PSG-Barcelone: Doutes, défaitisme... Comment dépasser ce foutu complexe d’infériorité?
FOOTBALL•Les Parisiens ont intégré depuis trop longtemps qu’ils étaient inférieurs aux Catalans avant de les retrouver en ligue des champions.Julien Laloye
Quelques déclas piquées au hasard dans la presse espagnole du début de semaine. Plus intéressantes que les conférences de presse obligatoire de veille de match, où les journalistes font semblant de poser des questions intéressantes auxquelles les joueurs font eux-mêmes semblant de répondre.
Là, on parle d’entretiens en one-to-one, comme on dit dans le milieu. Le joueur a moins d’échappatoires et il finit en général par lâcher un truc, surtout à la presse étrangère.
Thiago Silva dans le Mundo Deportivo
« « On s’attend à avoir beaucoup de travail en défense, à ne pas avoir une minute de répit. S’ils sont dans un grand soir, ce sera très difficile de les arrêter. Quel que soit le défenseur, c’est presque impossible de les arrêter. Il faut garder une concentration maximale, les empêcher d’avoir le ballon et prier Dieu ». »
Marco Verratti dans As
« « Même si je suis dans un projet fantastique et que je me sens à la maison, n’importe quel joueur jouerait pour le Barça. C’est toujours la meilleure équipe du monde. Lors des dernières années, on a beaucoup joué contre le Barça. Nous savons que c’est difficile de les battre. Il sera important de ne pas prendre de but à l’aller. Nous allons voir si c’est possible ». »
Thiago Motta dans le Mundo Deportivo
« « Nous avons beaucoup de respect pour une équipe qui, ces dernières années, a réalisé quelque chose de très spécial, a gagné, a pratiqué un jeu génial. C’est une équipe que tout le monde veut suivre, et de s’en approcher sur ces 15 dernières années. Nous les prenons à nouveau, et nous espérons que cette fois-ci, nous les éliminerons ». »
Pas besoin d’avoir fini major de promo à Oxford pour saisir que tout ça ne respire pas un optimisme forcené. Les types ont l’air de croire autant en eux que des militants LR qui tractent sur les marchés pour Fillon. Tel est le fameux complexe d’infériorité dont on vous parle dans le titre et dont le PSG est entièrement responsable.
Le péché originel du PSG version Qatar ? Avoir beaucoup trop clairement pris pour modèle le club catalan au départ. Jouer comme eux, mais aussi s’organiser comme eux,jusqu’à débaucher un ex du Barça pour organiser la formation. Rappelez-vous Les premiers mots de Nasser Al-Khelaïfi lors de sa prise de fonctions : « Nous allons partir à la recherche du nouveau Messi ». Autant d’intentions louables, certes. Mais l’élève a été confronté beaucoup trop vite au maître. Et il n’a jamais assez cru en lui pour le dépasser jusqu’à intérioriser qu’il n’y arriverait sans doute jamais.
>> Acte 1. Avril 2013 : l’occasion ratée du Nou Camp
La mère de tous les complexes. Souvenir personnel de tribune de presse en Catalogne.Une première heure incroyable du PSG contre une équipe en grande souffrance. Messi et sa jambe clopinante sont sur le banc, Suarez et Neymar sont encore loin et la réflexion d’un collègue : « C’est ça, le grand Barça ? ». Pas vraiment, non. En demies, les Catalans se feront rouster par le Bayern à l’aller et au retour.
Mais les joueurs parisiens, virtuellement qualifiés après un contre éclair conclu par Pastore n’en croient pas leurs yeux. Et se font pipi dessus après l’entrée de Messi, qui rentre pourtant en boitant. On se souvient encore du murmure dans le stade et de joueurs parisiens soudainement prostrés sur le terrain, comme si l’Argentin allait guérir les écrouelles d’un simple regard. But de Pedro, et une qualification méritée qui s’envole bêtement.
Pourtant, à la fin, tout le monde est fou de joie d’avoir tenu tête au Barça, journalistes compris.Lisez nos papiers de l’époque et ces lignes sur Nasser-al-Khelaïfi
« « L’équipe a joué un match fantastique ici au Camp Nou. Nous avons perdu un seul match en Ligue des champions, c’est une grande performance Nous sortons donc de la compétition la tête haute. Est-ce qu’on va la gagner un jour ? C’est difficile à dire… Mais nous espérons y arriver dans les cinq ans, c’est notre objectif. » »
Imaginez seulement le verrou qui aurait sauté dans les têtes parisiennes ce soir-là en cas de qualification en Nou Camp. A commencer par celui des quarts de finale, un obstacle toujours infranchissable pour le PSG.
