France - Maroc : « On a montré qu’on était au niveau », les Marocains veulent construire sur leur épopée
FOOTBALL•Les Marocains et leur sélectionneur Walid Regragui sont fiers de leur parcours mais souhaitent durer au plus haut niveauWilliam Pereira
L'essentiel
- Malgré sa défaite en demi-finale, le Maroc a montré un visage beaucoup plus conquérant qu’attendu face aux Bleus.
- Un comportement qui démontre que l’équipe marocaine a de l’avenir, après avoir éliminé la Belgique, l’Espagne et le Portugal dans la compétition.
De l’un de nos envoyés spéciaux à Al-Khor,
20 minutes. C’est notre nom, mais aussi le temps passé par Romain Saïss sur la pelouse du stade Al Bayt. La blessure musculaire qui mettait son Mondial en sursis a fini par avoir raison de l’inébranlable volonté du capitaine marocain. Celui-ci aurait préféré retourner sur le terrain pour féliciter ses coéquipiers pour la qualification historique en finale, mais c’est en général vaincu qu’il est péniblement revenu consoler, en claquettes-chaussettes.
« Forcément, il y a de la déception, a commenté le défenseur du Besiktas après la défaite contre la France. On est des compétiteurs et on aurait aimé aller au bout. Mais on a réalisé quelque chose d’exceptionnel. » Il est encore un poil trop tôt pour le réaliser. Mais une fois l’amer goût de l’échec dissipé et l’élimination digérée viendra le temps de la fierté pour les Lions de l’Atlas.
Petit rappel de leur parcours ridiculement exceptionnel, où seul le Canada a fait office d’adversaire facile :
- Match nul contre le finaliste du Mondial 2018
- Victoire contre le 3e du mondial 2018
- Victoire contre deux des trois derniers champions d’Europe
- Ont fait trembler les champions du monde en titre
Les 40 minutes où le Maroc a fait trembler les Bleus
Le dernier point mérite que l’on s’y attarde, parce que c’est le plus récent et qu’il concerne les Bleus. Il y a bien ce but regrettable concédé trop tôt, « qui a donné des certitudes à l’équipe de France et lui a permis de rester dans son schéma », comme le commentera Walid Regragui en conférence post-match. Mais il y a surtout eu ces 40 minutes, entre la fin de la première période et le KO de Randal Kolo Muani, où les Bleus n’en ont pas mené large, principalement sur le couloir de l’enfer Ziyech-Hakimi. « On a montré qu’on avait de la personnalité et on s’est procuré des occasions après le but encaissé », se satisfait Yassine Bounou. Regragui, développe :
« « On avait dit que s’ils nous laissaient le ballon, on le prendrait. On l’a fait mais on a fait trop d’erreurs techniques en première période. En deuxième période, on a été plus adroits, on a moins perdu de ballons, on leur a posé des problèmes, on s’est créé beaucoup de situations mais on n’a pas été décisifs dans les 30 mètres. On voulait marquer pour leur mettre le doute. » »
A défaut de marquer, ils auront semé le doute, tout court. Mais les Bleus ont pour eux le vécu du champion et des talents individuels incomparables. Ou, comme le dirait Deschamps, « un mélange de qualité, d’expérience, d’état d’esprit, même dans les périodes difficiles. » Le sélectionneur marocain ne souscrit cependant pas à la théorie selon laquelle son équipe était inférieure tactiquement. Si elle n’a pas pu aller au bout de son rêve, c’est que « la marche était trop haute d’un point de vue athlétique. On a trop de joueurs qui ont joué à 60 %, 70 %. Ça ne suffit pas pour gagner un Mondial. »
Ça risque de ne pas suffire pour accrocher la troisième place, non plus. D’autant plus que Regragui entend faire tourner face à la Croatie, pour permettre à ceux qui n’ont pas joué de « connaître le goût d’une Coupe du monde ». Une manière de les remercier de leur contribution à la bonne vie du groupe en dépit de leur faible temps de jeu.
« Qu’on ramène des trophées au Maroc ! »
Au fond, 3e ou 4e, c’est pas que ça importe peu, mais presque. Qui diable regarde les médaillés de bronze en faisant la rétrospective des dernières Coupe du monde ? Ce qui compte, c’est l’héritage. Le Maroc a ouvert une brèche en permettant au football africain d’atteindre pour la première fois le top 4 mondial. S’offrent à lui deux options : contempler ce glorieux fait d’armes sans jamais le répéter, ou s’inscrire durablement au sein de l’élite du football. Romain Saïss a fait son choix. « C’est quelque chose qui doit nous servir dans les prochaines compétitions, Coupes du monde, Coupes d’Afrique. Tout est possible dans le football quand on fait ce qu’il faut, quand on a l’état d’esprit, l’envie de tout donner sur le terrain. Et qu’on ramène des trophées au Maroc ! »
Walid Regragui prévient néanmoins : la route sera longue. « On a montré qu’on pouvait être au niveau dans ces compétitions, c’est merveilleux, mais maintenant il faudra confirmer. Il faut qu’on revienne tout le temps en Coupe du monde, sans avoir à attendre 20 ans, et que passer le premier tour devienne normal pour nous. Ce parcours du Maroc va libérer les équipes africaines et les joueurs africains, et leur montrer qu’on peut rivaliser avec les Européens. Mais il ne faut pas qu’on s’enflamme. Il y a encore du travail. »