Neymar: De Santos à Paris (?), comment le père a téléguidé le fils pour faire prospérer la famille sur «cinq générations»
FOOTBALL•Neymar senior, més que le père du futur meilleur joueur du monde (et peut-être du PSG)...William Pereira
«Tout père veut que son fils devienne footballeur. » Neymar da Silva sénior, père de, a une certaine conception de la paternité. Sans doute parce qu’il a un jour rêvé de mener la vie de son fils. « Le père vient d’un milieu social très modeste et a été un footballeur de cinquième catégorie. Il a vu en son fils une revanche sur la vie », disait dans les colonnes de So Foot le défunt président de Santos, Luis Alvaro de Oliveira Ribeiro (dit « Laor ») à propos de l’homme dont dépend le potentiel plus gros transfert de l’histoire du football. Analyse un peu clichée et biaisée par l’amertume d’un transfert houleux du Brésil en direction du Barça en 2013, mais pas fausse pour autant.
Neymar était, à en croire divers témoignages, « un attaquant adroit mais moins fou-fou que junior », localement connu pour avoir fait partie de l’équipe d’Operario (2e division alors) qui a remporté le championnat de l’état du Mato Grosso en 1997. Joie de courte durée. Quelques mois plus tard, le bonhomme est contraint de raccrocher ses crampons à la suite d’un accident de voiture dont ses jambes ne se remettront pas vraiment. Neymar Jr a cinq ans et le paternel voit déjà en lui un futur crack. C’est décidé, il sera son agent.
C’est papa qui s’occupe de tout
Muricy Ramalho connaît bien la famille Neymar. L’ancien coach de Santos, actuellement sans club, roule sa bosse en tant que consultant pour la chaîne SporTv, et accepte d’interrompre son jogging matinal pour parler du tandem père-fils à 20 Minutes.
« « Le père de Neymar s’est toujours occupé de tout pour son fils. Mais vraiment tout. La première chose qu’il a faite pour Neymar quand il a signé au Barça, c’est de prendre l’un des préparateurs physiques de Santos à l’époque et de l’envoyer à Barcelone pour qu’il s’assure que son fils ait une salle de gym digne de ce nom dans sa nouvelle maison, pour qu’il puisse s’entraîner le matin avec le Barça et le soir faire de la récupération chez lui. » »
La santé du fils avant le business. Ou plutôt pour le business. Pour que Junior devienne une icône mondiale, il fallait qu’il soit au-dessus de la mêlée et pas seulement une otarie comme tant d’autres avant lui. En 2006, Senior s’inscrit donc au cours d’éducation physique de l’Université Santa Cecilia pour apprendre « à gérer l’athlète à la maison », comme il l’expliquait en 2013 au magazine brésilien Valor Economico.
« J’avais la pratique mais pas la connaissance d’une personne qui maîtrisait l’aspect physiologique. Je voulais me battre contre Neymar, lui apprendre comment se comporter en dehors des entraînements. » A en croire Ramalho, le père a réussi son pari. « Aujourd’hui Neymar est très solide physiquement. On dirait qu’il est faible parce qu’il est maigre, mais déjà à Santos, c’était lui le meilleur pendant les tests physiques de présaison. »
De maçon à détenteur d’un vaste empire économique
Si l’aspect sportif de son travail d’agent omnipotent lui a demandé beaucoup d’efforts, papa Neymar a toujours déroulé sans peine quand il s’agissait de business. Muricy Ramalho :
« « Il est très doué en affaires. Aujourd’hui, Neymar est une marque et c’est grâce à lui. Il a signé beaucoup de contrats sportifs et publicitaires pour son fils, il est très intelligent. Neymar lui doit beaucoup. » »
Son plan pour « subvenir aux besoins de la famille da Silva Santos sur quatre ou cinq générations », le père l’a commencé en bossant comme il le pouvait après sa carrière de footeux. Un coup comme maçon, l’autre en tant que simple agent de manutention… Boulot qu’il lâchera en 2009. Cette année-là, Junior souffle ses 17 bougies et fait ses premiers pas dans l’effectif professionnel de Santos.
« Je ne pouvais plus concilier le travail avec ce qu’était en train de devenir Neymar. J’étais père, employé, agent et ami », confiait le businessman à Valor Economico. Entretemps, il avait pris soin de lancer l’entreprise familiale NR Sports Jr en 2006. Initialement spécialisée dans la gestion des droits d’image de Neymar Jr, NR étend progressivement ses activités à l’immobilier, la vente de produits dérivés et même au social.
