«Ça ressemblait à une tournée des Harlem Globe Trotters»: Il y a 10 ans, la Juve s’offrait une année en deuxième division
FOOTBALL•Et il y avait déjà trois joueurs qui joueront la finale de la Ligue des champions face au Real Madrid samedi…B.V.
Commençons par un petit quiz. Si vous avez un peu de temps, prenez votre montre et comptez deux minutes sans en lire plus que la ligne qui vient : qui étaient les trois joueurs présent lors de la remontée de la Juventus en Serie A à l’été 2007 qui seront sur le terrain samedi lors de la finale de Ligue des champions face au Real Madrid ? Des indices ? Mon premier est un gardien légendaire, mon deuxième est le meilleur défenseur du monde, mon troisième a des yeux à tomber.
>> La finale de la Ligue des champions est à suivre en direct sur 20 Minutes samedi soir à partir de 20h30
Si vous n’avez pas reconnu Gianluigi Buffon, Giorgio Chiellini et Claudio Marchisio, ou que vous vous demandez bien ce que pouvait foutre la Juventus en deuxième division italienne, on rembobine. Le 14 juillet 2006, le tribunal sportif rend son jugement dans l’affaire du Calciopoli et condamne la Juventus pour corruption et achat de matchs. Bilan : ses deux titres de 2005 et 2006 lui sont retirés, le club est relégué en Serie B avec une réduction de 30 points, finalement ramenée à 9 en appel.
C’est le début d’une saison au purgatoire. Alors au club depuis deux saisons, Jonathan Zebina se souvient du traumatisme.
« On a tous pris une gifle à ce moment-là. C'est comme si vous présentiez le journal de TF1 et que d’un coup on vous envoyez faire le journal régional. Je me souviens de mon premier déplacement : d’habitude, le capitaine de l’avion annonce que vous allez atterrir à Naples ou Rome, et là il annonce le nom d’une ville improbable dont je ne me souviens même pas, du genre Quevilly. Je me souviens que c’est à ce moment-là que je me suis vraiment rendu compte que j’étais en deuxième division. Juve ou pas Juve, ça fait tout drôle. »
Cette petite ville, c’était Crotone, où jouait à l’époque l’ancien nantais Sébastien Piocelle. « Ca a donné en engouement incroyable à la Serie B, se remémore-t-il. Chaque match était un match de coupe, les stades étaient pleins et les journaux écrivaient presque autant de pages sur la Juve que sur la Serie A. C’était la curiosité. »
S’il n’a pas joué ce match-là, Piocelle retient deux-trois petites choses du retour, à Turin : 1) avoir pris une valise (5/0) et « le bouillon au milieu face à Nedved » 2) avoir quand même « mis un petit pont » au Ballon d’Or tchèque 3) avoir récupéré le maillot de Gianluigi Buffon à la fin du match.
« C'était pas une année sabbatique, mais bon...»
Car oui, Nedved a bien joué en deuxième division cette saison-là. Si Zambrotta, Thuram, Viera ou Ibrahimovic ont quitté le navire après la rélegation, l’effectif a gardé une sacrée gueule. Nedved, Buffon, Chiellini ou Marchisio pour les déjà cités, plus Del Piero, Trézéguet, Camoranesi, Tudor… Le tout coaché par Didier Deschamps. Jamais dans l’histoire du foot une équipe de deuxième division n’avait eu ce niveau.
«Ca ressemblait plutôt à une tournée des Harlem Globbe Trotters qu’à autre chose, poursuit Zebina. On était en pleine possession de nos moyens. Certains ont fait le choix de partir, d’autres se sont embarqués dans cette aventure peu commune. » Sans surprise, la Juve roule sur tout le monde et termine championne. Zebina toujours : « C’était pas une année sabbatique, mais bon… On était habitués à jouer tous les trois jours en Ligue des champions, là on ne jouait plus qu’un match par semaine en deuxième division, forcément c’était facile. On a commencé avec 9 points de retard et à Noël on était déjà premiers. Bon… »
Alors on se dit quand même qu’en guise de conclusion, en regardant derrière sur sa carrière et ce moment « si singulier », Zebina va nous parler d’une belle aventure humaine et d’un souvenir finalement pas si terrible. De l’institution Juve. De la joie de partager ça avec des légendes comme Buffon et Del Piero. Des discours enflammés de Deschamps…
Bah pas vraiment. L’ancien Toulousain n’en garde rien, ou pas grand-chose. « Ce n'était pas un plaisir de jouer en Serie B, ça a même été une grande douleur. On était beaucoup à être dans une année charnière de nos carrières, et on savait que ce n’était pas qu’une seule saison en Serie B, mais qu’il faut dix ans derrière pour reconstruire sur la durée… En plus à cette époque, le sélectionneur de l’équipe de France, Domenech avait décrété qu’il ne prendrait aucun joueur de deuxième division. Il avait inventé cette excuse pour ne pas prendre David (Trézéguet). Et moi je me retrouve au milieu de tout ça… »
Bref, cette saison en enfer a pris fin le 19 mai 2007, il y a tout juste dix ans, sur la pelouse d’Arezzo. Une victoire 5-1 et une promotion immédiate en Serie A. Alors puisqu’on a commencé par un quiz, finissons par un autre. Qui était à ce moment-là sur le banc de ce petit club d’Arezzo, relégué en troisième div ? Indice : c’est lui qui a offert à la Juve son premier titre post Calciopoli.
Antonio Conte, évidemment. Le monde du foot est petit, quand même.