FOOTBALLLes Bleus peuvent-ils rivaliser avec l’Uruguay dans la castagne?

Coupe du monde 2018: Les Bleus peuvent-ils rivaliser avec l’Uruguay dans la castagne?

FOOTBALLL’équipe de France va être confrontée à un niveau d’agressivité inconnu, dans le bon sens du terme…
Julien Laloye avec  C.C.

Julien Laloye avec C.C.

De notre envoyé spécial à Nizhny Novgorod,

Le témoignage initial qui devait enrober cet article, pour vous dire le niveau : un général d’armée à la retraite – il en faut un qui ait le droit de parler - qui joue le jeu et nous raconte comment préparer ses hommes à une boucherie sans nom. Mais attention, de la boucherie de qualité, celle où il faut faire la queue longtemps le dimanche matin pour avoir droit à son tendron de veau bien moelleux. Confidence d’un suiveur des Bleus qui a causé de la finale des Bleuets contre ces mêmes Uruguayens en 2013 (Mondial U20) avec un participant : « Tu peux écrire que c’est des grosses p****. » Pas possible grand. « Ben, mets que c’est des petites merdes. »

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France-Uruguay raconté à l’avance, donc : pas de buts (0-0 en 2002, 0-0 en 2010), à peine plus d’occasions, des semelles qui traînent, des maillots qui se tirent, et des mots doux en espagnol. Résumé par Griezmman : « Ils vont jouer leur match, prendre leur temps, tomber, vont aller voir l’arbitre, le match va être chiant. » C’est dit avec les yeux de l’amour. L’Uruguay, où la promesse éternelle d’un match pourri, mais de la pourriture élevée au rang d’œuvre d’art.

« Les Uruguayens n’ont pas deux couilles, ils en ont quatre »

Carlos Bianchi, légende sud-américaine, dans Libé : « Là-bas, le foot est plus important que tout. C’est une voie pour trouver une sortie, un métier pour vivre ou pour survivre. C’est une équipe très réaliste, supérieurement organisée, qui possède un mental qui se transmet de génération en génération. Personne ne s’amuse à jouer l’Uruguay. Les joueurs de la Céleste n’ont pas deux couilles, ils en ont quatre. »

Diego Rolan, dans 20 Minutes : « Personne ne va jamais lâcher un match. La grinta [aussi appelée la Garra charrua], on l’apprend depuis tous petits. L’Uruguay, c’est un pays petit, c’est un pays humble. Les terrains sur lesquels on apprend à jouer ne sont pas plants. On sent le football différemment des autres ». Voilà pour le décor. Des gros testicules, donc, mais aussi des cerveaux. La Celeste n’a pris qu’un seul carton jaune depuis le début du Mondial.

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Luis Suarez, le mordeur repenti :

« On n’a pas fait beaucoup de fautes pour qu’on arrive à n’avoir qu’un carton. Peut-être quelques fautes tactiques pour couper des contres, mais c’est tout. En réalité, l’Uruguay est une équipe forte et agressive mais sans l’intention de faire mal. N’avoir reçu qu’un seul carton jaune, c’est quelque chose dont il faut être fier, de la même manière qu’il faut être fier de ne pas avoir pris de cartons pour protestation. » »

Cela ne veut pas dire que les joueurs de Tabarez ne protestent pas. Au contraire. Mais ils savent discerner la mince frontière entre la pression amicale et le harcèlement moral. Un savoir-faire qui ressemble beaucoup à celui de l’Atletico Madrid. On a lancé Dany, socio madrilène, sur la question : « Nos joueurs sont souvent considérés comme violents, alors qu’ils reçoivent peu de cartons. Ils sont souvent à la limite, c’est vrai, ils montrent du caractère et de la personnalité, mais ils n’y vont jamais pour faire mal. »

Comme jouer contre l’Atletico

L’Atletico n’est pas qu’une vulgaire copie. C’est aussi la source originelle. La charnière Godin-Gimenez y travaille son sens du vice et du placement tous les matins en se levant. Observation lucide de Gustavo Poyet, entraîneur de Bordeaux et ancien milieu de la sélection uruguayenne : « Est-ce que Griezmann a envie de jouer contre Godin et Gimenez [le premier est le parrain de sa fille] ? Je ne crois pas. Godin il s’en fout, il va lui donner quand même. Ça fait dix ans que le système est en place, on l’aime ou on ne l’aime pas, mais il marche. Je ne dis pas qu’on a la meilleure équipe, mais il n’y en a pas une qui possède notre caractère. »

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On a compris : l’Uruguay va jouer un match de quartier, quart de finale de Coupe du monde ou pas. Mais les Bleus, puisque ce sont eux qui nous intéressent : sont-ils capables de se hisser au niveau d’intensité et de putasserie requis ? Ils n’ont pas eu besoin, encore, d’évoluer dans ce registre-là. Les Argentins étaient bien gratinés aussi, mais ils étaient en retard sur tout, même sur les coups qu’ils voulaient donner. Tout le monde voit le piège : si un seul joueur se cache, c’est toute l’équipe qui morfle​.

Adil Rami : « On parle souvent du talent dans le football. Ce qu’on voit sur Internet, c’est les gestes techniques, les joueurs rapides, qui marquent… mais le plus important dans le foot, c’est de souffrir. C’est la base. De derrière, on voit bien ce qu’il se passe, on voit si un joueur ne revient pas, s’il ne fait pas les efforts. Dans une Coupe du monde, tout va compter, chaque retour, chaque petit duel. »

Les Bleus ont du répondant

Les Bleus sont des types élégants de Mbappé jusqu’en défense centrale, où la charnière Varane-Umtiti se refuse souvent aux bassesses du métier, ce qui a pu parfois lui jouer des tours, comme face à la Colombie en mars. L’espoir, pour vendredi : le retour probable de Tolisso dans le onze de départ pour relever Matuidi, suspendu. Formé à l’école de la castagne lyonnaise, le milieu munichois ne se dérobera pas au contact. Il s’était révélé en sélection à Sofia, un soir où les protège-tibias ont sauvé des vies.

L’espoir, surtout : l’école madrilène est aussi bien représentée en équipe de France avec Griezmann et Lucas Hernandez. « C’est vrai que quand tu regardes jouer l’Uruguay, t’as l’impression d’être au Wanda Metropolitano devant l’Atletico, reprend notre supporter colchonero. Mais la France n’est pas mal non plus avec Griezmann et Hernandez. Lui, c’est vraiment une créature du « Cholismo » (du surtout Cholo de l’entraîneur Simeone). De la puissance, de la vitesse, du caractère, ça peut être joueur important contre l’Uruguay ».

Lucas Hernandez en train de chercher l'embrouille.
Lucas Hernandez en train de chercher l'embrouille.  - F.FIFE/AFP

Hernandez vient d’arriver dans le grand monde, mais il se pointe le premier dès que ça bastonne un peu. Un profil indispensable quand il faudra aller réclamer un carton pour la 36e faute du match sur Kylian Mbappé. Espérons juste qu’on ait dépassé la demi-heure de jeu quand on en sera là.