FOOTBALLEt si le secret des Islandais, c'était que personne les comprend?

Euro 2016: Parler une langue absconse sur le terrain, c’est ça le secret des Islandais?

FOOTBALLQue le premier adversaire de l'Islande à l'Euro 2016 qui arrive à espionner leurs consignes tactiques lève la main...
Christine Laemmel

C.L.

«Yaaaaaaaaa… JAAAAA… JAAAAA… Jarghaah ». Tout le monde a frissonné en écoutant le commentateur islandais partir en vrille à la fin d’Autriche-Islande et d’Angleterre-Islande. Mais à part les onomatopées suffisamment expressives, personne n’a pipé mot de son extase. On est en 2016 et il a fallu attendre qu’un journal islandais s’y colle pour avoir la traduction.

C’est que l’Islandais est une langue particulièrement inintelligible pour le reste du monde. « C’est une des langues les plus complexes », acquiesce Karl Gadelii, professeur de linguistique nordique à la Sorbonne. En termes de prononciation, de syntaxes comme de forme des mots, elle ne ressemble à aucune autre.

Non, les Suédois ne les comprennent pas non plus

« C’est une très vieille langue, le Norrois, amenée sur l’île par les Vikings scandinaves, il y a 1000 ans. Elle a été conservée de manière remarquable car elle n’a subi aucune influence de l’extérieur », prévient notre professeur. C’est comme si les Français parlaient encore latin, en gros. Mais alors, si les Vikings ont amené la langue, les Scandinaves doivent parler la même, me direz-vous ? Et bien non, car moins isolé que l’Islande, la Suède, la Norvège et le Danemark ont subi les influences de leurs voisins. « Moi, je suis Suédois, illustre Karl Gadelii, je peux comprendre le Norvégien et vice versa, mais je suis incapable de saisir l’Islandais. »

Schéma sur l'islandais
Schéma sur l'islandais - CL

Résumons : il n’y a qu’en Islande que l’on parle islandais, si on fait abstraction des quelques milliers d’expatriés en Amérique de Nord et en Scandinavie. On peut aller jusqu’à 400.000 personnes dans le monde, pas plus.

Comme le corse, ça peut servir

Dont 23 qui charment en ce moment le public français avec leur surprenante réussite. Déjà que leur organisation, leur acharnement et leur simplicité dans le jeu ont déstabilisé tour à tour les Pays-Bas, le Portugal, l’Autriche et l’Angleterre, leurs échanges en Islandais sèment-ils encore plus la confusion chez les joueurs adverses ? On connaît l’importance de la communication sur un terrain. Entre coéquipiers, entre le coach et ses joueurs. « Attention dans ton dos, ou on corrige un placement pendant un temps mort, égrène Gilles Cioni, du SC Bastia. Si on ne se parle pas beaucoup, c’est mauvais signe ».

Les adversaires, eux peuvent facilement prêter l’oreille aux consignes qui fusent et adapter d’autant leurs réactions. Sauf quand on ne pipe pas un mot du dialogue. « Quand je joue avec des coéquipiers corses, ça m’arrive de parler corse, raconte Cioni. C’est pas pour cacher ce qu’on dit, ça me vient naturellement, mais c’est sûr que - sauf si en face ils sont bilingues italiens - ils vont rien comprendre. Quand ça t’arrive, tu mises tout sur le visuel et tu es beaucoup plus attentif à l’action qui va suivre. » Quant à notre commentateur islandais, on n’a pas très envie qu’il crie de joie dimanche contre les Bleus, même si on ne comprend rien.