), les instances dirigeantes ont préféré annuler la rencontre et, après moult tergiversations, la délocaliser dans le royaume de fort fort lointain, à 10.000 kilomètres de Buenos Aires, au stade Santiago-Bernabeu.

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Le problème, c’est qu’on ne délocalise pas le match le plus important de l’histoire des deux rivaux sans laisser du monde sur le carreau. Ici, des dizaines de milliers de personnes. Car parmi les 65.000 hinchas (supporters) présents au Monumental le jour du report, ils ne sont pas nombreux à avoir pu casser leur tirelire pour se payer un aller-retour Amérique du Sud-Europe au pied levé, comme on décide à la dernière minute de bazarder un week-end en famille à la Baule contre une virée entre potes à Amsterdam. Pour mesurer l’ampleur de ce quilombo (bordel, en espagnol), on a appelé quelques supporters pour prendre la température.

Un pour tous, tous contre la Conmebol

« C’est la plus grande trahison de toute l’histoire du football argentin et le peuple n’oubliera jamais. Cette finale n’est qu’une vaste blague. La décision de la Conmebol est terrible. J’ai la sensation qu’ils nous ont volé notre finale et qu’ils se sont payés nos têtes, se lamente Ezequiel, 50 ans et socio de River depuis toujours. Mais rien ne m’étonne dans tout ça car je sais à quel point nos dirigeants sont corrompus… Je leur fait confiance pour se faire bien plus d’argent grâce à ce match à Madrid que s’il avait eu lieu à Buenos Aires. » De son côté, Elides, étudiant en master des Sciences de la communication, n’en revient toujours pas. « La Copa Libertadores d’Amérique à Madrid… C’est paradoxal, n’est-ce pas ? !, s’exclame-t-il. C’est de la pure folie. »

Mais la colère de ces amoureux de River n’est pas seulement dirigée contre les instances, et les barras bravas, ces groupes de supporters réputés à la fois pour leur ferveur et leur appétit pour la violence, en prennent aussi plein la tête. « Je maudis les actes des barras bravas de River. Ce sont ni plus ni moins que des délinquants, comme la plupart des barras bravas des clubs argentins, peste Elides. Mais ça ne m’empêche pas de regretter amèrement qu’on ait décidé de sanctionner des milliers de supporters à cause des agissements de quelques décérébrés. »

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« La condamnation des barras bravas par les hinchas ouvre la porte à un changement d’époque. Si les autorités n’agissent pas, c’est qu’elles sont complices. Il est l’heure de chasser les délinquants du monde du football. »

Un sacrifice qui ne se discute pas

Une fois leurs nerfs passés, venons-en à ce qui nous intéresse : la logistique du voyage. Car à part Elides, tous les supporters qui ont accepté de nous répondre feront le grand saut, direction España. « J’ai la chance de travailler pour une compagnie aérienne et d’avoir quelques avantages, concède Ezequiel, 50 ans et socio de River depuis toujours. J’ai liquidé tous mes miles pour acheter des billets pour mon fils et moi. Sans cela, je n’aurais jamais pu me permettre un tel sacrifice. »

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« Nouvelle folie dans ma vie !! Madrid, j’arrive avec mon fils ! Je veux la Libertadores !! »

Agustin, lui, n’a pas de miles en stock. Résultat : 1000 euros à cracher d’une traite : « Je ne me suis même pas posé la question, je fais le voyage, point. C’était une obligation pour moi. Un peu comme pour les 65.000 supporters qui étaient au Monumental. A la grosse différence que moi, je peux me permettre de dépenser une telle somme, ce que ne peuvent pas faire la majorité des Argentins. Dès qu’on a su que le match se jouerait à Madrid, j’ai immédiatement acheté mes billets d’avion. J’ai payé environ 1.000 euros. Je les ai pris tout de suite car je savais que les compagnies aériennes allaient rapidement augmenter leurs tarifs. J’ai pris un vol avec deux escales, à Sao Paulo et Francfort, pour faire baisser un peu le prix. » Issu d’un milieu aisé, ce jeune homme a bien conscience de faire partie des rares privilégiés qui seront à Madrid au coup d’envoi du match dimanche.

