Euro 2016: Soutien populaire, testostérone et arbitres... Jouer à domicile, un réel avantage pour la France?
FOOTBALL•La science tend à dire oui. Sur le terrain, ce n'est pas si évident...Nicolas Camus
Gagner une grande compétition à domicile ? Facile. De notre point de vue de Français en tout cas. A trois jours du début del’Euro, le souvenir de la marche triomphante de 1998 est là, bien sûr, tout comme celui à peine jauni de la bande à Platini roulant sur l’Europe en 1984. Et si cela s’expliquait par la science ? Si ce n’est évidemment pas automatique - d’ailleurs, les Bleus sont les derniers à avoir été au bout à la maison, que ce soit lors d’un Euro ou un Mondial -, de nombreuses études se sont penchées sur le sujet et ont trouvé quelques pistes intéressantes. On a tenté de les explorer, avec l’avis d’un champion du monde, Alain Boghossian.
- La piste évidente : Le facteur foule
Oui, ça paraît logique. Enfin, si tant est que le joueurne se liquéfie pas dès que 10 personnes crient son nom. Le principal avantage de jouer à la maison, c’est tout de même de pouvoir compter sur ses supporters. Partout où vous allez, les gens sont derrière vous. A l’occasion des Jeux de Sotchi en 2014, des chercheurs de l’Université du Staffordshire ont affirmé dans la revue américaine de l’Association for Psychological Science que « jouer sur son terrain a pour effet de transcender les joueurs ». Sans entrer dans les détails ( par ici, en anglais, si vous le souhaitez), cela a un rapport avec le nombre et l’intensité des cris, et de ce que cela provoque chez le sportif. Plus le public sera fidèle et passionné, plus le sportif sera transcendé.
L’avis du champion du monde : ça joue, et pas qu’un peu
« C’est vraiment le truc dont il faut profiter. Ce n’est pas un hasard si la France a gagné deux de ses trois titres sur son territoire. Même en étant à Clairefontaine, on est informé au quotidien. Ce n’est pas un bunker. On sent l’engouement. Il faut prendre ça comme un point positif et s’en servir. Ça peut aider un groupe à se stimuler, à se surpasser, à faire beaucoup d’efforts ensemble pour aller au bout. Les encouragements vont aller crescendo si les résultats sont là. Le supporter, il est comme ça. Dès que vous gagnez, il est derrière vous…. Surtout en France ».
- La piste polémique : Les décisions arbitrales
Ce point, évidemment sujet à controverse, met également en avant l’influence de la foule. Les arbitres, maîtres du jeu impartiaux, restent des êtres humains. Et peuvent donc être influençables. « Ils sont de plus en plus solides et confiants, mais quand 40.000 voix crient "main" la décision peut devenir du 50-50 », résume Sandy Wolfson, de l’université de Northumbria.
Un jour, un psychologue du sport du nom d’Alan Nevill a fait une expérience (tout est là). Il a proposé un montage vidéo de 47 tacles à un groupe d’arbitres et leur a demandé de dire, pour chacun, s’il y avait faute ou non. Ces derniers étaient divisés en deux groupes, un avec le son de la foule, l’autre sans. « Ceux qui avaient le son se sont montrés beaucoup plus hésitants à sanctionner l’équipe locale. Ils ont jugé illicites 15 % de tacles en moins que les arbitres de l’autre groupe », peut-on lire dans les conclusions de l’expérience, publiées dans un livre et le magazine New Scientist en 2002.
L’avis du champion du monde : N’importe quoi (et puis ça n’a pas empêché Zidane de prendre un rouge contre l’Arabie Saoudite)
« Ça me paraît compliqué aujourd’hui. Il est sous l’œil des caméras, il est étudié et surveillé par des gens chargés de le noter. Il doit rendre une carte blanche s’il veut continuer à officier, il n’a aucun intérêt à prendre en compte le fait qu’une équipe joue chez elle. C’est un métier qui s’est beaucoup développé, ils sont bien mieux préparés aujourd’hui. Ils sont prévenus de ce genre de chose ».
- La piste couillue : Le taux de testostérone
En 2009, deux chercheurs de l’Université de Northumbria ont fait des tests avant un match de U19 de deux équipes de Premier League. Résultat, le taux de testostérone augmente de 40 à 67 % chez ceux qui jouent à domicile. Et ça, c’est important sur un terrain. La testostérone ne sert pas qu’à avoir une libido surdéveloppée (ou pas…), elle est aussi le stéroïde anabolisant de base. En gros, plus on en fabrique, plus on est fort physiquement.
« Chez les animaux, la testostérone commande l’agressivité. On sait qu’ils se battent plus férocement quand ils défendent leur territoire. Cette étude montre que chez les hommes aussi. Quand vous jouez à la maison, vous défendez votre territoire. La preuve : Ce sont les derniers défenseurs, les gardiens, qui présentent les montées les plus spectaculaires », explique l’un des deux scientifiques, Nick Neave. « Des taux élevés augmentent le caractère de dominance. Les joueurs sont alors plus agressifs, et plus déterminés sur le terrain. Cet état d’excitation extrême explique sûrement pourquoi lorsqu’ils jouent à domicile les sportifs gagnent plus souvent », décrypte le Dr Jean-Christophe Seznec, psychiatre spécialisé en psychopathologie du sport.
L’avis du champion du monde : Peut-être, mais on s’en tamponne
« Oh ça… c’est difficile ce que vous demandez, là. Quand on est joueur de foot, on se prépare pour jouer une compétition de haut niveau, à être au top de ce qu’on peut faire le jour J. Le taux qui est supérieur ou inférieur au truc de je sais pas quoi, on s’en tape ! On ne se sent pas différent en rentrant sur le terrain. La seule différence, c’est que vous êtes chez vous, et que vous avez un public avec une énorme attente derrière vous. Il n’y a plus qu’à se sublimer, c’est tout ».