OM-PSG: Colombie, McDo et jambe cassée, à la rencontre de trois héros méconnus du Classico
FOOTBALL•Vous ne les connaissez pas ou peu, mais ils ont marqué les confrontations entre les deux clubs...Romain Baheux et William Pereira
Il y a Basile Boli et son coup de boule, Zlatan Ibrahimovic et ses mines et les dribbles dingues de Ronaldinho. Mais l’histoire des chocs entre le PSG et l’OM est aussi peuplée de figures plus anonymes qui y ont connu l’acmé de leur carrière. Avant les retrouvailles entre les deux équipes dimanche au Vélodrome, 20 Minutes vous raconte
João Alves, la gloire et la jambe cassée
Le contexte : Bien avant Pauleta, le Parc des Princes a ouvert son cœur à un autre Portugais, João Alves, dont la gloire parisienne n’aura été que très éphémère. Repéré par plusieurs clubs français - les Girondins de Bordeaux en tête - à l’occasion d’une double confrontation entre son Benfica et le FC Nantes en coupe de l’UEFA, le technique lusitanien file finalement dans la capitale en 1979. Le PSG offre plus d’argent que Bordeaux aux Lisboètes. Très exactement un demi-million de francs. « C’est le plus gros transfert de l’histoire du club à ce moment-là. J’étais titulaire à Benfica, titulaire avec la Sélection. J’avais une bonne réputation », raconte João Alves à 20 Minutes.
Son Classico : Le milieu offensif portugais fait ses débuts sous les couleurs parisiennes à Lyon. Un match nul sans histoire. En revanche, Alves a vu les choses en grand pour son bizutage au Parc des Princes contre l’OM. A l’époque, ce n’est pas vraiment un classique mais l’affiche vaut le détour. « En face, c’est le grand Marseille de Trésor et Linderoth », rappelle l’intéressé.
João Alves ne marque pas, mais il fait encore mieux. « A l’image de l’équipe, je fais un match fantastique. Le stade était plein, il y avait 50 % de Portugais et 50 % de Français. A la fin, tout le monde criait mon nom « Alves ! Alves ! », ça n’arrêtait pas dans les tribunes. Jamais je n’aurais pu rêver meilleur début à Paris. Le lendemain dans la presse, je suis « le héros de Paris », je fais la Une à côté de Platini qui était alors à Saint-Etienne. C’était formidable. »
La suite : Clairement pas un happy-end. Huit jours plus tard, tout s’écroule à Sochaux pour le joueur formé au Benfica. « La pelouse est glissante. Genghini me tacle, sans intention de me blesser. Ça fait partie du jeu. Mais au bout du compte il me casse la jambe. J’ai été blessé pendant plusieurs mois. » Et le poissard ne reviendra jamais à son niveau d’antan, malgré une vingtaine de matchs disputés avant de repartir de la capitale à moitié prix un an après y avoir débarqué.
« Ce club m’a marqué de manière fantastique même si je n’y suis resté qu’un an. Le PSG a tout fait pour essayer de me « récupérer » à 100 % après la blessure. Et puis la ville est vraiment géniale. Je suis toujours le PSG, j’en suis supporter. » C’est beau.
Bruno Rodriguez, l’homme qui a privé l’OM du titre
Le contexte : A 26 ans, Bruno Rodriguez a pris la décision de quitter Metz, où il a été vice-champion de France la saison précédente, pour rejoindre le PSG lors du mercato hivernal en 1999. Malheureusement pour l’attaquant, le club parisien vit une saison difficile et s’avance vers son Clasico début mai coincé dans le ventre mou pendant que l’OM est en tête du championnat, un point devant les Bordelais. « On avait raté notre saison, il ne nous restait que ça pour nous rattraper, raconte-t-il. Moi, j’étais blessé et je ne devais logiquement pas jouer ce match. » Troisième entraîneur du PSG depuis le début de la saison après Alain Giresse et Artur Jorge, Philippe Bergeroo décide quand même de le prendre dans son groupe comme remplaçant, laissant Mickaël Madar et Marco Simone débuter le match.