>> Acte 2. Septembre 2014. Le trop-plein d’enthousiasme après la victoire en poule
L’un des meilleurs matchs du PSG dans l’épreuve. Sans Ibra, les hommes de Laurent Blanc font tomber le Barça de Luis Enrique (3-2). Belle perf’, pas de soucis là-dessus. Mais beaucoup trop d’enthousiasme a posteriori.Retrouvé encore dans un de nos papiers d’époque. (Nasser au micro).
« « Je suis très heureux et très fier. C’est la plus belle victoire de ma vie, acquise contre la meilleure équipe du monde. Ça a été difficile mais elle récompense la performance des joueurs. » »
Un peu too much, comme ce numéro de l’Equipe qui classe la victoire du PSG parmi les 10 plus grands exploits de l’histoire du foot français. Twitter s’en tape encore les cuisses.
Bref, un nouveau jugement hâtif sur la rivalité PSG-Barça, qui ne penche toujours que d’un côté. Au retour, presque dans la discrétion (y compris la nôtre), les Catalans reprendront en effet la première place de la poule après un succès tranquille (3-1).
>> Acte 3 : Avril 2015. La démission du Camp Nou
L’un des jours les plus tristes des aventures parisiennes en C1 sous l’ère qatari. Paris a perdu largement à l’aller, plombé par les blessures (3-1). Pour la qualif, ça paraît mort, mais quand on prétend être une grosse équipe européenne, on joue sa chance jusqu’au bout. Anecdote personnelle, bis. Dans l’avion, nous sommes assis à côté d’un supporter parisien et son fils, 7-8 ans au jugé, avec la permission de maman pour faire sauter l’école. Le môme va voir le premier match de sa vie dans un stade, avec ce que cela suppose à cet âge. L’odeur du gazon, des images pour toujours, une soirée inoubliable, et une passion qui devancera toutes les autres, peut-être.
Sauf que ce soir-là, le PSG joue une parodie de match. Un confrère avait averti la veille que certains cadres n’avaient pas très envie de participer à une rencontre perdue d’avance. Bien vu. C’est une démission en bonne et due forme présentée par les Parisiens, confirmée en zone mixte.
« « On est tombés contre plus fort que nous, constate Matuidi. Après, essayer de faire mieux… les solutions ce n’est pas moi qui vais vous les donner, à part continuer à bosser. Et puis avoir une chance au tirage aussi, on n’en a pas eu cette année. Tomber contre le Barça actuel… » »
Ça y est, c’est fait. Le complexe d’infériorité est acté avec les mots.
>> D’où notre question de départ : Le PSG a-t-il les moyens de passer outre cette année, au-delà de la qualité footballistique des uns et des autres qui place le Barça en éternel favori ? Les témoignages cités plus haut laissent à penser que les joueurs n’en sont pas persuadés, ce qu’on peut difficilement leur reprocher.
- L’équipe ne s’est pas franchement renforcée cette saison, et quand la direction claque 30 plaques sur un joueur non qualifié pour l’Europe, le message envoyé aux troupes est limpide
- Emery, pourtant débauché pour briller en C1, galère comme pas possible face au Barça
- Le Barça est invaincu en 2017 et Messi n’a jamais rencontré le PSG dans une forme pareille
- Le PSG ne sait pas jouer comme les équipes qui emmerdent habituellement le Barça, en suivant la recette popularisée par l’Atletico : pressing de malade quitte à prendre un rouge >> Que des Usaïn Bolt en attaque >> Un gardien chaud patate >> de la chatte >> beaucoup de chatte.
Autant dire que le passif est lourd, et que l’affaire se joue pour partie dans la tête : si les Parisiens ne sont pas absolument convaincus qu’ils ont les moyens d’éliminer le Barça, ils sont un peu près sûrs de ne pas y arriver. Quelques indices laissent entrevoir la perspective d’un exploit : la forme de Cavani, l’apport de Draxler,la dynamique des dernières semaines, la nouvelle adversité en Ligue 1, les faiblesses défensives du Barça certains soirs, un Parc en fusion comme à la belle époque. Voilà pour les faits rationnels, auxquels s’accrocheront les suiveurs et les supporters. En espérant que les joueurs les suivent.