Coupe du monde 2022 : Déclic, maturité, régularité… Retour sur la métamorphose d’Ousmane Dembélé
FOOTBALL•Ousmane Dembélé est une pièce maîtresse de l’équipe de France de Deschamps dans ce Mondial. Il partait pourtant de loinAymeric Le Gall
L'essentiel
- Auteur d’un début de Coupe du monde quasi parfait, Ousmane Dembélé est devenu un élément incontournable de l’équipe de Didier Deschamps au Qatar.
- Son histoire en Bleu n’a pourtant pas toujours été idyllique, à l’image de ce qu’il a vécu depuis son arrivée au Barça, du fait d’une hygiène de vie parfois douteuse.
- Epargné par les blessures et plus professionnel au quotidien, le joueur semble avoir repris le fil d’une carrière qu’on lui prédisait brillante depuis des années.
De notre envoyé spécial à Doha,
Ça y est, le jour de gloire est (enfin) arrivé. Pas celui où nous soulevons la Coupe du monde, non, il faudra pour ça faire preuve d’encore un peu de patience, mais celui où nous mettons l’inimitable Ousmane Dembélé à l’honneur. Pour tout vous dire, cela fait un moment que ça nous titillait. Et si certains au service des sports de 20 Minutes ont pu douter de lui – citons par exemple, sans en nommer son auteur, ce blasphème lancé après la première victoire des Bleus face à l’Australie, « Mouais, attention, je regarde régulièrement le Barça et un match sur deux il passe à côté » - on ose croire qu’aujourd’hui le voilà assis à nos côtés dans le train de la Dembouz Mania.
Son ancien coach au Stade Rennais Philippe Montanier, lui, en est : « Il a extrêmement bien commencé ce Mondial dans les qualités qui sont les siennes : la percussion, le jeu combiné, à droite, à gauche, comme il est aussi à l’aise d’un pied que de l’autre. Il a participé à dynamiser l’attaque de l’équipe de France. On le sent vraiment dans de bonnes dispositions. » Titularisé d’entrée face à ces mêmes Socceroos il y a quatre ans en Russie, le jeune Ousmane était passé à côté de son match et Deschamps ne l’avait plus jamais remis dans son onze de départ. Interrogé à ce sujet en conférence de presse, une semaine après l’arrivée des Bleus à Doha, le joueur n’a pas oublié.
« En 2018, j’ai raté mon premier match et ça m’a coûté ma place. Je suis ambitieux aujourd’hui, je veux débuter les matchs, marquer, faire marquer. Je veux être un protagoniste de cette Coupe du monde. » « On sait que l’environnement d’une Coupe du monde est impactant d’un point de vue émotionnel, et le premier match l’est d’autant plus, on l’a encore vu avec les novices contre la Tunisie, analyse le coach du TFC. Il faut apprivoiser ça et je pense que cette expérience de 2018 a été enrichissante de ce point de vue là pour Ousmane, elle lui a servi. »
Au Barça, des hauts et beaucoup de bas
De là à dire qu’elle fut un déclic, non. Car entre l’été 2018 et celui-ci, c’est rien de dire que la carrière de Dembouz a plus eu des airs de montagnes russes que de tyrolienne dans le Juste Prix (les vieux comprendront, les jeunes googleront). Pétri de talent depuis son tout jeune âge, à l’image de Kylian Mbappé, celui-ci n’a pas connu la trajectoire ascendante et rectiligne que laissaient présager ses deux saisons folles à Dortmund. Son arrivée au Barça, escortée de son lot de pressions après le départ d’un Neymar qu’il était censé remplacer au pied levé, a coïncidé avec le début des emmerdes.
Retards en cascade, écarts de conduite, hygiène de vie douteuse, Dembélé n’a pas su éviter les pièges de la starification. « Je n’avais pas une hygiène au sens où on l’entend non plus, a-t-il tempéré l'autre jour avec le sourire. Ce n’était pas la fête, quoi ! ». Il y a deux ans, Laurent Huard, son ancien coach avec la CFA2 du Stade Rennais, comparait quand même la vie d'Ousmane avec celle « d’un jeune étudiant qui quitte le domicile familial et qui fait ses premières conneries. » La fête, quoi !
Philippe Montanier file la comparaison avec Mbappé, micro en mains, façon Tonton David : « Chacun son chemin, explique-t-il. Comme Kylian, c’était un talent très précoce, mais peut-être que les étapes se sont trop vite enchaînées pour lui, de Rennes à Dortmund, de Dortmund au Barça. Je fais partie de l’ancienne génération qui a vu Zidane éclore à Cannes, grandir à Bordeaux, se révéler à la Juventus et dominer au Real. Maintenant, les jeunes sont tellement précoces qu’ils grillent parfois les étapes, ce qui peut parfois les ralentir dans leur progression, et c’est peut-être ce qui a pu arriver à Ousmane. » Sans parler de son entourage, pas toujours de bon conseil ces dernières années.