Son Classico : Depuis son banc de touche du Parc des Princes, Bruno Rodriguez voit les Marseillais ouvrir le score par Florian Maurice. A l’heure de jeu, il remplace Adailton pour mettre la pression sur la défense provençale. « Moi, j’étais plutôt détendu et serein sur ce genre de rendez-vous », glisse-t-il. C’est donc en toute décontraction que l’avant-centre voit Simone égaliser à la 84e. Trois minutes plus tard, alors que les Marseillais mettent la pression pour aller chercher la victoire, la balle échoue dans les pieds de Madar qui le lance parfaitement en profondeur. La suite est dans la mémoire de tous les supporters du PSG : petit crochet sur Porato, but.
« Ça peut sembler facile quand on regarde la vidéo mais c’est parce que je l’avais bossé plein de fois à l’entraînement, glisse-t-il. Moi, ce qui me marque encore quand je vous parle de ce but, c’est le bruit assourdissant du Parc des Princes juste après. On sentait que nos supporters étaient en fusion. » Avec ce revers, les Marseilais se font dépasser par les Girondins qui entérineront leur sacre par une victoire à la dernière journée sur la pelouse du… PSG.
La suite : Bruno Rodriguez poursuit sa carrière entre l’Angleterre, l’Espagne, Lens ou Guingamp avant de prendre sa retraite en 2006. Depuis, l’ancien attaquant a ouvert une boulangerie à Bastia, a été conseiller du Borgo FC et ne demande qu’à replonger dans le milieu du foot, mais continue d’entendre parler du fait le plus marquant de sa carrière. « Il y a six mois, un homme me fixait alors que je faisais la queue dans un McDo parisien. Là, il vient me demander si je suis bien Bruno Rodriguez, je lui réponds oui et il commence à me mimer ce but en plein milieu du restaurant. Mon fils était comme un fou. »
Alexis Pradié, un Minot face à Pauleta
Le contexte : Pape Diouf est furax. Le président de l’OM s’insurge contre le quota de places alloué aux supporters marseillais et aux mesures prises pour assurer leur sécurité. Quelques jours avant le Classico du 5 mars 2006, il annonce qu’il enverra les membres de son équipe réserve, alors en CFA2, défendre les couleurs de l’OM au Parc des Princes. « Je vais être honnête, je croyais que c’était un énorme bluff et je ne me préparais pas du tout à jouer », reconnaît aujourd’hui Alexis Pradié, l’un des membres de la B. Le matin du match, « les Minots » se retrouvent pourtant à la gare Saint-Charles : direction le Parc des Princes, encadrés par des cireurs de banc comme Delfim ou Civelli, pour se frotter au Paris de Pauleta ou Rothen. « Tout le monde nous promettait une déroute », se souvient-il.
Son Classico : « Les joueurs les plus expérimentés nous ont dit de rester calmes parce qu’on n’avait rien à perdre », raconte le défenseur central. Evidemment dominés, les Marseillais s’accrochent et commencent à se dire qu’ils ne prendront pas une valise. Puis, la perspective d’un nul gagne les rangs olympiens. « Les joueurs du PSG trouvaient que ce match était une mascarade, je les sentais énervés, témoigne Pradié. J’ai le souvenir de Pauleta qui disait que c’était n’importe quoi. »
aScore final : 0-0. Fous de joie, les jeunes Marseillais rentrent dans l’histoire des PSG-OM et ont droit à un accueil triomphal à leur retour dans les Bouches-du-Rhône. « On s’est tous dit que c’était une superbe opportunité pour se faire connaître et percer », raconte le défenseur.
La suite : Ces 90 minutes au Parc des Princes seront les seules de la carrière professionnelle d’Alexis Pradié. Ralenti par des blessures, le jeune homme n’est pas gardé par l’OM et file aux Etats-Unis pour étudier le commerce tout en pratiquant son sport. Malgré un essai au FC Dallas, le monde pro ne le botte plus et après un passage au Canada, il fonde une agence de voyages en Colombie, Galavanta, avec sa compagne.
« Je n’ai plus de contact avec les joueurs de cette équipe mais parfois, des touristes français me reparlent de cette rencontre, surtout quand ils ont des enfants qui sont très branchés foot, sourit-il. Cela fait plus de dix ans, et je me dis que ce match a marqué les gens. Moi, ça restera mon premier et mon dernier PSG-OM. »