FOOTBALLAttentats, violences... Être footballeur est-il devenu un métier à risque?

Monaco-Dortmund: Attentats, explosions, violences… Être footballeur est-il devenu un métier à risque?

FOOTBALLLes joueurs de foot ne sont pas épargnés par les violences de toute sorte qui marquent notre société actuelle...
Les joueurs du Borussia Dortmund sous escorte policière, lors de leur match de Bundesliga contre Francfort, le 13 avril 2017.
Les joueurs du Borussia Dortmund sous escorte policière, lors de leur match de Bundesliga contre Francfort, le 13 avril 2017.  - Ina Fassbender/AP/SIPA
Nicolas Camus (avec B.V.)

Nicolas Camus (avec B.V.)

De notre envoyé spécial à Monaco,

Ce sont des propos que l’on pourrait croire sortis de la bouche d’un militaire tout juste revenu d’une zone de guerre.

« « J’ai du mal à dormir. Dans mon subconscient, je tremble et je me réveille en sursaut. Le plus terrible, c’est que je n’ai pas encore réussi à passer une nuit normale. Et dès que je ferme les yeux, je revois toute la scène ». »

Sauf que non, ces mots, ce sont ceux de Roman Bürki. Dans le quotidien Der Bund du week-end dernier, le gardien de but de Dortmund est ainsi revenu sur ce qu’il traverse depuis ce satané 11 avril et les trois explosions qui ont touché le bus de son équipe et envoyé Marc Batra à l'hôpital avant le quart de finale aller de Ligue des champions contre Monaco.

La violence des mots est à la hauteur du choc ressenti. Les Lyonnais, témoins de la bêtise de supporters turcs jeudi soir et victimes des coups de quelques Bastiais qui détestent visiblement leur propre club et le football dimanche, pourraient en ajouter d’autres. Les joueurs allemands restés cloîtrés dans le vestiaire du Stade de France le 13 novembre 2015 l’ont déjà fait. Cela fait beaucoup et cela interroge. Footballeur serait-il devenu un métier à risque ?

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Devenu, non. Il n’y a qu’à se plonger dans les archives des cas de joueurs rançonnés, car-jackés, menacés, escroqués voire kidnappés pour s’en rendre compte. En revanche, il l’est sûrement davantage. Et d’une autre manière. « C’est dur de généraliser, mais oui, j’en connais qui ont peur », admet l’agent de joueurs Frédéric Guerra. Le décor est posé.

« Les événements se sont précipités ces derniers temps. Ces histoires reflètent la société d’aujourd’hui. La menace terroriste, la précarité, le chômage de masse, tout ça fait qu’elle est de plus en plus violente, estime le psychologue du sport, Jean-Paul Labedade. Le footballeur, par son statut, son salaire, son image, est une cible prioritaire pour les envieux et les gens mal intentionnés. »

Bientôt un module « gestion des risques » dans les centres de formation ?

Problème, le joueur n’est pas du tout préparé à ça. « Non, c’est évident, abonde le psychologue. Il n’est même pas préparé à être un homme, au sens général du terme. Alors à la gestion de chocs traumatiques… » « On ne peut pas dire qu’ils ne le sont pas du tout, nuance Guerra. C’est un peu fait dans les clubs, et dans les vestiaires aussi, car entre eux ils en parlent. Et puis nous on discute avec eux, de choses et d’autres, des ressentis sur la vie au quotidien. »

Le curseur peut bouger un peu, il reste quand même tout en bas de l’échelle de la prévention. Il y a clairement matière à intervenir. Et dès le plus jeune âge, tant qu’à faire. « Prévenir, ce n’est pas possible car les menaces peuvent prendre beaucoup de formes différentes. Mais les avertir, déjà, leur faire prendre conscience qu’ils sont hors de la norme, les faire réfléchir à l’image qu’ils renvoient, ce serait déjà ça », précise Jean-Paul Labedade, qui prépare un module « gestion des risques » à destination des responsables des centres de formation.

Les joueurs du Borussia Dortmund évacué du bus après les explosions.
Les joueurs du Borussia Dortmund évacué du bus après les explosions.  - Martin Meissner/AP/SIPA

Qu’en pensent-ils de cette idée, justement, ces formateurs appelés à construire les footballeurs de demain ? « On n’a pas cette cellule-là, reconnaît Olivier Bijotat, le directeur adjoint du centre de formation de Valenciennes. Il n’empêche que dans notre communication au quotidien, on éveille les joueurs sur les écueils qui peuvent se présenter à eux. »

Le frère de Dominique (l’ancien coach de Sochaux ou Metz) n’hésite pas à se dire « tout à fait » d’accord pour être aidé dans cette sensibilisation. Un entraîneur est forcément un peu psychologue par nature, mais c’est un domaine qu’il ne peut maîtriser. Trouver les bons mots, c’est un métier. « Des experts peuvent nous apporter des éléments supplémentaires d’action et de réflexion, estime-t-il. La société de 2017 n’a rien à voir avec celle d’il y a 20 ans, vous devez suivre son évolution et suivre son pouls. »

Ça n’empêchera pas d’être choqué par une charge explosive visant son bus et d’avoir la tête à l’envers quand on vous demande de jouer le match dès le lendemain. Mais être préparé aide à évacuer. « Pour qu’un joueur évolue à son meilleur, son esprit doit être complètement libéré de toute contrainte, de toute angoisse, reprend Bijotat. Notre milieu n’est pas épargné, on a un devoir d’alerte. »

A la veille du match retour contre l'ASM, mardi, le coach du Borussia Thomas Tuchel a admis en conférence de presse que lui et son staff avaient « découvert une situation absolument nouvelle », et qu’ils avaient « cherché des solutions toute la semaine » pour épauler leurs joueurs. Voilà peut-être un vécu qu'il ne faudra pas négliger.