L’agent et père gère les revenus de la nouvelle star brésilienne et s’entoure d’un conseiller de la banque Santander (avec qui il semble toujours travailler) afin de l’investir dans des placements peu risqués. En 2012, la presse brésilienne estime à 10 millions d’euros les revenus générés par la poule aux œufs d’or de Santos. Correction de Neymar Sr : « c’est beaucoup plus que ça ! »
A l’époque, le mérite de cette fortune repose principalement sur le père du joueur. Seul 8 % du patrimoine du joueur provient alors de son salaire (le rapport s’est équilibré depuis son transfert à Barcelone). Le reste de la fortune familiale s’est construit sur la vente de 40 % des droits sportifs du joueur au fond d’investissement DIS en 2009, les activités de NR et les contrats publicitaires. En 2013, Neymar a 21 ans. Et onze sponsors.
Le fonds d’investissement DIS en guerre avec le père Neymar
Renforcée par des conseillers et des avocats toujours plus nombreux, l’entreprise familiale devient redoutable à la table des négociations. De l’aveu de « Laor », toujours dans So Foot, le père de l’international brésilien a tenté d’envoyer son fils en Europe bien avant 2013. « Dès le début, il voulait vendre son fils pour toucher sa commission sur le transfert ». Le Midas de Santos l’a en fait touché en 2011. On évoque 10 millions d’euros de commissions versés préalablement par Sandro Rosell sur le compte du père Neymar à la veille de la finale de la Coupe du monde des clubs entre le « Peixe » et Barcelone. « Comme par hasard, Neymar a été très mauvais ce jour-là et on a perdu 4-0. La situation était indécente », pestait « Laor ».
A qui profite le crime ? Sans doute pas au fonds d’investissement DIS, qui s’est par la suite estimé lésé par des petits arrangements en cachette manœuvrés par le clan Neymar (et… Santos) autour de ce transfert opaque. DIS avait reçu 40 % des fonds versés officiellement à Santos pour la transaction chiffrée à 17 millions d’euros, soit 6,8 millions d’euros*. Mais le juge espagnol a estimé à 25 millions d’euros le montant réel du versement, et donc un manque à gagner pour DIS de l’ordre de 3,5 millions d’euros. De quoi foutre en rogne le fondateur du fonds d’investissement qui n’hésite plus à tirer à vue sur Neymar Sr et son rapport à l’argent. Voilà ce qu’il disait en mars à As :
« « Neymar avait beaucoup de contrats publicitaires mais ne percevait que la moitié de l’argent. Il ne le savait pas mais c’est son père qui gardait l’argent. Un jour, il a bossé avec Ganso et a découvert que celui-ci touchait plus d’argent que lui. Il a découvert que son père gardait la moitié de l’argent et leurs relations se sont refroidies. Là, je vois que ça s’est amélioré entre eux. » »
Muricy Ramalho estime lui que le père et le fils ont toujours entretenu une relation privilégiée. « Neymar croit beaucoup à son père et a toujours fait de son mieux pour ne pas le décevoir. Il voit que sa carrière s’améliore chaque année un peu plus et il n’a aucune raison de ne pas le suivre aveuglément. »
On en a l'illustration depuis le début de la telenovela Neymar. Suarez, Messi, Pique et la direction du Barça, ont multiplié les assauts auprès de l'attaquant brésilien et ont un temps cru profiter de sa versatilité pour arracher le tant désiré « me quedo » (je reste), mais en réalité, le fils ne bougera pas d'un pouce tant que le père n'aura pas décidé du mouvement à réaliser sur l'échiquier du mercato. Le PSG a donc trois choses à faire pour boucler le transfert de Neymar: trouver les fonds pour échapper au fair-play financier, se montrer généreux envers le père du joueur et offrir des garanties sportives dignes du talent de la star, qui aspire à gagner le Ballon d'Or.
*En 2013, le FC Barcelone a annoncé avoir acheté Neymar pour 57 millions d’euros. Sur cette somme, 40 millions d’euros ont été versés à une tierce-partie, que plusieurs journaux espagnols et brésiliens pensent être l’entreprise des Neymar.