INTERVIEW«Si la France gagne l’Euro, j’aurais énormément de mal à me maîtriser»

Euro 2016: «C’est parfois frustrant», Thierry Braillard raconte les matchs en tribune officielle

INTERVIEWLe Secrétaire d’Etat aux Sports est un vrai passionné de foot mais ses fonctions l’obligent à une certaine retenue lors des matchs…
Thierry Braillard, le secrétaire d'Etat aux Sports, le 13 janvier 2016 au Parc des Princes.
Thierry Braillard, le secrétaire d'Etat aux Sports, le 13 janvier 2016 au Parc des Princes.  - PIERRE RAPHAEL/SIPA
Nicolas Camus

Propos recueillis par Nicolas Camus

Thierry Braillard est un vrai fan de football. Le secrétaire d’Etat chargé aux Sports, originaire de Bron, à côté de Lyon, est notamment un proche de Jean-Michel Aulas. Alors inutile de dire que cet Euro en France, il va le vivre à fond. Enfin, autant que faire se peut. Car pendant que vous sauterez dans les bras de vos potes en beuglant lorsque Griezmann sauvera la patrie à la 89e minute face à la Roumanie, vendredi, lui sera contraint à une certaine retenue en tribune officielle. Jusqu’à quel point ? L’homme politique nous raconte ce qu’on peut faire et ce qu’il vaut mieux éviter pour ne pas déclencher un incident diplomatique.

Comment se passe un match en tribune officielle?

Tous les dirigeants des équipes ou des nations qui jouent sont là, alors forcément avant le match on parle de dossiers en cours, des compétitions, de toutes sortes de choses. Ensuite on va en tribune. «La Marseillaise» est toujours un moment spécial, où on est en communion avec son équipe. Et pendant le match, on vibre comme tout supporter. On est avant tout des amateurs de foot, on est comme tout le monde, avec parfois des remarques de certains un peu perfides sur des passes ratées ou des choses dans le genre. Moi j’avoue que je suis vraiment supporter, dans le sens où j’essaie toujours de trouver le positif.

Est-ce qu’on fait attention à ne pas trop en faire, à trouver un équilibre entre ce côté supporter et le fait de devoir se tenir vis-à-vis de l’adversaire?

C’est vrai que quand il y a un but, on ne va peut-être pas extérioriser comme on le ferait si on était dans une autre tribune. Il y a une sorte de retenue diplomatique à avoir, c’est normal. Mais le cœur bat très fort à l’intérieur. C’est parfois un peu frustrant.

D’autant que vous êtes un vrai passionné de foot. On vous a briefé pour cet Euro?

Non, je suis assez grand pour m’autogérer. J’ai de la chance d’avoir l’habitude de regarder des matchs dans ces conditions privilégiées, j’ai appris à retenir mes émotions. Après, si la France gagne l’Euro, là j’aurais énormément de mal à me maîtriser.

Jacques Chirac lors de la finale de la Coupe du monde 1998.
Jacques Chirac lors de la finale de la Coupe du monde 1998.  - GABRIEL BOUYS / AFP POOL / AFP

Jusqu’où peut-on aller en tribune? On se lève quand il y a un but, on peut faire la ola?

On fait la ola, déjà parce qu’il y a une mauvaise habitude qui a été prise par les supporters: Quand ils tentent d’en lancer une, en général ils sifflent avant même qu’elle arrive à notre tribune parce qu’ils pensent qu’on n’est pas capable de la faire. Alors on la fait. Et puis quand il y a un but, oui on peut se lever et il y a des applaudissements. On a quand même le droit d’extérioriser notre joie ! Après, il y a des limites. Vous ne nous verrez pas nous lever et sauter sur «qui ne saute pas n’est pas Français». Ce serait un peu décalé comme image.

Vous arrivez à être naturel, tout de même?

Oui, oui… Intérioriser un peu n’empêche pas de vivre le match pleinement.

Vous avez le droit de vous mettre de la peinture sur le visage, de venir avec un drapeau?

On peut mettre le maillot sous le costume. Ça se fait pas mal, pour montrer l’affection qu’on a pour notre équipe et qu’on en est les premiers supporters.

Thierry «MJ23» Braillard.
Thierry «MJ23» Braillard. - BEBERT BRUNO/SIPA

Est-ce que vous avez travaillé votre tête qui veut dire «désolé, vous vous êtes bien défendu» au moment où vous serrerez la main de votre homologue en fin de match, alors que ce n’est pas forcément ce que vous pensez?

[Il rigole]. Ah, on essaie toujours de ne pas être hypocrite. Avec Miguel Cardenal [le secrétaire d’Etat aux sports espagnol], on s’est beaucoup vu pour les matchs de basket notamment. Quand on les avait battus chez eux [en quarts de finale du Mondial 2014], je regrettais presque d’avoir gagné. Mais lors de l’Euro en France, en demi-finale [défaite des Bleus 80-75], il a pu prendre sa revanche. Il est venu me voir et m’a dit qu’il était désolé. A force de vivre ce genre de moments, ça créé des liens d’amitié. Et on garde toujours en tête qu’il faut aller au-delà de l’enjeu.

Ça ne doit pas être tout le temps facile, si?

Non, non, c’est sûr. J’espère qu’il n’y aura pas de matchs aux tirs au but là, ça c’est une épreuve terrible à vivre.

Vous vous êtes préparés émotionnellement pour cet Euro?

Je suis un vrai passionné de sport, et de foot. Contrairement à d’autres, qui peuvent trouver le temps long, je ne m’ennuie jamais devant un match. Je n’y vais pas pour me montrer, j’y vais pour la passion et bien sûr la responsabilité.

Quel est votre pronostic pour le match d’ouverture, vendredi?

Ce premier match très important. Je fais partie de ceux qui pensent que la Roumanie est un adversaire redoutable, peut-être le plus dur de ce groupe. Donc j’espère que la France va commencer la compétition par une victoire, ce serait un bon signal pour la suite des événements. Et je vois les Bleus aller loin.