Coupe du monde 2022 : Lâchez l’affaire les gars, ce Mondial est encore pour nous (aka le retour de la chatte à DD)
FOOTBALL•Longtemps dominés par une séduisante équipe d’Angleterre, les Bleus ont retrouvé leur bonne étoile de 2018 et rien ne semble pouvoir les arrêter
Aymeric Le Gall
L'essentiel
- Les Bleus sont en demi-finale de la Coupe du monde après leur victoire (2-1) face à l’Angleterre, samedi, au stade Al Bayt.
- Dominés de la tête aux pieds pendant presque tout le match, les Bleus ont su se montrer efficaces aux bons moments et profiter d’une part de chance bienvenue.
- Au-delà de cette baraka, les hommes de DD semblent portés par une force indicible qui pourrait bien les mener à un nouveau sacre dimanche prochain.
D’un de nos envoyés spéciaux à Al-Khor (Qatar),
Avant de rentrer dans le vif du sujet, ayons une pensée émue pour ce « potichat » qui ne verra jamais la grisaille nord de l’Angleterre. Depuis leur arrivée à Doha, les Anglais, et notamment Kyle Walker, se sont pris d’affection pour un matou qui a pris ses quartiers dans leur hôtel, au point de lui promettre une adoption en cas de victoire finale le 18 décembre prochain. Adoption qui n’aura pas lieu, donc, puisque les Three Lions ont croisé la route des Bleus qui leur ont indiqué la porte de sortie au terme d’un match épique, samedi, en quart de finale. Qu’il se rassure, le félin ne perd pas au change vu comment ceux-ci semblent couler des jours heureux dans la capitale qatarie. On le sait, on en a un nous aussi au pied de l’hôtel. Marcel qu’il s’appelle.
Il y en a un autre en revanche – une, en l’occurrence – qui a des chances de revoir la France si les Bleus vont au bout de leur aventure. On veut bien évidemment parler de la célèbre « chatte à DD », cet animal de compagnie que le monde nous envie et qui nous avait tenus si chaud en Russie, mais qu’on croyait portée disparue depuis le fiasco de Bucarest lors du dernier Euro. Hé ben non, elle est bel et bien de retour, la chipie. Pour s’en convaincre, il suffisait d’aller faire un tour sur Twitter samedi soir, sur les coups de 21h48, quand Harry Kane expédiait son péno presque un mètre au-dessus du but de Lloris, signe que la chance avait choisi son camp.
Quand la chance choisit son camp
Elle l’avait d’ailleurs fait depuis un moment, on songe notamment au poteau trouvé sur cette tête de Harry Maguire qui, si elle était rentrée, aurait pu changer totalement la face du match et de l’histoire de ce Mondial pour l’équipe de France. Tout qualifié qu’on soit, il faut aussi savoir se montrer honnête, la victoire des Bleus en demi-finale tient plus du petit miracle qu’autre chose tant les Anglais ont été dominateurs dans à peu près tous les domaines, sauf les fautes commises et les cartons jaunes reçus. Peut-être même qu’un jour on dira que le football est un sport qui se joue à onze contre onze et qu’à la fin ce sont les Français qui gagnent, allez savoir… Quelle revanche sur l’histoire que ça serait, vous avouerez.
En attendant, les Bleus sont à nouveau dans le dernier carré d’une Coupe du monde, la deuxième fois en deux éditions, ce qui impose tout de même le respect. Et s’ils ne le doivent pas à leur jeu flamboyant, pas samedi en tout cas, ils ont pu compter sur un savant mélange d’efficacité (8 tirs, 5 cadrés, 2 buts), de chance mais surtout de foi. C’est ce que rappelait Didier Deschamps en conférence de presse après le match. « La qualité ne suffit pas, avançait le sélectionneur. Dans ce groupe il y a aussi le mental, et peut-être aussi un peu l’expérience. J’ai des jeunes joueurs et d’autres plus expérimentés et il y a une force collective qui se dégage depuis le départ. Cela se joue toujours à peu de choses à ce niveau. Avoir fait basculer le match comme cela et avoir résisté jusqu’au bout, il y a besoin de cela dans une Coupe du monde. »
Car, ne nous y trompons pas et sachons redevenir sérieux deux minutes, cette fameuse « chatte » qu’on brandit vulgairement comme un étendard n’est rien d’autre que cette force collective qui accompagne un groupe persuadé depuis son arrivée au Qatar d’être guidé par quelque chose qui nous dépasse. Pour Adrien Rabiot, premier Français à se présenter en zone mixte samedi, sur les coups de 00h30, c’est « cette capacité de résilience, cette capacité à souffrir tous ensemble » qui a fait la différence. « Bien sûr qu’on a souffert, mais on n’a jamais lâché, enchaîne-t-il. C’est cette unité, cette solidarité qu’on a depuis le départ qui nous guide dans ce Mondial. C’était un match très engagé, un grand combat. On est contents parce qu’on sort d’un match qui n’était pas facile. On est très fiers. »
« Feel the magic in the air »
« Il y a une superbe énergie dans ce groupe et ça ne date pas d’aujourd’hui. C’est le cas depuis le départ, embraye Kingsley Coman, tout sourire malgré son rôle de joker de luxe dans l’ombre de Dembélé. Forcément quand les résultats sont bien, tout va mieux, mais de manière générale on fait les efforts les uns pour les autres, les joueurs qui jouent peu, qui jouent moins, tout le monde tire cette équipe vers le haut et donne son maximum. » On l’a encore vu sur le second but français signé Olivier Giroud, quand les joueurs du bas ont tapé un sprint pour aller sauter dans les bras de leurs coéquipiers à l’opposé des bancs de touche. Même Benjamin Pavard, pourtant très affecté par la décision de Didier Deschamps de le rétrograder dans la hiérarchie des latéraux droits, avait la banane au moment d’aller saluer son pote.
On pourrait penser de l’extérieur ce genre de détails anodins mais c’est tout le contraire. Car il en faut de la force pour cette dizaine de mecs qui a bien compris, à l’image du seul changement effectué par le sélectionneur alors que les joueurs sur la pelouse semblaient éprouver les pires difficultés face aux assauts répétés des Anglais, qu’il y avait onze bonshommes d’un côté et le reste du groupe de l’autre. Et pourtant tout ce petit monde vit en parfaite communion depuis le premier jour du rassemblement à Clairefontaine.
« Il y a une force qui est là, il y a des choses qui se dégagent de cette équipe et se matérialisent sur le terrain, admet volontiers Deschamps. Je suis très fier de ce groupe-là, de par tous les moments qu’on passe ensemble au quotidien. Cela me plaît de les voir comme cela. Et le meilleur ciment pour concrétiser tout cela, ce sont les résultats, les qualifications. » Ancien cadre de la bande de 2018, Blaise Matuidi ne s’y est pas trompé au coup de sifflet final en postant un « Feel the magic in the air » annonciateur d’une possible nouvelle grande épopée.