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En 24 heures, les prix des billets pour Madrid ont triplé.

A l’inverse d’Elides. Même si, en bon hincha de River, l’idée d’un craquage financier en règle lui a traversé l’esprit. « J’ai vraiment envisagé de me rendre à Madrid, admet-il. J’ai regardé tous les vols qui restaient, mais après en avoir parlé à ma famille, j’ai décidé de ne pas y aller. On parle quand même de 60.000 ou 70.000 pesos (1400-1600 euros). C’est énorme, surtout quand on connaît la situation économique très tendue dans notre pays. Et même si je mourrais d’envie de faire le déplacement, je ne voulais pas courir le risque de perdre mon travail ou mes économies. » « Notre économie est dans un état désastreux, on connaît une inflation de 45 %, les salaires n’augmentent jamais et les fins de mois sont de plus en plus difficiles. Comment voulez-vous que les gens se permettent un tel voyage à la dernière minute ? », appuie Ezequiel.

Tous mes ronds pour un billet d’avion

Et pourtant, d’autres ont choisi de tout plaquer et de partir à l’aventure, quitte à se mettre au régime sec à leur retour au pays. Ezequiel poursuit : « Tu sais, ici, en Argentine, il y aura toujours des gens pour faire ce sacrifice, peu importe ce que ça doit leur coûter. J’ai un ami, par exemple, qui vient de prendre son billet d’avion avec des escales de dingue et qui s’est endetté pour se payer ce voyage. Il y va avec un ami qui a dû lui aussi s’endetter. »

Un autre Agustin, 30 ans et fana de River Plate, acquiesce : « Je trouve ça absurde que ça se joue en Europe mais voilà, la passion peut nous pousser aussi à faire des choses absurdes. » Son cas à lui est un peu différent. Ce restaurateur vit à Barcelone depuis an et demi et il avait décidé d’alléger son compte en banque de plus de 1000 euros pour rentrer une semaine au pays et assister au match au Monumental. Vous connaissez la suite… De retour en Espagne, après avoir remué ciel et terre, Agustin a fini par trouver un billet pour le Bernabeu. Deux, en fait, puisqu’un pote à lui (un supporter de Boca) est venu spécialement de Buenos Aires pour le match.

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« J’étais heureux quand je te tenais dans mes mains. Tant d’années passées au stade, dans les bons comme dans les mauvais moments. On avait l’opportunité de voir River gagner une nouvelle Libertadores, à domicile. Une finale rêvée qu’ils nous ont volée. »

C’est de là-bas que les deux amis ont pu constater un autre abus lié à cette situation peu ordinaire : une explosion du prix des billets pour le match. Puisque la Conmebol n’a réservé que 10.000 billets seulement pour les fans des deux clubs venus d’Argentine, le reste étant réservé aux gens vivant en Espagne. des petits profiteurs ont du coup de gonfler les prix. Car comme le dit Agustin, « ils savent que certains supporters argentins sont prêts à tout pour voir ce match, ils ne se sont donnés aucune limite. Certains ont sauté sur l’occasion pour se faire de l’argent sur le dos des Argentins… Les prix peuvent aller jusqu’à 700, 800, 1.000 euros. C’est honteux. »

Qu’ils aient la chance d’être à Madrid dimanche ou devant leur poste de télé sous le soleil argentin, tous auront le même goût en bouche, celui d’une fête gâchée, d’un rendez-vous manqué. « Toute la beauté de cette finale historique a d’ores et déjà disparu », souffle Cristian, l’ami d’Agustin. Pas mieux du côté d’Ezequiel qui affirme que « même si River gagne, la fête est gâchée. » Le décor est planté.