Euro 2016: Et au pays, ils se comportent comment les hooligans russes ?
FOOTBALL•Les fauteurs de troubles à Marseille attendant les matchs à l’étranger pour de mesurer à d’autres groupes de supporters…Julien Laloye avec T.L.G.
«Ils étaient très préparés pour ça, comme toi quand tu joues à Call of Duty. Les gens s’étonnent qu’ils n’aient pas été arrêtés mais il faut savoir qu’ils connaissaient très bien le plan de Marseille.Ils savaient comment s’échapper, c’était un peu partout sur certains forums ». La confidence est signée Robin, un étudiant français de Saint-Pétersbourg bilingue en Tolstoï, proche des fans du Zénith. Elle dit deux choses sur les hooligans russes qui ont ravagé Marseille le week-end dernier et qui promettent de recommencer mardi à Lille.
a- 1 – Les gars avaient coché ce match de longue date. Ils s’étaient même entraînés pour sélectionner les plus féroces en vue de l’Euro, comme le montre une vidéo qui circule dans les médias anglais mardi.
- 2 – Ils font visiblement ce qu’ils veulent en Russie puisque tout le monde était au courant de l’expédition punitive en préparation et qu’ils ont débarqué en France sans se faire inquiéter.
C’est un point qu’on voulait vérifier, d’ailleurs. Comment des mecs de cette trempe, des brutes épaisses fans de MMA et d’arts martiaux divers, pouvaient passer inaperçus dans le championnat russe ? Tous nos interlocuteurs sont formels. A la maison, les hooligans russes ne bougent pas une oreille. Exemple parlant avec Thomas Phibel, quatre ans à jouer dans le championnat de russe.
« « Avant de partir, on m’a dit "tu es fou, tu vas te faire insulter, ils vont te traiter de sale noir, te faire des cris de singe..". Je n’ai rien entendu de tout ça. Je n’ai même jamais eu un problème tout court, pourtant je suis allé dans des endroits où ils n’avaient pas vu beaucoup de gens de couleurs. Au niveau de la sécurité, c’est pareil. Que ce soit après une victoire ou après une défaite, ça n’a jamais été chaud à la sortie du vestiaire ou autour de chez moi. Après, je ne dis pas que les supporters russes sont des anges, mais là je viens de signer à l’Etoile Rouge de Belgrade, les Serbes à mon avis c’est quelque chose ». »
Le fin mot de l’histoire ? Les petits anges n’ont pas beaucoup de marge de manœuvre chez eux, ce qu’on peut comprendre assez facilement quand on croise un membre des Omon, les troupes spéciales du ministère de l’Intérieur russe. L’équivalent de nos CRS, mais avec une conception de la démocratie que l’on qualifiera pudiquement de différente. « Des Robocop mais en plus light quand même », nuance Adrien Lahetier, journaliste pour Footballski et grand passionné de la Russie, où il a longtemps vécu. « En France, on a l’habitude d’être fouillés par des stadiers quand on va voir un match. Là-bas, c’est par des policiers, systématiquement. Et ça peut aller assez loin. Une fois, on m’a fait ouvrir mon paquet de cigarettes pour vérifier ce qu’il y avait dedans. Je me souviens aussi d’un derby entre le CSKA et le Lokomotiv Moscou. En sortant du métro, on tombe sur des militaires, des jeunes appelés qui formaient une ligne infranchissable. Ils triaient les supporters au porte-voix, les uns à gauche, les autres à droite, ça ne mouftait pas ».
Les vrais durs, qui ne font pas nécessairement partie des ultras des plus grands clubs – mention spéciale aux suiveurs du Torpedo et du Dynamo de Moscou, présents en nombre à Marseillaise - restent donc à la périphérie des stades en Russie. Mais en dehors des matchs, les autorités leur lâchent la bride. Les groupes de hooligans en profitent donc pour se donner rendez-vous loin des villes et organiser des parties de torgnole mémorable.
« Je vais souvent au bar des ultras du Zenit et j’ai rencontré un mec qui avait la main cassée et le nez pété, nous explique Robin, notre étudiant de Saint-Petersbourg. Il s’était tapé à Kazan avec les mecs du CSKA Moscou, en finale de Coupe. Il m’a dit que là-bas ça avait pété bien fort, avec 100 mecs de chaque côté avant le match. C’est assez codifié, il y a des règles, pas de couteau, pas de poing américain. C’est vraiment à mains nues.Ils veulent juste la bagarre, c’est une sorte de sport pour eux ». Un sport toléré par le pouvoir, qui n’a pas mis une énorme volonté à partager ses informations avec la France avant l’Euro. On parle de 30 à 40 profils signalés à la police française, contre 2 500 du côté des Allemands, par ordre de comparaison.
Des informations qui valent ce qu’elles valent. Evidemment, les Russes connaissent parfaitement leurs hooligans, et ils n’entendent pas se laisser déborder en 2018, lorsqu’ils hébergeront le prochain mondial. « Ça se passera très bien, le Kremlin n’a aucun intérêt à voir son Mondial gâché, reprend Adrien Laethier. Ça peut même être un argument. "Regardez, en France ils n’ont pas réussi à gérer, alors que chez nous il n’y a aucun souci" ». C’est vrai qu’a priori, ce ne sont pas les Irrésistibles français qui vont venir mettre le feu à Moscou.