Ligue des champions: Pourquoi Cavani sera toujours le bouc-émissaire du PSG
FOOTBALL•L’attaquant uruguayen est dans une très bonne période, mais on ne le loupera pas en cas de mauvaise performance ce mardi contre Malmö...Julien Laloye
Edinson Cavani peut bien planter des coup-franc juninhesques ou des demi-volées Wayne Roonesque, l’état de grâce de l’attaquant uruguayen ne trompe personne : il sera le premier à morfler ce mardi si le PSG ne met pas une déculottée à Malmö. En dépit d’un bilan statistique honorable, Cavani reste ce joueur clivant, capable de donner des envies de meurtre à un moine tibétain à Louis II, avant d’enchaîner par quatre buts monstrueux en deux matchs. Celui sur lequel on vomit notre haine de supporter frustré dès qu’il n’enchaîne pas amorti poitrine et extérieur en lulu, c’est-à-dire la plupart du temps. Rémi Casanova, enseignant à l’université Lille-III et fondateur de l’observatoire des bouc-émissaires, nous explique pourquoi il est si facile de détester Cavani.
Un film d’époque très sympathique/DR
PS : Notez que le premier théoricien de la chose s’appelle René Girard, et que le brave homme n’avait rien contre les arbitres ou les journalistes, lui.
Etape 1 : « Pour qu’une personne soit considérée comme un bouc-émissaire, il faut qu’elle soit porteuse de signes distinctifs par rapport au groupe. Dans le cas de Cavani, par exemple, qu’il soit trop payé par rapport aux autres, où qu’il soit maladroit devant le but. »
Bon ben là, pas besoin de vous faire un dessin sur les signes distinctifs de l’asticot. Qui d’autre que ce bon Edinson pour rater un plat du pied tout fait à deux mètres du but contre Guingamp ou Montpellier ?
Etape 2 : « C’est la phase de stigmatisation. Le groupe commence à faire des reproches à l’individu. Les supporters se plaignent, ses coéquipiers lui en veulent, et les journalistes commentent sa maladresse. Affectueusement, il peut prendre la place d’un autre membre du groupe sur le terrain. »
Oh que oui. Parce que pendant que Cavani massacre les taupes ou remplace Aurier au poste d’arrière-droit (avec Wan der Viel on comprenait, cela dit), quid de Lucas et ses raids de dragster brésilien ? Et surtout, quid de notre Javier d’amour, peut-être le plus beau joueur du championnat dans ses bons jours ? Sur le banc de touche, en attendant que Cavani veuille bien se blesser…
Etape 3 : « On arrive à l’exclusion du groupe. Alors elle peut être juste symbolique, comme le fait de siffler la personne dans un stade de foot. Le joueur peut aussi être privé de l’usage de la parole en interne. »
Les familiers du Parc des Princes savent que l’Uruguayen s’arrête rarement tailler le bout de gras les soirs de défaite. Est-ce à dire que les cadres du vestiaire parisien lui demandent de la boucler ? Probablement pas. En revanche, on se souvient avoir perçu un certain nombre de fois l’agacement du Parc quand Cavani semble capable de tout sauf de cadrer une frappe.
Etape 4 : « La figure du bouc-émissaire ne fonctionne que si elle renforce le groupe. C’est ce qu’on appelle le processus de réconciliation sur le dos de l’intéressé. Cela permet d’évacuer les tabous groupaux, c’est-à-dire tous les sujets trop graves qui risqueraient de faire exploser l’équipe. Tout ce qu’on ne veut pas approfondir. »
Dans le cas qui nous intéresse ? Se concentrer sur le marronnier Cavani, c’est faire semblant d’oublier, entre autres, l’insupportable neutralité d’Ibrahimovic lors des matchs qui comptent en Ligue des champions. C’était, l’an passé, le moyen de ne pas trop taper sur le tout petit niveau des remplaçants parisiens lors du match aller face à Barcelone en quarts de finale.
Etape 5 : « Le statut de bouc-émissaire est définitif s’il permet au groupe d’aller mieux. Pour votre Cavani, le fait d’être critiqué même quand tout va bien pour le PSG, alors c’est juste un défouloir pour les autres. Dans ce cas-là, on parle simplement d’une tête de turc, qui remplit son rôle pour que tout continue à fonctionner. »
Voilà, on y est. S’acharner uniquement sur Edinson ? En fait, c’est le signe de la bonne santé du PSG. Dire du mal du Matador alors qu’il n’a jamais été aussi fort à Paris ? C’est faire en sorte que toute l’équipe reste soudée autour d’un même souffre-douleur. Moralité : on veut bien continuer à bâcher « Edin » toute l’année si cela donne une Ligue des champions à la France.