FOOTBALLLiverpool ouvre-t-il la voie aux entraîneurs de skills dans le foot?

Ligue des champions: Avec son coach spécifique pour les touches, Liverpool ouvre-t-il la voie aux entraîneurs de skills dans le foot?

FOOTBALLLe football pourrait rapidement prendre exemple sur les autres sports collectif en termes de spécialisation des entraînements...
Aymeric Le Gall

Aymeric Le Gall

C’est certainement le geste le moins sexy dans un match de foot, ou en tout cas celui dont tout le monde se fout le plus. On parle des touches si vous n’aviez pas compris. On ne va pas se mentir, de mémoire de (modestes) connaisseurs, on n’a jamais vu des supporters se lever d’un seul homme pour gueuler « ouais, une touche, ouaaaaaais allez !!! ». Et pourtant, à bien y regarder, ce geste mériterait sûrement qu’on y prête un peu plus attention.

Et ça, Thomas Gronnemark, 43 ans, l’a bien compris. Dans les années 2000, ce Danois décide de consacrer sa vie à sa passion : les touches. Pas le foot, hein, juste les touches. « Depuis que je suis gosse, j’ai toujours aimé les touches. Je sais, ça peut paraître étrange, je suis une sorte de geek des touches. » Faut dire qu’il sait de quoi il parle. En 2010, Gronnemark est devenu le recordman de la plus longue remise en jeu (51,33 mètres). Preuve Guinness Book à l’appui.

From AC Horsens to Liverpool FC very quickly

Pour Gronnemark, les clubs et les entraîneurs font une grave erreur en choisissant de snober ce geste, anodin sur le papier, crucial sur le pré. « Il y en a entre 40 et 50 par match, martèle-t-il à plusieurs reprises au téléphone comme obsédé. C’est pas rien. Et comme on ne peut pas être hors jeu sur une touche, c’est une vraie arme offensive, sans parler des touches longues qui font office de corner ouvert. Je le répète, quand on voit le nombre de touches par match, je trouve que ça serait stupide de ne pas y consacrer du temps à l’entraînement. » Alors il a décidé de se lancer.

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Après avoir proposé ses services à des clubs danois (AC Horsens, Midtjylland), Gronnemark réussit à se faire un nom en dehors du royaume des blonds. Jürgen Klopp himself a voulu en savoir plus sur cet animal étrange qui s’est carrément inventé son propre métier. Oui, ne cherchez pas, c’est le seul coach de touches au monde. Classe, non ?

« « Pour être honnête, je n’avais jamais entendu parler de coach de touche. Quand j’ai entendu parler de Thomas, il était clair que je voulais le rencontrer. Et quand je l’ai rencontré, c’était clair que je voulais l’embaucher, expliquait récemment l’entraîneur des Reds sur le site officiel de Liverpool. Maintenant il est là et on peut travailler là-dessus comme il faut. Et même quand il n’est pas avec nous, on utilise ses conseils en permanence, aussi bien chez les pros qu’auprès de l’Académie. Et on voit déjà que son arrivée chez nous nous a profité. Les joueurs l’apprécient et ils ont envie de travailler avec lui, de l’écouter et de progresser. » »

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Comme Klopp, Olivier Dall’Oglio n’avait jamais entendu parler d’un entraîneur de touches. « Vous me l’apprenez, dit-il avant d’embrayer, visiblement intéressé. La remise en touche est un geste technique comme un autre, elle fait partie intégrante du jeu. Nous on les travaille avec mon staff, évidemment, mais de là à mettre quelqu’un dessus à temps plein ce n’est pas possible. Je me vois mal demander à mon président d’embaucher un gars juste pour ça ! Après, prendre quelqu’un une fois ou deux en tant qu’intervenant, pourquoi pas. Etre un peu plus pointu sur ce geste-là, je trouve ça très intéressant parce que je vois beaucoup d’équipes – la mienne en premier – ne pas toujours bien négocier ces phases de jeu. »

