Ultras du CUP, indépendants, anciens du KOB... Les supporters du PSG au centre des interrogations avant la finale
FOOTBALL•La finale de la Coupe de la Ligue, délocalisée à Bordeaux, préoccupe les autorités…Aymeric Le Gall
L'essentiel
- Le PSG affronte l’AS Monaco en finale de la Coupe de la Ligue, samedi soir, au Matmut Atlantique de Bordeaux.
- Un appel à la mobilisation lancée sur Facebook par un ancien groupe de supporters du PSG préoccupe le club et les autorités.
- Pour éviter tous risques de débordements, un arrêté préfectoral a été publié et la sécurité sera renforcée aux abords du stade.
Une « DÉMONSTRATION DE FORCE ». C’est par ces mots que des anciens habitués du « Kop of Boulogne », expression désignant la tribune Boulogne du Parc des Princes, ont appelé à une mobilisation de ses troupes à l’occasion de la finale de la Coupe de la Ligue entre le PSG et Monaco. Posté sur la page Facebook « Ultras made in France », cet appel n’a pas manqué de faire parler dans le milieu du supportérisme, mais pas que, puisque le PSG, la LFP et la DNLH (Division nationale de lutte contre le hooliganisme) ont eux aussi été très attentifs suite à la publication de ce mystérieux message.
Sur le papier, précisons-le tout de suite, les auteurs de ce communiqué affirment que « ceci n’est en aucun cas un appel à la violence ». Pourtant, quand on connaît le passé peu glorieux qui entoure les groupes de supporters du PSG et la haine que se vouaient les ultras du virage Auteuil et les supporters basés dans le KOB (Kop of Boulogne), difficile de ne pas y voir un risque évident pour le bon déroulement de cette finale.
Flash-back au Parc des Princes
Pour comprendre tout cela, il est nécessaire de rembobiner un peu l’histoire : Après des années de guerres plus ou moins ouvertes, les deux tribunes du Paris Saint-Germain franchissent un nouveau cap dans la violence. Le 28 février 2010, à l’occasion d’un PSG-OM de triste mémoire, une violente bagarre éclate entre supporters parisiens au pied du virage Auteuil et Yann Lorence, fidèle membre du KOB, est sauvagement battu. Il décédera des suites de ses blessures à l’hôpital quelques jours plus tard.
C’en est trop pour le PSG et les autorités qui décident, par le biais du plan Leproux (du nom du président parisien de l’époque) de faire un grand ménage au Parc des Princes en expulsant l’intégralité des groupes de supporters. Mais si ces mesures ont permis de pacifier l’enceinte parisienne, elles n’ont en rien calmé la haine qui existe entre ces deux entités.
Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et, après de longues luttes pour faire valoir leur droit à venir supporter (pacifiquement) leur équipe à domicile comme à l’extérieur, une nouvelle entité est née sous l’appellation du CUP (Collectif Ultras Paris). Entité qui regroupe d’anciens ultras historiques du virage Auteuil, mais pas que.
Depuis, une nouvelle génération de supporters est née, génération qui n’a pas ou peu connu les conflits du passé. Basé à Auteuil, ce collectif, qui réunit tout un tas de groupes de supporters, est le seul à être autorisé à animer le Parc des Princes.
Des craintes…
Dès lors, cet appel à mobilisation du KOB a de quoi inquiéter, surtout quand on regarde plus en détail ce qui est dit dans le communiqué.
« « La guerre se fait avec des soldats qui ont 20 ans, pas lorsqu’on a 45 ou 50. Et cette guerre nous l’avons perdue. La dynamique, le nombre, l’envie était dans le camp d’en face. Il était clairement impossible de cohabiter. Sauf à se renier ou à continuer des compromissions au-delà du raisonnable. Il n’y a rien à regretter car le combat était juste et nous avons fait ce qui devait être fait. Jusqu’au bout. La preuve étant que la situation actuelle nous a donné clairement raison : le CUP et Auteuil sont désormais tenus par la racaille. Exactement la même qui nous détestait et que nous combattions à l’époque. » »
Racailles, guerre, combat, on est loin du champ lexical des Bisounours… On comprend alors pourquoi les autorités suivent de près ce dossier. « Il y aura des anciens de Boulogne à Bordeaux, ça c’est sûr. Maintenant, de là à dire combien ils seront, si c’est vraiment organisé, ça je ne sais pas », nous dit une source proche du milieu ultra parisien.
