Manchester City-OL: De «40 ans de souffrances» à «Agüero 93:20», la folle trajectoire des Citizens depuis Maine Road
FOOTBALL•Champion d’Angleterre à trois reprises depuis 2012, Manchester City est aussi un club âgé de 136 ans. « 20 Minutes » s’est penché sur son évolution en se rendant à Maine Road, l’ancien stade détruit en 2004…Jérémy Laugier
L'essentiel
- Relégué en 3e division dans son ancien stade de Maine Road il y a tout juste 20 ans, Manchester City règne désormais sur la Premier League et nourrit d’immenses ambitions en Ligue des champions.
- Avant le choc européen entre les Citizens et l’OL, ce mercredi (21 heures), 20 Minutes est parti sur les traces d’une histoire en accéléré pour la partie bleue de Manchester.
- Le tout avec en toile de fond la problématique d’un changement de stade, de Maine Road et son ambiance familiale à l’Etihad Stadium.
De notre envoyé spécial à Manchester,
Un seul pub ne proposant pas de fish and chips mais de la San Miguel en pression, avec une clientèle très jeune ne jetant même pas un regard à Liverpool-PSG. Difficile de trouver une ambiance moins british qu’aux abords de l’Etihad Stadium de Manchester, à la veille du match City-OL, ce mercredi (21 heures).
Construit pour les Jeux du Commonwealth 2002 (on vous imagine en acharnés de cet événement), l’ex-City of Manchester Stadium vient de fêter en août ses 15 ans d’histoire commune avec les Citizens. Comment cette superbe enceinte de 55.000 places, située dans le quartier de Bradford, à moins de 3 km de l’hypercentre mancunien, peut-elle être à ce point dépourvue de restaurants et de pubs aux alentours, un peu comme le nettement plus récent Parc OL à Décines (janvier 2016) ?
« Chaque supporter connaissait ses voisins à Maine Road »
« En fait, l’Etihad est tellement proche de tout que les spectateurs préfèrent boire un verre en ville avant de venir au stade, et ils ont pris l’habitude d’en faire de même après les matchs, ça ne les embête pas du tout », indique Paul, un supporter des Citizens. Même un déménagement de leur stade historique de Maine Road ne leur a pas posé de soucis ? Ancien défenseur central de Manchester City (de 2002 à 2007), Sylvain Distin a vécu cette transition et la décrypte pour 20 Minutes.
« « On avait une ambiance de folie à Maine Road, un peu à l’ancienne. C’était un petit stade [35.000 places], avec les supporters très près des joueurs. Chacun d’entre eux connaissait ses voisins de tribunes depuis des dizaines d’années. En quittant Maine Road, les gens se sont séparés de connaissances. OK, le nouveau stade est beaucoup plus confortable et agréable à l’œil, mais l’ambiance y était beaucoup plus plate lors des deux premières saisons. » »
Parmi les abonnements les moins chers en Premier League
Ce n’est plus le cas aujourd’hui, à en croire Maxime Mamet, journaliste pour l’AFP en Angleterre : « Avec Burnley, Manchester City était la saison passée le club proposant les abonnements les moins chers en Premier League. Il tient à rester proche de ses bases et les tarifs des places impactent souvent l’ambiance dans les stades anglais. Contrairement à Old Trafford, j’ai par exemple découvert une ambiance de dingue pour le match de Ligue des champions contre le Barça [3-1 en novembre 2016] ».
Pour mieux percevoir la dimension historique d’un club fondé en 1894 (soit 16 ans après son rival United) et champion d’Angleterre bien avant l’arrivée du cheikh Mansour (en 1937 et 1968), 20 Minutes s’est rendu dans le quartier de Moss Side, qui « craint un peu » selon Sylvain Distin, là où le stade de Maine Road a été détruit en 2004. On y a découvert quelques pubs ayant fermé leurs portes et une école quasiment neuve, la Divine Mercy primary school, construite sur le parking de l’ancien stade.
« On ne se croirait pas en Angleterre mais en Espagne »
Directrice de l’établissement et supportrice des Citizens depuis toujours des Citizens, Ann Walsh n’est pas peu fière ce mercredi de nous faire découvrir, à quelques mètres de là, les superbes nouvelles constructions du quartier. « Depuis des émeutes dans les années 80, Moss avait une mauvaise réputation, explique-t-elle. Mais désormais, les familles reviennent. Ces constructions ont régénéré le quartier. Des passants nous disent même qu’on ne se croirait pas en Angleterre mais en Espagne par ici. »
On y trouve également le « Gibson’s Green ». Comprendre un rond central symbolique, situé pile où se déroulaient les kick-off de Maine Road, et dont le nom rend hommage à Stan Gibson, jardinier des lieux durant 40 ans. 40 ans comme la durée de l’abonnement d’Ann Walsh à Maine Road, avant qu’elle ne se décide de totalement replonger depuis trois saisons à l’Etihad Stadium, à environ 5 km de là.
« Les gens ne précisaient même plus United quand ils parlaient de football »
« Nous formons une véritable communauté de fans des Citizens, confie Ann. Il y a beaucoup de loyauté chez les fans et nous avons accepté le transfert, même si Maine Road a été une lourde perte pour nous. Quand je repense aux joueurs s’échauffant avant les matchs dans le gymnase de mon ancienne école car les infrastructures du stade étaient quasi inexistantes, je me dis qu’il nous fallait quelque chose de plus grand. Et puis comment se dire que c’était mieux avant alors qu’on a souffert sportivement pendant 40 ans ? Les gens ne précisaient même plus United quand ils parlaient de football, ils ne parlaient que de Manchester. Là, nous connaissons enfin la gloire. »
Un peu à l’instar de l’Atlético de Madrid, rompre la tenace spirale de la lose a été un moment étrange à appréhender pour ces fidèles fans de City, qui étaient tout de même descendus jusqu’en 3e division il y a tout juste 20 ans. Sailesh, propriétaire des deux seuls fish and chips situés face à l’Etihad Stadium - et qui tente au quotidien de cacher sa préférence pour United - nous raconte une anecdote résumant cette trajectoire rapide et inattendue.
« « Je me souviens très bien lorsque City a gagné à nouveau le championnat, en 2012 avec Mancini [avant ceux de 2014 et 2018]. Des milliers de supporters étaient persuadés que United allait encore être champion en fin de partie et ils ont préféré quitter les tribunes juste avant la fin du match. Ils étaient abattus sur le trottoir. Et là, il y a eu un bruit énorme et ils ont tous couru pour revenir dans le stade, tout en célébrant le titre avec des inconnus et même des policiers. » »
Six ans plus tard, l'inscription 93:20 est partout à l'Etihad Stadium
Ce bruit énorme a été provoqué par l’incroyable but de Sergio Agüero (3-2 contre Queens Park Rangers), au bout des arrêts de jeu. En France, on aurait sans doute vaguement retenu un 90+4 (presque coucou Jimmy Briand). Mais en Angleterre, c’est bien l’inscription 93:20 qu’on retrouve un peu partout à l’Etihad Stadium pour célébrer cet exploit.
Les mots exacts du commentateur Martin Tyler ont même été immortalisés, sans doute pour très longtemps, sur les murs d’une immense salle de repos de l’Etihad Stadium. Le tout est évidemment visible, à travers d’immenses vitres, de l’extérieur de l’enceinte. Histoire qu’un supporter de Manchester United puisse aussi se souvenir de ce dénouement de dingo, au cas où il se balade dans le quartier pour aller siroter une pinte de San Miguel. Au cas où, on a dit.