Les coachs de skills, le foot y vient doucement

Au-delà des remises en jeu à la main, c’est le sujet global de la spécification des entraîneurs qu’on touche du doigt. Et à ce niveau-là, le foot est à la traîne. « Comparé à d’autres sports, notamment des sports US (basket, football américain), ou le rugby, le foot a été un peu lent à tenter l’expérience des coachs de skills, à séquencer ses phases de travail à l’entraînement. Mais ces dernières années ça évolue très rapidement. Il y a tellement de skills différents que ça me semble logique que le football s’y mette petit à petit », avance Gronnemark.

La preuve avec Klopp, clairement ouvert à l’idée d’élargir son staff et de s’entourer de spécialistes. « En tant que manager, vous connaissez beaucoup de choses différentes mais ça ne veut pas dire que vous êtes spécialiste en tout, que ce soit le poste de gardien de but ou, dans ce cas précis, spécialiste des touches. On n’a jamais assez de spécialistes autour de nous. »

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Pour Olivier Dall’Oglio, ce futur proche qu’on évoque au-dessus c’est aujourd’hui : « Je vois qu’on est déjà un peu dedans. Les staffs ne cessent de se développer avec de nombreux adjoints, qui sont des coachs spécifiques sur certains aspects du jeu. A Dijon je travaille avec deux adjoints, dont un qui travaille beaucoup avec les milieux de terrains car il a un œil un peu plus avisé là-dessus puisque c’est lui-même un ancien milieu. Après, on est d’accord que ce n’est pas poussé au niveau du rugby. Mais je crois que les staffs vont continuer de s’étoffer et de se spécialiser avec le temps. »

Trouver le juste équilibre

Le rugby justement. Histoire de voir un peu comment fonctionne cette répartition des tâches dans un sport où l’on compte plus d’entraîneurs spécialisés que de joueurs sur la feuille de match, on a posé la question à Philippe Doussy, coach adjoint de Jacques Brunel en charge de la technique individuelle et du jeu au pied dans le XV de France. Rien que l’intitulé donne le tournis.

Pour lui, le rugby, comme le foot aujourd’hui, a mis du temps avant d’accepter cette diversification des staffs même si « ça commence à entrer tout doucement dans les mœurs ». Une bonne chose car « c’est compliqué de gérer 40 joueurs pendant douze mois. C’est dur d’innover, de changer les discours, ça demande une énergie folle. Et puis on ne sait pas tout ! On peut être compétent dans notre domaine mais il y a des fois où on tricote. Trouver une personne adéquate pour faire le rôle spécifique à des secteurs de jeu, c’est pas plus mal. »

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Mais pas n’importe comment, sous peine de créer un bazar monstre et de ne plus savoir qui est le boss au final : « C’est au directeur de donner les missions pour avoir une cohérence. Il faut respecter les temps dans la semaine et se concentrer sur la mission principale. Etre en support. Il y a beaucoup d’ego chez les entraîneurs, il faut que la vision de l’entraîneur principale soit respectée. Tous les entraîneurs doivent produire le même message. S’il y a une armée de spécifiques, non, trop c’est trop. Il ne faut pas que les joueurs perdent leurs repères, qu’il y ait de parasites. »

Mais la comparaison entre le foot et le rugby a ses limites. La taille des effectifs notamment. « Au rugby t’as 40 joueurs par équipe, avec des coaches spécifiques tu arrives à intéresser tout le monde, tout le monde devient important, explique Doussy. Je pense que le foot va tendre vers ça mais il faut qu’il trouve le juste milieu. » En attendant d’avoir un coach pour chaque phase de jeu et pour chaque poste sur le terrain, Liverpool pourra peut-être déjà profiter des conseils de Thomas Gronnemark pour faire mal aux Parisiens avec ses touches rapides. « Si j’étais défenseur du PSG, je me méfierais beaucoup », conclut-il en rigolant. Le message est passé.