… et beaucoup de questions
Mais peut-on prendre cet appel au sérieux ? Et aussi, que reste-t-il du KOB aujourd’hui ? « Pas grand-chose puisque les anciens leaders de Boulogne boycottent le Parc, nous répond Nicolas Hourcade, sociologue à l’Ecole centrale de Lyon et spécialiste du monde des tribunes. Déjà, les gens parlent souvent de Boulogne comme quelque chose d’uni et d’unique alors qu’en fait c’était une addition de différents groupes qui se retrouvaient dans la tribune avec certains points communs mais aussi des différences. Du fait du boycott, il n’y a pas de nouvelle génération. Certains anciens peuvent se mobiliser sur des gros matchs de coupe d’Europe, à domicile ou à l’extérieur, mais lors des précédents occasions, ls n’étaient que quelques dizaines, une centaine tout au plus. »
A l’heure actuelle, il est impossible de dire ce qu’il va se passer samedi à Bordeaux. Et les questions sont plus nombreuses que les réponses. Nicolas Hourcade nous les résume : « Est-ce qu’il y aura pour ce match-là une mobilisation plus importante que d’habitude de la part des anciens de Boulogne ou pas ? Ça on ne le sait pas trop. Et, s’il y a mobilisation plus importante, est-ce que ce sera dans une volonté de confrontation avec d’autres franges de supporters, notamment le CUP ? On ne le sait pas non plus. » Nous aurions bien aimé pouvoir poser ces questions à la LFP et la DNLH mais malgré nos demandes, ni l’une ni l’autre n’ont souhaité nous répondre.
Les autorités sont sur leurs gardes
Les autorités et la LFP ont décidé de prendre les devants en installant les ultras du CUP dans une partie protégée du Matmut Atlantique, dans le virage nord, à l’endroit où se trouve le parcage visiteur, et en sécurisant le trajet du groupe depuis leur arrivée en Gironde jusqu’au stade.
Une mesure assez logique (bien que contestée par le CUP qui pointe du doigt l’amateurisme de l’organisation de cette finale), d’autant qu’un affrontement avec les anciens de Boulogne n’est pas le seul sujet qui inquiète les autorités.
Là encore, on fait appel à Nicolas Hourcade pour nous faire un topo :
>>Deuxième incertitude : « Le CUP est lui aussi une agrégation de plusieurs groupes. Des tensions sont apparues ces derniers mois entre certains d’entre eux et plusieurs groupes qui ont quitté le CUP. Le conflit est notamment fort entre les Karsud, qui ne sont plus dans le collectif, et la K-Soce Team qiu reste l’un des moteurs du CUP. Il y avait déjà des inquiétudes quant à de possibles incidents à Munich (Bayern-PSG, le 5 décembre dernier) mais finalement ils ne s’étaient pas trop croisés. »
>>Troisième incertitude : « Est-ce qu’il y aura une mobilisation des ultras bordelais, qui ont des rivalités avec les ultras parisiens ? Avec ceux de Boulogne d’un côté, puisque les ultras bordelais se positionnent comme anti-raciste et que Boulogne a été pendant vingt ans une tribune réservée aux blancs (même si tous les supporters du KOB n’étaient pas nationaliste, loin de là, il y avait une idéologie dominante). Avec ceux d' Auteuil d’un autre côté puisqu’il y a des conflits avec les Ultramarines depuis plusieurs années. »
On le voit, s’il est difficile de dire ce qu’il adviendra samedi soir à Bordeaux, les sujets d’inquiétudes ne manquent pas pour les organisateurs de cette finale de Coupe de la Ligue. Une inquiétude partagée par notre interlocuteur qui préfère garder l’anonymat (les questions de tensions entre supporters étant toujours très touchy) : « J’espère qu’il ne se passera rien, mais ce qui est sûr c’est qu’il y aura du monde. »
Afin de réduire le risque de débordements, en plus de la mise en place d'un dispositif de sécurité renforcé, la préfecture de Gironde a pris les devants en publiant jeudi soir un arrêté préfectoral résumé ici.
>> Les supporters ultras des deux clubs seront encadrés à leur arrivée et à leur départ. Pour les autres supporters, ils ne pourront se rassembler que dans deux endroits distincts du centre-ville de Bordeaux.
>>Les supporters se revendiquant des groupes d'ultras « Kop of Boulogne » et « Karsud » ont quant à eux interdiction « de circuler, stationner ou d'être présent dans un espace ou une voie publique à l'intérieur du périmètre délimité par la rocade bordelaise et sur la commune de Bordeaux ».
Voilà qui devrait permettre d'éviter que cette finale ne tourne au bazar général. Sur le papier en tout cas.