De nos envoyés spéciaux en province,

66 millions de Français et eux, et eux, et eux. Ils vivent à New York, Bogota ou Lagos mais leur cœur va vibrer vendredi soir pour le match de l’Equipe de France face à la Roumanie. Pendant l' Euro, des millions d’expatriés vont suivre à distance les matchs des Bleus. Cinq d’entre eux, répartis à plusieurs endroits de la planète, nous racontent comment ils vont suivre l’événement.

Jean-Marc Laforêt, 62 ans, ambassadeur de France en Colombie

« Vendredi, on va regarder le match dans l’auditorium du lycée français de Bogota. Il sera 14h, il y a sept heures de décalage. J’ai invité mon homologue roumain et on devrait être une centaine de personnes. On a prévu de faire la même chose avec les deux autres matchs des Bleus. Bon, pour l’Albanie, il n’y aura pas de représentant car il n’y a pas d’ambassade albanaise à Bogota. Mais ce sera plus équilibré avec la Suisse qui a de nombreux représentants ici. Les jours de match, on est souple avec les salariés de l’ambassade qui veulent regarder le match. Ça ne perturbe pas trop l’activité. En plus, l’un des matchs du premier tour (France-Suisse) se jouera un dimanche.

Mardi, avec d’autres ambassadeurs basés à Bogota, on a affronté une sélection d’anciennes gloires colombiennes. Et un grand maillot de l’équipe de France (6 mètres sur 5) a été affiché sur la façade de l’ambassade. Bien sûr, il y a actuellement la concurrence de la Copa America où la Colombie vient de se qualifier pour les quarts de finale. Mais l’Euro intéresse. La question qu’on me pose le plus souvent est liée à la sécurité autour de l’événement. Sinon, les Colombiens ne supportent pas vraiment un pays européen en particulier. Ils sont plutôt supporters des clubs dans lesquels jouent des Colombiens. Par exemple, chaque lundi matin, on a l’impression que le Real Madrid, où évolue James Rodriguez, est une équipe colombienne.

Didier Rosenfeld, 40 ans, gérant de fonds à New York

« Je vais regarder les matchs de l’Euro dans des bars ou bien avec d’autres Français, chez moi ou chez des amis. Dans ces cas, je mets un maillot de l’équipe de France : j’en ai un de Zidane, et un autre non floqué. Aux Etats-Unis, pour l’ambiance, il vaut mieux aller dans un bar. Mais lorsqu’il s’agit d’un gros match, il faut s’y prendre plusieurs heures à l’avance pour être sûr de rentrer. Un bar n’est pas censé dépasser sa capacité d’accueil et certains font payer l’entrée.

Parmi l’assistance, tu vas trouver deux-tiers d’Européens, de Latino-Américains, d’Africains, de la première ou de la deuxième génération. Je ne dis pas qu’il n’y a pas aussi des Américains fans de baseball, mais il y en a peu. En dehors des Français, la France n’est pas particulièrement suivie. Quand je parle des Bleus, un Anglais ou un Irlandais va me ressortir la main de Thierry Henry contre l’Irlande (en 2009). D’autres vont me parler du coup de boule de Zidane en 2006. La grève en Afrique du Sud, en 2010, a aussi frappé les esprits, ici. J’ai beau expliquer qu’il faut tourner la page, tout cela les marque un peu plus qu’une histoire de style de jeu.

Wilfried Sandaran, 35 ans, cadre technique à Tahiti

« Vendredi, je ne travaille pas, je vais pouvoir regarder le match d’ouverture… J’ai pris beIN Sports donc je regarde les matchs comme ça. Pour les matchs de 21h, ce sera 9 h du mat' pour moi, ça fait bizarre. J’ai regardé tous les matchs de Ligue des champions en prenant le petit dej', ça a une autre saveur qu’avec la pizza et les bières. Pour le reste de la compétition, mon boss aime bien le foot donc visiblement, c’est prévu qu’on puisse prendre des pauses au travail pour regarder l’équipe de France mais c’est tout, pour les autres matchs, ce sera impossible.

A Tahiti, ils sont passionnés de foot mais l’Euro c’est tellement loin et vague qu’on ne sent aucune ferveur pour l’instant. Les voisins nous disent qu’ils vont regarder mais si je n’évoque pas le sujet, ce n’est pas la discussion qui arrive en premier. Après, je sais qu’ils seront tous derrière l’équipe de France, c’est clair. »

Ghislain Rambaud , 36 ans, chef d’entreprise à Taipei (Taiwan)

« Pour un match à 21h en France, nous, il sera 3 h du matin. Pour les jeunes expatriés, c’est jouable. Moi, soit je me lève à 3 heures, je prends un café et je regarde en streaming ou sur une chaîne câblée, soit je fais un début de soirée avec des potes puis à l’heure du match, on se retrouve entre Français dans des sports bars qui diffusent la rencontre. La France a une bonne cote de sympathie grâce à un joueur comme Olivier Giroud, qui est beau gosse. A une époque, c’était Gourcuff.

Je me souviens quand Zidane colle son coup de boule à la Coupe du Monde 2006, il était 6 heures du matin. Je me revois dans la rue la tête entre les mains à crier : « Putain, qu’est ce qu’il a fait ? ! ». A côté de moi, les gens allaient bosser et me regardaient avec des grands yeux… Les Chinois supportent les champions, les équipes qui gagnent donc Allemagne ou Italie. Pour les différentes coupes du monde, on trouve souvent devant les écrans dans les bars des jeunes Taïwanais intéressés par le sport, les Européens qui supportent leurs pays, mais aussi des petites Taïwanaises qui sont là pour choper de l’étranger… »

Olivier Levigne, 50 ans, directeur d’une filiale de Yamaha à Lagos (Nigéria)

« J’attends cet Euro avec énormément d’impatience. Vendredi, je vais regarder le match tranquillement chez moi avec mon fils devant la télé. On a le bouquet Canal + Afrique donc on devrait voir la plupart des matchs. En plus, il n’y a qu’une heure de décalage avec la France, donc ça va. A Lagos, il y a beaucoup d’Européens et ça n’arrête pas de se chambrer avant l’Euro. D’ailleurs, les gens vont dans des endroits bien spécifiques en fonction des matchs. Par exemple, j’ai des amis irlandais qui détestent l’Angleterre. Je vais les accompagner dans un bar anglais juste pour encourager l’adversaire des Anglais.

D’une manière générale, les Nigérians suivent énormément la Premier League. Ils connaissent donc les joueurs français comme Giroud, Martial, Koscielny qui évoluent en Angleterre. Par contre, l’Euro les intéresse moins qu’une coupe du monde. En 2014, tout le pays s’arrêtait quand les Super Eagles jouaient au Brésil. Ce ne sera pas le cas cet été. D’ailleurs, en ce moment, on parle plus de la mort de Keshi, ancien sélectionneur du Nigéria que de l’Euro qui commence vendredi».