Coupe du monde 2018: «Je dois apporter des ondes positives»... Adil Rami, profession ambianceur
FOOTBALLEUR•Le défenseur central ne joue pas mais son rôle dans le groupe est quand même important...Nicolas Camus
De notre envoyé spécial à Istra,
C’est un rôle pas facile à tenir. Dernier joueur de champ à ne pas avoir disputé une seule minute dans cette Coupe du monde - ce qui ne devrait pas changer jusqu’au bout, sauf séisme à Istra ou épidémie de maladie rare -, Adil Rami ne vit pas la même compétition que les autres. Il le savait avant de partir. Quand on est un défenseur central remplaçant, la fenêtre de tir est très réduite. Un cas comme celui de Samuel Umtiti, passé de réserviste à titulaire à partir des quarts de finale lors du dernier Euro au gré des blessures (Varane) et des suspensions (Rami justement), n’arrive presque jamais. « C’est vrai que c’est plus compliqué de rentrer en jeu que quand on est attaquant, dit-il. En plus, la défense marche bien aujourd’hui. »
Alors il s’est fait une raison. « Franchement, je le vis bien. Très bien, même, assure-t-il. Je ne suis pas frustré, je profite. Dans un pays de 66 millions de personnes, on est 23 à être sélectionnés. C’est une chance. A chaque début de match, j’espère de tout cœur que Raph [Varane] et Sam [Umtiti] n’auront pas de problème. »
De toute façon, même si c’était le cas, ce serait sûrement Kimpembe qui rentrerait. Comme lors du match face au Danemark, où le Parisien a été titularisé pour reposer Umtiti (le fait d’être gaucher a aidé quand même). Le rôle de Rami est ailleurs, il le sait et c’est pour ça que Didier Deschamps l’a convoqué, aussi. « Je dois apporter des ondes positives et mes qualités de caractère, de force mentale, résume-t-il. Faire comprendre aux jeunes que le talent c’est bien, mais que contre l’Uruguay il va falloir être généreux, aller au combat. »
L’humour, c’est drôle
La grande force de Rami, c’est aussi de se faire entendre. Dans un monde où la parole d’un joueur qui n’est jamais sur le terrain ne porte pas, lui arrive à exister. Ce mercredi, en conférence de presse, il a encore fait le show. En répétition à Clairefontaine pendant la préparation, il a présenté le produit fini à Istra. Quelques passages, comme ça, en vrac :
- Quand il est arrivé : « Allez les enfants, prenez vos cahiers, page 8 exercice 4 »
- Quand il a senti venir la question sur ses zéros minute sur le terrain : « Nan, c’est pas toi qui vas me poser cette question ?? Je t’aimais bien pourtant ».
- Quand il a parlé du surnom de Jeff Tuche donné à Pavard : « Déjà, dans sa conf’, il disait d’arrêter, mais à vous, pas à moi. Vous êtes pas ses potes. Ce surnom, il l’avait déjà avant… Mais bon, sacrée tuche de balle, hein » (vous l’avez ?).
- Quand on lui a demandé s’il fait semblant d’être heureux : « Moi déjà je suis naturel, pour le moment je le vis bien, c’est vrai. Pour le moment on est en quarts, peu importe au final. Si on est titré, je le serai, comme vous aussi, comme les supporters, comme tout le monde ».
- Quand il a fini sa conf : « On m’a fait passer avant Blaise Matuidi en conférence de presse et… Blaise… c’est pas aussi marrant que moi ! »
- Quand c’est Matuidi au micro après lui et qu’il est on sait pas où dans les coulisses de la salle : « Oh mais c’est la même question lààààà ». Attendez, c’est plus clair en vidéo.
Ça fait marrer tout le monde, et on se sent obligé d’en parler, la preuve. En plus, l’humour, ça reste le meilleur moyen de noyer le poisson quand une question ne vous arrange pas. Comme quand un confrère a demandé si le fait d’avoir en conférence de presse Guy Stéphan puis deux joueurs qui ne vont pas jouer, dans les jours précédents le quart de finale, ne signifiait pas une sorte de repli sur soi du groupe. « Quoi, t’es pas content de me voir c’est ça ? », se marre Rami. Non, on passe un bon moment, mais… « Ah oui, je suis ton clown en fait ». Et hop, on en profite pour enchaîner.
Ecouté pour son expérience, respecté pour ce qu’il apporte, Adil Rami est ce qu’on appelle un «leader social». Il en faut pour structurer un groupe. On comprend quand même mieux pourquoi les joueurs nous disent qu’ils ne s’ennuient pas, malgré l’isolement, à Istra.