« L’environnement des footballeurs est déterminant, poursuit l’entraîneur toulousain. Ce sont des gamins qui deviennent vite multimillionnaires, ce n’est pas toujours évident de ne pas péter les plombs, théorise son ancien coach en Bretagne. L’environnement est important pour avoir une certaine stabilité émotionnelle. On sait que la préparation invisible, l’alimentation, le sommeil, la récupération, est primordiale dans la performance des joueurs si on veut réussir au très, très haut niveau. » Et éviter les blessures, ce qui est le fil rouge de la carrière de Dembélé depuis son arrivée au Barça. Conscient qu’il file un mauvais mouton et qu’il peut définitivement basculer du côté obscur de la force, le bonhomme se reprend en main. Selon L’Equipe, c’est en novembre 2019, lors d’un séjour à la clinique Apsetar de Doha, que le déclic a lieu.
Un meilleur travail de préparation athlétique
Son corps est une machine de précision et le football de haut niveau un sport qui demande qu’on y mette un peu du sien. C’est la fameuse préparation invisible dont parlait Philippe Montanier. Accompagné depuis deux ans et demi par un préparateur physique et un kiné en lien permanent avec le staff du Barça, Dembélé fait désormais ce qu’il faut pour prévenir la moindre blessure. Des trucs tout bêtes mais qui font la diff, comme la mise en place d’un protocole d’avant et d’après match très précis et suivi à la lettre par le joueur. Depuis novembre 2021, celui-ci n’a plus connu le moindre pépin physique quand, jusque-là, il comptabilisait 698 jours d’absence (!) depuis son transfert au Barça en 2017. De quoi se sentir libre dans sa tête et dans ses jambes.
« « Quand il est en pleine possession de ses moyens physiques, c’est un joueur exceptionnel, appuie Montanier. Aujourd’hui c’est une pièce essentielle du onze de Didier Deschamps. Ce qui m’a toujours plu chez lui, c’est que c’était un joueur qui est capable de réaliser des exploits individuels mais qui était aussi très altruiste. Sa grande force c’est de sentir quand est-ce qu’il faut faire la différence tout seul et quand est-ce que c’est mieux de servir un partenaire. Il sent parfaitement cela et ce n’est pas donné à tout le monde. » »
Lancé sur le sujet en début de Mondial, Jérôme Rothen est baba du joueur. « Quand il joue comme ça, il est juste magnifique. Pour moi on peut parler de génie du foot, il sait tout faire. On peut le mettre au même niveau que Kylian Mbappé en termes de talent pur. »
« Je le regarde comme un spectateur », admet Fofana
Aux entraînements comme en match, Dembouz épate aussi les petits nouveaux du groupe France. « Je connaissais ses qualités, je le voyais à la télé, mais je ne le connaissais pas personnellement. Dès le premier entraînement, je peux vous dire que ses crochets, bah… C’est vrai ! », rigolait le Monégasque en conf il y a quelques jours. Même impression du côté de Youssouf Fofana : « Sur le terrain, c’est vraiment très impressionnant : on ne sait jamais s’il va aller à droite ou à gauche, on ne sait jamais où l’emmener ni quoi faire. On sait juste qu’il ne faut pas lui laisser prendre de la vitesse sinon c’est trop tard. Moi, je le regarde comme un spectateur. » Il y a quelques semaines, Xavi disait de lui qu’il était « peut-être le meilleur joueur du monde à son poste ». Rien que ça.
Sans compter que depuis le début de la Coupe du monde, Dembélé ne rechigne pas sur les efforts défensifs, condition nécessaire pour faire partie de l’équipe de Deschamps. Tchouaméni après la victoire contre le Danemark : « Il y a des fois où il récupérait le ballon, où il taclait, je me disais ''ha ouais !''. Je regarde les matchs du Barça, franchement il ne défend pas autant (rires) ! Aujourd’hui, avec le volume de jeu qu’il a, il nous impressionne ». Casseur de vésicules biliaires, généreux dans l’effort, bon camarade et ambianceur de groupe, Dembouz ne semble donc plus avoir le moindre défaut aujourd’hui. Ha si, il a peur des chats, nous a appris Randal Kolo Muani. Une tare qui ne devrait pas avoir d’impact sur ses performances de dimanche, les armoires à glace polonaises n’étant a priori pas réputés pour leur côté félin.