INTERVIEW«Les gens ne font pas attention aux cyclistes», s'énerve Pascal Chanteur

Affaires Scarponi et Offredo: «Les gens ne font pas attention aux cyclistes», fustige Pascal Chanteur

INTERVIEWL’ancien cycliste et président de l’Union nationale des cyclistes professionnels, Pascal Chanteur, s’inquiète de l’intégrité physique des coureurs sur les routes…
William Pereira

Propos recueillis par William Pereira

L'essentiel

  • Les cas Scarponi décédé samedi suite à un accident et Offredo, agressé lundi, relance le débat de la sécurité des coureurs à l'entraînement
  • Pascal Chanteur s'inquiète de voir que les automobilistes ne se préoccupent pas plus des cyclistes
  • Selon lui, Yoann Offredo serait encore sous le choc de son agression

Il y a d’abord eu le décès tragique de Michele Scarponi, samedi 22 avril, renversé non loin de chez lui en Italie. Puis, lundi, l’agression de Yoann Offredo par un automobiliste qui venait de manquer de le renverser. On pourrait remonter un peu plus loin encore, en 2016, date à laquelle Warren Barguil et ses coéquipiers de chez Giant avaient été heurtés par un véhicule. Au fond, c’est toujours la même problématique : celle de la sécurité des coureurs. Aujourd’hui, pour le président de l’Union nationale des cyclistes professionnels, Pascal Chanteur, elle est très loin d’être assurée.

Quelle est la vie d’un cycliste professionnel à l’entraînement ?

La vie d’un cycliste c’est en grande partie sa zone d’entraînement qui est la voie publique avec toutes les contraintes de la circulation et de la sécurité routière. Les incivilités, le manque d’attention, le manque de civisme, le manque de respect. Il y a de moins en moins de respect sur la route. A titre personnel ça fait 15 ans que j’ai arrêté le vélo, je roule très peu, très rarement. J’ai enfourché mon vélo il y a une quinzaine de jours et c’est juste incroyable (soupir)… Ça a totalement changé.

Qu’est-ce qui a changé ?

C’est le téléphone en voiture, c’est pas de clignotant… Ce sont des incivilités qui rendent très dangereux le partage de la voie publique, surtout pour les cyclistes. Pas que les cyclistes professionnels même si eux sont particulièrement exposés comme ils parcourent 40.000 km par an, mais aussi tous les utilisateurs de la bicyclette. Chaque années, il y a 150 utilisateurs de vélo qui meurent en France. Aujourd’hui en France comme dans tous les pays latins c’est pas du tout la même façon de gérer la voie publique que dans les pays dits du nord comme les Pays-Bas, la Belgique, etc.

« « Les coureurs dorment presque avec leur casque. Ils font même les interviews avec… C’est des professionnels de la route. Les mecs, ils savent faire du vélo. » »

En quoi doit-on s’inspirer de ces pays ?

Il doit y avoir une prise en compte auprès des utilisateurs de la route. Aujourd’hui on va demander aux coureurs et aux autres utilisateurs de faire attention donc on met en place des pistes cyclables qui sont tout sauf utilisables. Je pense que tout devrait commencer par le Code de la route et l’attribution du permis de conduire. Aujourd’hui il n’y a aucune question sur le vélo ni sur le deux-roues dans le passage du Code de la route. Les automobilistes ne connaissent pas la réglementation concernant la distance à maintenir entre un véhicule motorisé et un vélo. L’autre chose, c’est qu’il n’y a pas de répression…

Est-ce que les coureurs reçoivent des conseils, des formations ? J’imagine qu’on leur dit de porter le casque…

(Il coupe) Vous faites bien d’en parler. Je vais vous dire. Aujourd’hui la loi ne stipule pas qu’un cycliste porte un casque. Ce n’est pas obligatoire. Sauf que pour la petite histoire, tous les coureurs portent le casque. Ils dorment presque avec. Ils font même les interviews avec leur casque… C’est des professionnels de la route. Les mecs ils savent faire du vélo. C’est eux les victimes.

Est-ce qu’il y a des endroits où il est plus dangereux de rouler et à l’inverse des endroits ou des circonstances moins dangereux dans lesquels on pourrait conseiller aux cyclistes de rouler ?

Ecoutez au bout d’un moment si on veut minimiser les risques, il suffit d’aller sur un anneau fermé, et on fait du vélo comme ça. Sauf que le problème ce n’est pas ça. On est des gens civilisés, pas des animaux. Moi je prends ma voiture, si je vois un vélo, j’y fais attention. Sauf que les gens qui sont au volant n’y font pas forcément attention. Parce qu’ils ont eu une journée difficile, parce qu’il y a un excès de stress et d’énervement on va faire n’importe quoi, et c’est une fois que le cycliste est sous les roues qu’on se dit « bah merde, qu’est-ce que j’ai fait » ! Tous les endroits peuvent être dangereux pour un cycliste.

« « Yoann m’a dit "Pascal, je te promets, j’ai vu dans ses yeux qu’il voulait me tuer", et ça, c’est grave » »

Il y a un détail marquant, c’est que quand on entend certains coureurs parler, on a l’impression que l’accident à l’entraînement est une fatalité dans leur carrière…

Oui mais ça ne doit pas l’être. Ça devient une fatalité parce qu’on ne fait pas ce qu’il faut pour l’éviter. Et puis autre chose et j’en parlais encore récemment au ministère du sport, c’est qu’il n’y a aucune culture de l’effort et du sport en France.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Il y aurait quelque part une sorte de mépris envers le cycliste ?

Bien sûr. Mais bien sûr. Combien de fois quand vous êtes à vélo, vous vous faites doubler et on vous dit « vous faites chier, les cyclistes » mais comme le joggeur qui va faire son footing va se faire houspiller parce qu’il gêne. C’est quotidien et de pire en pire.

Que pensez-vous de l’affaire Offredo ?

C’est une affaire très grave. J’ai eu Yoann juste après l’altercation bien sûr. Nous, on a mandaté notre avocat qui va suivre la procédure. Yoann était atteint dans sa chair et psychologiquement. Il a très mal vécu psychologiquement l’agression. Il m’a dit « Pascal, je te promets, j’ai vu dans ses yeux qu’il voulait me tuer », et ça, c’est grave. Rien n’excuse le fait de tabasser quelqu’un. Il peut y avoir des mots, il peut y avoir un geste mais rien n’excusera qu’on prenne un bout de bois pour taper sur quelqu’un.